
La fièvre du lithium est-elle en train de retomber? Ce métal qui entre dans la production de batteries pour voitures électriques, et dont la demande va exploser dans les prochaines années, a perdu plus de 36% de sa valeur depuis son pic historique atteint au début de novembre 2022, à 600.000 yuans (81.832 euros) la tonne de carbonate de lithium en Chine, le marché qui sert de référence. Fin février, la tonne s'affichait à 382.500 yuans (52.050 euros) durant la dernière semaine de février, soit une baisse de plus de 36%. Pour autant, ce prix reste élevé par rapport au niveau de 52.000 yuans (7.080 euros) auquel le lithium se traînait en 2020.-
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Correction logique
« Cette correction des prix est logique, avec des cours qui avaient été multipliés par six depuis 2021. Il s'agissait d'une exubérance irrationnelle, alimentée par une ruée qui ne se justifie pas puisque il n'y a pas de pénurie. Les besoins importants en lithium qui ont été évoqués dans les médias s'inscrivent dans le futur. Et les nombreux projets de nouvelles capacités minières qui ont été annoncés ne fourniront leurs premières productions qu'en 2027-2028 », explique Christian Mion, expert du secteur minier, chez EY.
En effet, les réserves sont abondantes, elles s'élèvent à 26 millions de tonnes, selon les dernières estimations de l'USGS, l'Institut d'études géologiques des Etats-Unis. Et même si la consommation mondiale a bondi de 45% par rapport à 2021, à 134.000 tonnes, la production mondiale (hors Etats-Unis) a progressé de 21% pour s'établir à 130.000 tonnes.
« Si la production future ne repose que sur l'offre minière, ce sera plus compliqué pour répondre aux besoins. En revanche, si la production de lithium à partir de la saumure se développe, il n'y aura pas de problème », avertit Christian Mion. Aujourd'hui, le lithium est obtenu soit en broyant du minerai, comme cela se fait en Australie (premier producteur mondial) et en Chine (troisième producteur) mais le procédé est très énergivore, soit en le recueillant dans la saumure, un mélange d'eau et de sels, un procédé utilisé au Chili (deuxième producteur), en Bolivie et en Argentine.
« L'offre de lithium est devenue une priorité pour les entreprises en Asie, en Europe et en Amérique du nord », souligne l'USGS dans son dernier rapport annuel indiquant que 12 projets d'exploitation de lithium ont été sélectionnés en 2022 aux Etats-Unis, qui vont bénéficier d'un financement public d'un montant de 1,6 milliard de dollars. La prospection s'intensifie à travers la planète et fait fleurir les projets, à l'exemple en France du projet minier d'Imerys en Auvergne ou d'Eramet en Alsace ou en Inde de la récente découverte d'un des plus importants gisements mondiaux de lithium.
Le rôle central de la Chine
Dans cette course au lithium, la Chine joue un rôle central pour deux raisons. D'une part, elle dispose d'importantes réserves de lithium, concentrées dans la province du Jiangxi, située dans le sud-est du pays, où les autorités ont dû même intervenir la semaine dernière pour démanteler l'activité de mines artisanales illégales favorisée par l'envolée des cours. Il s'agit pour Pékin de rationaliser et contrôler sa production minière. Selon l'agence Bloomberg, la région représente 10% de l'offre mondiale de lithium. D'autre part, l'ex-Empire du Milieu influence le marché du lithium par son leadership dans la filière des véhicules électriques. « Aujourd'hui, le marché des batteries et des véhicules électriques est dominé par la Chine. Non seulement, ils produisent pour leur marché local, mais ils exportent, et commencent à s'installer en Europe, comme le leader mondial des batteries, le chinois CATL, qui a ouvert son premier site dans la région de Thuringe en Allemagne le mois dernier », indique Christian Mion.
En 2022, le géant asiatique a produit 6,7 millions de voitures électriques, soit 64% de la production mondiale, dont près de 9% sont exportées, notamment sous les marques de Tesla, Dacia, Volvo ou encore les constructeurs chinois SAIC et BYD.
Pékin met fin aux subventions à la filière
Aussi, en décidant en décembre dernier d'arrêter de subventionner la filière locale, notamment l'allègement fiscal pour l'achat d'un véhicule électrique, les autorités chinoises ont amplifié la baisse des cours de lithium, en ralentissant la demande. En janvier, les ventes de véhicules électriques et hybrides ont baissé en Chine de 6,3% en glissement annuel, et, plus spectaculaire, de 48,3% par rapport à décembre, selon la Fédération chinoise des constructeurs de voitures individuelles (CPCA). Signe concret, CATL le producteur chinois qui domine le marché mondial des batteries ion-lithium a d'ores et déjà réduit le prix de vente de ses batteries, selon l'agence Reuters, ce qui devrait peser sur le prix des autres métaux. Ainsi, un autre métal, le cobalt, accuse une baisse des prix de plus de 30% en un mois.
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