Les revenus pétroliers de la Russie dégringolent

Après décembre, le mois de janvier montre une perte des revenus pétroliers russes depuis l'application de l'embargo européen et du plafonnement du prix sur les exportations des barils de brut. Principale source de revenus de l'Etat russe, ce manque à gagner va peser sur le financement de la guerre d'autant que le même mécanisme qui s'applique depuis le 5 février aux exportations des produits raffinés, notamment le diesel, va amplifier le phénomène dans les prochains mois.
Robert Jules
Le site de raffinage de diesel de la compagnie pétrolière d'Irkoutsk (INK) sur le champ pétrolifère de Yarakta dans la région d'Irkoutsk en Sibérie centrale.
Le site de raffinage de diesel de la compagnie pétrolière d'Irkoutsk (INK) sur le champ pétrolifère de Yarakta dans la région d'Irkoutsk en Sibérie centrale. (Crédits : Reuters)

Les revenus que tirent la Russie de ses ventes de pétrole et de gaz ont plongé en janvier, de 46%, selon les données officielles du ministère russe des Finances. Ils avaient déjà chuté en décembre. Ce tassement concorde avec l'application depuis le 5 décembre d'un embargo européen et de l'imposition par les pays du G7 et leurs alliés de conditions restrictives sur les exportations de brut russe. Depuis le 5 février, les mêmes mécanismes s'appliquent aux produits raffinés dont le diesel.

De son côté, Gazprom a indiqué le mois dernier que ses exportations avaient reculé de 46% sur un an. Depuis la chute des livraisons par gazoduc aux pays européens, le géant gazier ambitionne de développer ses capacités de gaz naturel liquéfié (GNL), qui est livré par voie maritime. Le GNL russe n'est pas, pour le moment, soumis à des sanctions occidentales, et pourrait comme le brut trouver des débouchés en Asie, en particulier en Chine, premier importateur mondial de GNL dont l'économie s'ouvre à nouveau depuis la levée de la politique « zéro Covid ».

Le déficit public se creuse

Ce manque à gagner s'est traduit en janvier par un déficit public de l'ordre de 25 milliards de dollars, un niveau inédit depuis 2011. Parallèlement, les dépenses publiques ont bondi de 59% sur un an, principalement pour financer l'effort de guerre en Ukraine de plus en plus coûteux.

« Nous n'avons aucune limitation de financement », avait averti à la mi-décembre Vladimir Poutine. Transformé en économie de guerre, l'industrie, notamment manufacturière, a été réorientée vers des productions nécessaires à la poursuite de la guerre. « Le pays et le gouvernement donneront tout ce que l'armée demandera », avait tranché le président russe.

Le pays dispose de son fonds souverain pour couvrir ce déficit. Au premier janvier, ses réserves étaient évaluées à quelque 148,4 milliards de dollars, équivalent à 7,8% du PIB, selon le ministère des Finances. Depuis le 1er février 2022, ce montant a baissé de 15%. Pour le seul mois de décembre, le gouvernement avait puisé 35,1 milliards de dollars pour combler son déficit. Ce fonds souverain a été principalement alimenté au cours de ces dernières années par les revenus pétroliers et gaziers. Avant la guerre, l'ensemble des recettes générées par la vente des hydrocarbures contribuait à 45% du budget public.

Un impôt exceptionnel sur le bénéfice des entreprises à l'étude

Pour faire face à ses besoins, le gouvernement étudie également le principe d'une contribution des entreprises du pays, selon la presse locale. Le Premier ministre Mikhaïl Michoustine a proposé de faire appel aux membres de l'Union russe des industriels et des entrepreneurs pour verser un impôt exceptionnel de 2,8 milliards de dollars dans les coffres de l'Etat russe. Mais le lobby industriel penche davantage en faveur d'une majoration de 0,5% de la taxe sur les bénéfices, qui aujourd'hui s'élève à 20%.

