
Lors de son discours d'introduction en ouverture du 20e congrès du Parti communiste chinois (PCC), le président Xi Jinping a consacré un bref passage à la stratégie à suivre dans les prochaines années en matière de lutte contre le réchauffement climatique. « Nous allons accélérer la révolution énergétique », a-t-il affirmé. Le pays vise désormais un pic des émissions de carbone en 2030 et une neutralité carbone en 2060.
Les efforts de la République populaire sont vitaux pour toute la planète, la Chine comptant aujourd'hui pour 30% des émissions mondiales de CO2 (31,1% en 2021, selon le BP Statistical Review), contre 13,9% pour les Etats-Unis. De par leurs activités, les deux pays sont les plus importants émetteurs de carbone.
Mais loin de vanter les énergies renouvelables, le leader chinois a surtout mis en avant le rôle des hydrocarbures. « Le charbon doit être utilisé de façon plus propre et plus efficace et d'importants efforts seront faits pour explorer et développer le pétrole et le gaz naturel, en découvrant plus de réserves inexploitées et en augmentant la production », a-t-il résumé.
Le fait d'évoquer en priorité le charbon découle de la place centrale de la houille dans le mix énergétique chinois (voir graphique). Il représente 55% de l'énergie consommée dans le pays en 2021 (56% en 2020). Elle était de 70% en 2001.
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Le pays n'entend donc pas réduire son usage dans les prochaines années pour produire son électricité d'autant plus si les prix du pétrole et du gaz naturel restent élevés. A elle seule, la Chine compte pour plus de la moitié de la consommation mondiale (53,8 % en 2021). Une stratégie qui est aussi motivée par le fait que le pays en brûle pratiquement autant qu'il en produit (50,8% de la production mondiale), et qu'il dispose de réserves importantes.
Efficience énergétique
Pour atténuer le recours massif à la source la plus polluante, Xi Jinping a mis l'accent sur son efficience énergétique, en améliorant les technologies de filtrage. Des progrès ont déjà été réalisés. Entre 2010 et 2020, les émissions moyennes de gaz à effet de serre par tonne de charbon produite sont passées de 226,7 kg à 151,1kg, soit une réduction d'un tiers, selon les données de sxcoal.com, un site chinois spécialisé dans les données sur le charbon en Chine. Son utilisation dans la production d'électricité est devenue également plus efficace. En 2021. les émissions étaient en moyenne de 301,5 g par KwH l'année dernière, soit 13,5 g de moins qu'en 2015, correspondant à une réduction de 95 millions de tonnes d'émissions.
L'énergie du charbon a été également mieux utilisée (voir graphique). Pour générer 10.000 yuan de PIB, il fallait plus de 1,2 tonne de charbon en 2001 contre quelque 0,7 tonne en 2021. Selon le plan quinquennal en cours (2021-2025), l'objectif est de réduire le volume de la houille de 13,5% par rapport au précédent plan pour générer la même valeur.
Contrairement au charbon, la Chine est lourdement déficitaire en pétrole. Elle doit importer plus des deux tiers de sa consommation (en 2021 sa demande était de 14,81 mb/j mais sa production n'était que de 4,2 mb/j, selon les données de l'AIE). Elle est devenue cette année, le premier client de la Russie, en raison des sanctions occidentales imposées à Moscou, pour sa décision d'envahir l'Ukraine en février dernier.
Déficitaire en gaz naturel
Le géant asiatique est également loin de couvrir ses besoins en gaz naturel. Il devrait consommer 370 milliards de m3 en 2022 et 390 milliards en 2023, mais sa production n'est estimée qu'à 220 milliards de m3 en 2022. Il doit recourir aux importations, majoritairement du GNL (venant principalement du Qatar et des Etats-Unis, et plus marginalement de la Russie). Pour le moment, le gazoduc entre la Russie et la Chine ne fournit que 16 milliards de m3. De nouveaux projets sont en cours de réalisation, notamment l'un en provenance de l'île de Sakhaline, passant par la mer du Japon (selon le Japon) ou mer de l'Est (selon la Corée). Il sera opérationnel en 2026, avec une capacité annuelle de 10 milliards de m3. Un autre projet devrait relier le Turkménistan à l'ex-Empire du milieu à travers l'Asie centrale avec un capacité de 25 milliards de m3.
Même s'il est impossible pour la Chine de se passer pour le moment des hydrocarbures pour poursuivre son développement, elle ne néglige pas les autres sources d'énergie. Si Xi Jinping a évoqué l'hydroélectricité, la progression est limitée par son impact environnemental. Et le pays concentre déjà à lui seul 30,4% des capacités mondiales.
