L’Europe, puissance féminine

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT- Les discussions ont déjà commencé pour échafauder une direction de l'UE une fois que les citoyens européens se seront exprimés. Et si tous les postes-clés étaient confiés à des femmes ?
François Clemenceau
François Clemenceau
François Clemenceau (Crédits : © DR)

Qui l'a vraiment remarqué à vingt semaines des élections européennes ? Les institutions de l'Union, issues des urnes de 2019 et des choix des Vingt-Sept, sont pilotées aux deux tiers par des femmes. Avec l'Allemande Ursula von der Leyen à la tête de la Commission, la Maltaise Roberta Metsola à la présidence du Parlement, la Française Christine Lagarde à la direction de la Banque centrale européenne (BCE) et l'Espagnole Nadia Calviño aux commandes de la Banque européenne d'investissement (BEI), l'Europe offre un visage plus que paritaire à ses citoyens et au reste du monde. Il se pourrait même, selon un scénario livré par le site Politico Europe, que la totalité des « top jobs », les plus hautes fonctions de l'Union, soient confiés uniquement à des femmes une fois que les électeurs européens se seront exprimés du 6 au 9 juin. Un rêve ? Un risque ?

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La probable reconduction d'Ursula von der Leyen

« Ce scénario est tout à fait crédible, nous confie Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert-Schuman. Ce ne serait d'ailleurs pas si mal que dans le monde global dans lequel nous vivons et où le virilisme revient en force, l'Europe y oppose des femmes. » La crédibilité de cette éventualité vient d'abord du fait que la reconduction d'Ursula von der Leyen, 65 ans, à la présidence de la Commission est jugée hautement probable dans la plupart des chancelleries européennes. L'ancienne ministre de la Défense de la chancelière chrétienne-démocrate Angela Merkel a essayé depuis quatre ans d'imposer l'idée d'une Commission « géopolitique ». La guerre russe contre l'Ukraine a fait le reste. Partisane d'une Europepuissance, Ursula von der Leyen fait déjà campagne pour poursuivre cette mission, et ses parrains allemands et français la verraient bien rester dans ce combat pour cinq années de plus. Au Parlement, le mandat de la présidence est de deux ans et demi, renouvelable une fois. C'est naturellement aux députés d'en décider mais, au vu des intentions de vote plaçant le Parti populaire européen (PPE) en tête, la logique est au maintien de Roberta Metsola, à moins qu'un accord transpartisan n'en décide autrement. À la BCE, bras armé indépendant de l'Union, Christine Lagarde, 68 ans, est en fonction jusqu'en octobre 2027. De son côté, l'ancienne ministre socialiste espagnole de l'Économie Nadia Calviño, 55 ans, vient de prendre les rênes de la BEI, qu'elle gardera jusqu'en 2030. « Dans le monde brutal d'aujourd'hui, celui de Vladimir Poutine et de Xi Jinping, l'Europe doit prouver sa résilience et la continuité de ses positions », ajoute Jean-Dominique Giuliani, pas fâché que ces qualités soient incarnées par des femmes.

Une répartition géographique et politique des postes

Notre confrère Politico rappelle donc que deux autres visages féminins souhaitaient s'associer à cette direction de l'Union. La Première ministre sociale-démocrate danoise, Mette Frederiksen, 46 ans, se verrait bien remplacer le Belge centriste Charles Michel à la présidence du Conseil européen. Si les Vingt-Sept s'entendaient sur son nom, ce serait la première fois que cette fonction d'incarnation et d'animation de l'exécutif européen serait confiée à une femme. Quant au poste de haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, « chef de la diplomatie européenne », il a déjà été occupé par la Britannique lady Catherine Ashton et par l'Italienne Federica Mogherini. Mais c'est désormais une femme de l'Est, une voisine de la Russie, qui souhaite s'imposer et succéder à l'Espagnol Josep Borrell. Kaja Kallas, 46 ans, Première ministre centriste d'Estonie, est l'une des voix les plus fortes contre le Kremlin depuis l'invasion de l'Ukraine. Trop forte peut-être pour l'exercice du dialogue et des nécessaires compromis de toute diplomatie. Il se dit à Bruxelles que même les dirigeants de l'Otan la trouvent trop dure pour la nommer au poste de secrétaire générale en remplacement du Norvégien Jens Stoltenberg...

On le voit, cette discussion sur la répartition géographique et politique des postes, qui a déjà commencé et se poursuivra dès le Conseil européen de fin de premier semestre, illustre non seulement l'idée moderne de promouvoir une Europe plus féminine, mais aussi la conception stratégique d'une Europe plus forte. « Tant mieux si cela aboutit, même si ce n'est pas forcément le résultat exact recherché au poste près, commente Sébastien Maillard, conseiller spécial à l'Institut Jacques-Delors. Ce serait en tout cas assez audacieux face à Poutine ou Trump, qui n'ont que mépris à la fois pour les femmes et pour l'Europe. » Ne rien céder sur les valeurs, en somme, quand on croit que fermeté ne rime pas trivialement avec masculinité.

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