Pour le Kremlin, la perte de revenus pétroliers va se transformer en casse-tête dans les prochains mois. En effet, 2023 ne devrait pas être comme 2022. L'année dernière, malgré la guerre en Ukraine et les sanctions, qui portaient en large part sur les importations de la Russie et son isolement du commerce international, les revenus générés par les hydrocarbures avaient atteint 36,7 milliards de dollars, selon des données officielles du gouvernement russe, soit une hausse de 28% par rapport à 2021. Pour le seul pétrole, la production avait augmenté de 2% et les exportations de 7%, malgré une décote sur les prix de l'oural, son brut de référence. Pour le gaz, la baisse des livraisons en Europe avait été partiellement compensée par la hausse de 8% des exportations de gaz naturel liquéfié (GNL).

Lire aussiPlafonnement du prix du pétrole russe : la Commission européenne propose 100 dollars pour le baril de diesel

L'inconnue de l'embargo sur le diesel

D'autant que pour cette année, l'impact du mécanisme de l'embargo européen et du plafond de prix sur l'exportation de produits pétroliers raffinés, notamment du diesel, restent difficiles à évaluer. Jusqu'au mois dernier leur principale destination était l'Union européenne (voir graphique).

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exportations russes de diesel

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Si l'Europe devrait pouvoir trouver des fournisseurs alternatifs, car elle raffine elle-même 80% de ses besoins en diesel, la situation s'annonce plus tendue pour la Russie, qui doit tenir compte d'un prix du baril de diesel plafonné par le G7 à 100 dollars. « La question fondamentale va être de savoir si la Russie peut dérouter le million de barils par jour de diesel vendus auparavant aux pays de l'Union européenne. Cela, dépend 1/ de savoir si coût du transport et de l'assurance sont couverts avec le prix plafonné, et 2/ de trouver de nouveaux clients », indiquent dans une note de recherche Ben McWilliams, Simone Tagliapietra et George Zachman, analystes au centre de réflexions ​​Bruegel. Selon eux, comme le diesel russe se vend pour le moment en-dessous des 100 dollars, le plafond et ses conditions ne devraient pas être un problème.

En revanche, trouver de nouveaux débouchés pourrait s'avérer plus délicat. Autant la Chine, et l'Inde qui s'étaient substitués aux pays européens étaient intéressés pour acheter du pétrole brut russe à un prix attractif pour utiliser leurs importantes capacités de raffinage et exporter les produits, autant acheter directement des produits raffinés est économiquement moins rentable.

Plusieurs scénarios

Selon les chercheurs de Bruegel, les pays qui exportent déjà du diesel vers l'Union européenne pourraient être intéressés à condition que le diesel russe soit vendu à un prix attractif. Parmi ces pays, on compte l'Egypte, la Turquie, l'Algérie et le Maroc, et sur des routes maritimes plus longues les Emirats Arabes Unis et l'Arabie saoudite. Pour ces pays, cela leur permettrait d'optimiser leur part de marchés européens en ajoutant des capacités d'exportation de diesel dont l'Europe va avoir besoin. Une autre alternative est une substitution de l'autre côté de l'Atlantique. « Si les pays de l'Union européenne augmentent leurs importations de diesel en provenance des Etats-Unis, le diesel russe pourrait être acheminé aux pays d'Amérique latine achetant du diesel aux Etats-Unis », indiquent-ils. Enfin, la Russie peut aussi ajuster ses capacités de raffinage, et exporter davantage de brut ou d'autres produits raffinés en fonction de l'évolution des conditions du marché et des prix des produits.

Quoiqu'il en soit, la carte mondiale d'acheminement du diesel est bien partie pour être redessinée.

Lire aussiPétrole : Moscou fustige l'embargo de l'UE sur les produits raffinés russes

Lire aussiEn 2024, la croissance économique de la Russie devrait dépasser celle de la zone euro, selon le FMI

Robert Jules
Commentaires 38
à écrit le 11/02/2023 à 12:23
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La Russie vends son pétrole brut à l'Inde et la Chine, qui le raffine, et le revends à ... l'Europe. Tout va bien pour eux. Par contre, nous, on achète du pétrole Russe... plus cher.

à écrit le 10/02/2023 à 22:24
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L'Europe a une fois de plus perd une guerre économique et semble curieusement s'en réjouir. A-t-elle perdu le Nord ? Tout cela est tellement affligeant. Aucune leçon élémentaire de la dernière guerre mondiale ne semble pas avoir été retenue. A sav...

