Après plus de 110 jours de guerre contre le Hamas, les Israéliens donnent toujours la priorité à l'unité du pays. Le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, reste solidement installé à la tête du cabinet de guerre, qu'a rejoint le parti Unité nationale (centre droit) de Benny Gantz après le massacre de civils perpétré le 7 octobre par le Hamas sur le sol israélien. La coalition au pouvoir formée par le Likoud et ses alliés religieux ou d'extrême droite, dont le parti Force juive, dirigé par le suprémaciste et ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, n'a pas changé.
« Plus de 60 % d'Israéliens juifs estiment que le parti Unité nationale doit rester au gouvernement », révèle une étude de l'Institut pour la démocratie israélienne (IDI) parue mercredi. Un sondage publié cette semaine par le quotidien israélien Maariv indique même que, pour 52 % des Israéliens, Benny Gantz conviendrait mieux au poste de Premier ministre, contre 32 % pour Bibi Netanyahou.
Mais cette préférence ne remet pas en question la politique menée par le cabinet. Les Israéliens juifs interrogés par l'IDI sont également quelque 60 % à s'opposer à un accord « pour libérer les otages en échange d'un cessez-le-feu et de la libération des prisonniers palestiniens ».
« Les Israéliens éprouvent de la frustration et du chagrin, le soutien au camp Netanyahou décline, mais on ne voit pas de traduction électorale en faveur du centre gauche », explique la politologue de l'IDI Tamar Herrmann, confirmant que pour le moment la question d'un changement de gouvernement ne se pose pas.
« Ensemble, nous gagnerons ! » a clamé Idan Amedi, l'un des acteurs vedettes de la série télé israélienne à succès Fauda, grièvement blessé au début du mois dans l'enclave palestinienne. « Nous devons cesser les débats creux et superficiels », a-t-il tranché.
« Je ne regarde pas les sondages, cela ne m'intéresse pas. Mais une chose est sûre : si l'on n'élimine pas le Hamas, on ne récupérera pas les otages », expliquait pour sa part vendredi Boaz Bismuth à La Tribune Dimanche. Ce député du Likoud, réputé proche du Premier ministre, était de retour en Israël après avoir été entendu par le Parlement européen à Strasbourg où il a défendu la position du cabinet de guerre. « La Cour internationale de justice de La Haye n'a pas ordonné de cessez-le-feu à Gaza », soulignait-il, commentant la sentence rendue par l'institution vendredi. La « honteuse accusation » de génocide soutenue par l'Afrique du Sud à l'encontre d'Israël n'a pas été retenue, constatait-il, en concluant : « Nous allons continuer la guerre dans le respect du droit international. »
Le pays vit néanmoins un moment charnière. L'armée israélienne reste confrontée au guêpier des tunnels de Gaza, où plus de 130 otages sont toujours retenus captifs. Lundi, elle a connu sa journée la plus meurtrière avec la perte de 24 soldats, dont 21 réservistes. Depuis le 27 octobre, jour de son entrée dans Gaza, plus de 200 soldats ont été tués. De son côté, le Hamas continue sa guerre psychologique. Il a diffusé vendredi soir une vidéo de propagande de trois jeunes femmes captives, accusant le gouvernement israélien de se désintéresser de leur sort.
Des voix dissonantes se font entendre
C'est d'ailleurs du côté des familles des otages que des voix dissonantes se font entendre. Une partie d'entre elles craignent que la guerre ne menace leur libération. Elles ont installé un camp devant la résidence du Premier ministre à Jérusalem, ou invectivent les membres de la Knesset. D'autres prises de position remettent également en question le consensus. Gadi Eisenkot, membre du cabinet de guerre et du parti centriste Unité nationale, a déclaré que « ceux qui parlent d'une défaite totale [du Hamas] ne disent pas la vérité », lors d'une lors de l'émission d'enquête Uvda diffusée le 18 janvier. Une déclaration d'autant plus remarquée que cet ex-chef d'état-major a perdu en décembre son fils et son neveu à Gaza.
Confronté à une guerre qui se prolonge, l'État hébreu voit ses marges de manœuvre se réduire. Cette semaine, une réunion « critique » est organisée à Paris, en présence du chef du Mossad, David Barnea, de celui du Shin Bet, Ronen Bar, du chef de la CIA, William Burns, du chef du renseignement égyptien Abbas Kamel et du Premier ministre du Qatar Mohammed Al-Thani. L'objectif est de relancer les pourparlers avec le Hamas. Le temps presse. Selon le site d'information américain Axios, le président américain, Joe Biden, en campagne pour sa réélection en novembre face à Donald Trump, a averti Benyamin Netanyahou, lors de leur dernier entretien téléphonique, qu'il ne pourra pas soutenir « une année de guerre » à Gaza.