Quant au nucléaire, avec un part de 13,5% des capacités mondiales, la Chine vient de dépasser la France (13,3%) grâce à un développement continu (voir graphique) mais reste loin derrière les Etats-Unis (30,9%). Pékin a un ambitieux programme dans l'atome en raison des faibles émissions de carbone dans la fusion de l'atome: 22 réacteurs sont en cours de construction, 43 attendent une validation et 166 sont annoncés dans les prochaines années.
Et même si sa croissance reste fondée sur les hydrocarbures, la République populaire continue à développer massivement les énergies renouvelables. A elle seule, elle concentre déjà 40% des capacités mondiales de l'éolien et 36,3% des capacités solaires. Le succès de la politique de ce mix énergétique qui devrait évoluer au fil des années pour répondre aux besoins de réduction des émissions dépend également de son implémentation dans le pays. Or, même si le bureau politique du PCC est tout puissant, en réalité, ce sont ses dirigeants régionaux qui décident des modalités concrètes de l'application des politiques locales. « Pour atteindre leurs objectifs, les autorités centrales chinoises ont besoin du soutien des provinces. Bien que la Chine ait connu une forte tendance à la centralisation sous le mandat de Xi, les provinces peuvent potentiellement être autant des goulots d'étranglement que des partenaires pour le succès des politiques nationales », soulignent dans un rapport Paredmund Downie et Jeremy Lee Wallace, chercheurs au Centre sur la politique énergétique mondiale de Columbia (Etats-Unis).
Disparités territoriales
Cette politique décentralisée dans le pays le plus peuplé du monde est d'autant plus nécessaire en raison des disparités territoriales. « Les intérêts et les échéanciers provinciaux ne correspondent pas toujours à ceux du centre parce que leurs conditions, dotations, infrastructures existantes et économies varient considérablement. La décarbonation des mégalopoles dominées par les services comme Pékin et Shanghai est différente du défi auquel est confronté le Gansu plus pauvre ou du rééquipement de la province agricole du Heilongjiang, en déclin démographique », pointent les deux experts. Il y a un déséquilibre entre les provinces. Celles situées le long des côtes est et sud comme le Guangdong, le Zhejiang, le Jiangsu et le Shandong se caractérisent par une intense activité économique et une forte densité de la population qui en font les plus importantes consommatrices d'électricité et d'émissions de CO2. C'est d'ailleurs dans ces zones que se concentrent le développement de l'énergie nucléaire (voir carte).
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Les émissions de CO2 et la pollution sont également présentes dans les provinces du nord, la Mongolie intérieure, le Shanxi et le Shaanxi, où est localisée à 70% la vitale exploitation du charbon pour le pays.
Les trois provinces du nord-est, Liaoning, Jilin, et Heilongjiang, qui dans le passé furent les bastions industriels du pays, avant de connaître un déclin industriel, sont devenues aujourd'hui la principale zone de production de céréales.
Au contraire, les provinces du nord-ouest abritent les industries lourdes, notamment chimiques, et de transformation des hydrocarbures. Les fermes solaires et éoliennes sont développées dans le nord du pays, en particulier dans les vastes étendues du désert de Gobi. Les capacités hydroélectriques se trouvent, elles, en majeure partie dans les provinces du sud-ouest dans le Sichuan qui leur assurent une dynamique économique régionale, qui a été mise à mal par les fortes sécheresses cet été qui ont entraîné des coupures d'électricité par manque d'eau. Depuis plusieurs années, les autorités développent un réseau national pour relier les provinces entre elles, pour fournir de l'électricité aux régions dont la production est faible, et en développant le transport ferroviaire pour acheminer le charbon et le pétrole.
Fort ralentissement de la croissance économique
Cette distribution de l'énergie à travers le pays est un enjeu central du développement économique du pays, qui dispute le leadership mondial aux Etats-Unis. Les nouveaux membres du comité exécutif issus des 25 membres du bureau politique vont devoir mettre en pratique un nouveau programme économique, moins dépendant du secteur immobilier, du boom des infrastructures, et des exportations. La sortie de la pandémie du Covid-19 va accélérer la reprise économique mais le PCC vise désormais à stabiliser le rythme de sa croissance. Au deuxième trimestre, elle s'était affichée à 0,4% sur un an. Le FMI l'a révisée à la baisse, désormais à 3,2%, pour 2022, son rythme le plus faible (hormis 2020 en raison de la pandémie) depuis des décennies (voir graphique). Hier, Pékin a décidé de reporter sine die la publication du chiffre de la croissance au troisième trimestre. Il ne devrait pas être bon. Surtout, il aurait terni le sacre de Xi Jinping pour lancer son troisième mandat présidentiel.
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