L’Arabie saoudite se pose en médiatrice avec une réunion sur l'Ukraine…mais sans la Russie

Riyad organise ce week-end des pourparlers de paix sur l'Ukraine, dans une tentative de démontrer son rôle de médiateur non seulement sur les questions régionales mais également sur la scène mondiale. Des représentants d'environ 30 pays seront présents. Cependant, la Russie n'y sera pas, et les attentes restent limitées quant aux résultats de cette énième initiative de paix. De son côté, l’Ukraine s'attend à des pourparlers « difficiles » mais fructueux, selon le chef de la délégation de Kiev.
(Crédits : Reuters)

Se positionner comme une force motrice des pourparlers et de la résolution des conflits. C'est l'ambition de l'Arabie saoudite, qui accueille à partir de samedi une réunion sur l'Ukraine, dans une nouvelle tentative d'imposer sa puissance et de se poser comme médiatrice sur la scène internationale.

La richissime monarchie du Golfe a en effet annoncé, le vendredi 4 août au soir, la venue de « conseillers de sécurité de pays frères » pour discuter de la « crise ukrainienne », sans dévoiler le nom des Etats y participant. La réunion se tiendra pendant deux jours dans la ville portuaire de Djeddah, sur la mer Rouge.

Une trentaine de pays, sans la Russie, ont ainsi été invités, selon des diplomates tenus au courant des préparatifs et qui ont requis l'anonymat. Selon eux, Riyad tient particulièrement à recevoir le Brésil, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, membres des Brics (avec la Russie) qui, contrairement aux Occidentaux, n'ont pas pris parti pour l'Ukraine sans toutefois soutenir l'invasion russe lancée en février 2022.

Une réunion « très importante » pour Kiev

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a salué vendredi une réunion « très importante ». Kiev compte y convaincre davantage de pays de soutenir sa formule de paix, a déclaré dans la foulée Andriy Yermak, chef du bureau de Volodymyr Zelensky et son principal envoyé pour les pourparlers, dans une interview télévisée publiée sur son application de messagerie Telegram.

« Je m'attends à ce que la conversation soit difficile, mais derrière nous se trouve la vérité, et derrière nous - la bonté », a-t-il ajouté.

La base des pourparlers est le plan de paix en dix points de Zelensky accordant la restauration de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, des garanties de sécurité pour l'Ukraine, le retrait de toutes les troupes russes, la libération de tous les prisonniers et la responsabilité des responsables de l'invasion.

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La Chine présente, mais pas la Russie

Critiquée par les pays occidentaux pour son refus de condamner la Russie, la Chine sera représentée, par son émissaire pour l'Ukraine, Li Hui. Pékin s'est en effet dit déterminé à « continuer de jouer un rôle constructif pour un règlement politique de la crise ukrainienne ».

« Nous avons de nombreux désaccords et nous avons entendu différentes positions, mais il est important que nos principes soient partagés », a-t-il déclaré.

L'Inde et l'Afrique du Sud ont aussi fait savoir qu'elles participeraient.

Néanmoins, des négociations de paix directes entre l'Ukraine et la Russie sont actuellement peu probables, selon des responsables ukrainiens, russes et internationaux, alors que la guerre fait rage et que Kiev tente de reprendre le territoire par une contre-offensive. D'autant plus que la Russie ne sera même pas à la table, étant exclue des discussions. Le Kremlin a cependant déclaré vendredi qu'il « garderait un œil » sur la réunion.

En outre, de nombreux gouvernements présents ont condamné la violation de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, mais n'ont pas adopté de position claire contre la Russie, notamment en prenant part aux sanctions.

Ryiad veut se poser en médiateur

Il n'empêche, l'événement marque une nouvelle étape dans le rôle que le royaume saoudien entend désormais jouer sur la scène internationale, trois mois après avoir accueilli Zelensky au sommet de la Ligue arabe. Selon l'agence de presse officielle Saudi Press Agency (SPA), la réunion reflète ainsi la « disponibilité du royaume à exercer une mission de bons offices pour contribuer à trouver une solution qui conduira à une paix permanente ».

Proche de Moscou et entretenant de bonnes relations avec Kiev, l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole brut, a déjà cherché à se positionner en médiatrice dans la guerre. Après plusieurs années de diplomatie erratique sous la houlette du prince héritier Mohammed ben Salmane, le royaume a assaini ses relations avec ses propres rivaux, à commencer par le Qatar, la Turquie et même, cette année encore, l'Iran et la Syrie.

Par ailleurs, l'Arabie saoudite a soutenu les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU dénonçant l'invasion russe, ainsi que l'annexion déclarée par Moscou de territoires dans l'est de l'Ukraine.

« Stratégie d'équilibriste »

Mais Riyad adopte une « stratégie classique d'équilibriste », constate Umar Karim, expert en politique saoudienne à l'université de Birmingham, au Royaume-Uni.

« La Russie verra sûrement une telle initiative de façon très favorable, ou, en tout cas, ne la jugera pas inacceptable », dit-il à l'AFP.

Traditionnellement, l'Arabie saoudite a toujours été un allié de l'Occident, surtout des États-Unis, mais le pays entretient également de bonnes relations avec la Chine, ainsi qu'avec la Russie.

Ces derniers mois, l'Ukraine a par ailleurs reproché à Riyad de faire le jeu de Moscou, sous le coup de sanctions occidentales, en menant conjointement avec elle une politique pétrolière visant à doper les prix sur les marchés mondiaux. En effet, le royaume a prolongé sa réduction unilatérale de production jusqu'en septembre, la Russie lui ayant emboîté le pas. D'autant cette mesure pourrait encore être « prolongée et renforcée », selon le ministère saoudien de l'Energie dans un communiqué, alors que la volatilité des marchés de l'énergie liée à la guerre en Ukraine a donné au pays l'occasion de se refaire une place sur la scène mondiale.

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Une image écornée en Occident

Depuis quelque temps, les relations saoudiennes avec l'Occident sont également plus tendues, compte tenu de la guerre au Yémen, dans laquelle le royaume est impliqué, et de la situation des droits de l'homme dans le pays, qui reste une monarchie absolue. Pour rappel, l'Arabie saoudite a lancé en 2015 une opération militaire au Yémen voisin, pour y soutenir les forces gouvernementales combattant les rebelles Houthis, proches de l'Iran. Les accusations de crimes de guerre et la crise humanitaire, l'une des pires au monde, ont terni l'image de l'Arabie saoudite.

Par ailleurs, l'assassinat en 2018 du journaliste critique saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul - que l'Occident soupçonne le prince héritier Mohammed ben Salmane d'avoir ordonné - a porté un coup durable à la réputation de la famille royale, plongeant le pays dans sa pire crise diplomatique.

A cet égard, le but pour Riyad est aussi de « faire oublier certains de ses échecs passés, comme son intervention au Yémen ou le meurtre de Jamal Khashoggi », alors que le pays est également à l'œuvre dans les pourparlers sur le Soudan, théâtre d'un conflit depuis mi-avril, affirme Umar Karim à l'AFP.

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(Avec agences)

Commentaires 2
à écrit le 06/08/2023 à 15:34
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Poutine ne négocie jamais (mais impose ses exigences, c'est qui le chef ?), les quatre oblasts ukrainiens ont été votés 'russes' par la Douma, une loi interdit de céder du territoire de l'Empire à quiconque (même aux chinois quand ils voudront récupé...

à écrit le 06/08/2023 à 10:41
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