à écrit le 10/02/2023 à 22:22
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L'Europe a une fois de plus perd une guerre économique et semble curieusement s'en réjouir. A-t-elle perdu le Nord ? Tout cela est tellement affligeant. Aucune leçon élémentaire de la dernière guerre mondiale ne semble pas avoir été retenue. A sav...

à écrit le 10/02/2023 à 20:16
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Voici un article trop drôle! Vraiment, j'ai eu un fou rire! Bravo à l'humoriste qui l'a écrit! Franchement, il devrait faire un one man show parce qu'il est trop drôle! Plus sérieusement, les revenus pétroliers russes dégringolent? Et alors? Je rapp...

le 10/02/2023 à 22:25
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Waooooo franchement c'est très bien dit !

le 11/02/2023 à 9:07
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Que vous etes lucide. En effet, les actuels supporters de zelinsky vont a la cata. Il est evident que ce conflit sera gagne par la Russie, c'est une question evidente de rapport de force. Pour les vaten guerre, qu'ils retiennent bien que jamais nato ...

le 11/02/2023 à 10:02
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@David972: Oui, la Russie sera probablement en excédent commercial même cette année, mais cela est grâce à une baisse d'importations (= baisse de niveau de vie et de capacité de production). En plus, il y a une nuance de taille: la fuite des capitaux...

à écrit le 10/02/2023 à 18:57
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Poutine, zéro dette avec une économie à flot, France 3000 milliards d' euros de dettes, usa 30.000.000.000.000 de dollars: la dette publique américaine franchit un nouveau cap titrait il y a qqes jours BFM. Qui est ...d' attaque...?

à écrit le 10/02/2023 à 18:13
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Terrifiant tant les troupes ukrainiennes envoyées par le deep state us et son organigramme ukrainien dans le hachoir russe manquent de munitions en raison de l'intensité des combats. Kiev a un besoin urgent de munitions, d'artillerie...

à écrit le 10/02/2023 à 13:49
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La Russie exporte son pétrole et gaz brut à l’Inde et autres qui nous le refourguent ensuite raffiné, en prenant une commission au passage. Si la Russie perd des volumes de vente, vu que les prix ont augmenté et que le marché est mondial, ça ne chang...

le 10/02/2023 à 15:19
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@Tartuf: Oui, certainement, c'est pour cela que les revenus russes baissent de 46 % :) En réalité, la Russie non seulement perd les volumes, mais aussi vend son pétrole au-dessous de 50 $/baril + la logistique plus couteuse.

le 10/02/2023 à 16:09
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@tartuffe Bah, le pétrole brut de l'Oural s'était pris une décote de ~ 30 % dès mars 2022. Cette décote est maintenant à 50 %. Donc en mars 2022, la Russie soldait déjà son pétrole à l'Inde, qui avec la Chine-Hong-Kong et la Turquie, entre autres, ...

le 10/02/2023 à 18:17
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Le souteneurs de l' otan n' apprécient guère la vérité de votre commentaire préférant oublier afin de les cacher, "les baisés européens" gelés et anéantis par la vraie inflation. Pour y voir clair, il faut retirer la presse...

le 11/02/2023 à 10:36
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@Gédéon RT France est HS, mais reste Gédéon, toujours au top pour défendre la propagande des envahisseurs !

à écrit le 10/02/2023 à 11:03
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Si l'on s'en tenait à toutes les conner... que certains journalistes "aux ordres " ont pu raconter sur l'état de la Russie et sur Poutine on serait largement déçu car dans presque tous les cas de figures ils se sont pris le nez dans la confiture...

le 10/02/2023 à 15:01
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@piedestal: Oui, racontez-nous la vérité sacrée que la Russie est efficace et bien gérée, que son armée est puissante grâce au commandement intelligent. On peut illustrer avec le dernier assaut sur Vougledar: -30 chars et véhicules blindés d'un coup ...

le 11/02/2023 à 11:42
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reponse à ex moscovite ..... toutes les informations pro Russes sont censurées et toutes les médias (BFMTV... LCI ... AFP etc... ne font qu'appliquer ce que leurs patrons pro Ukrainiens leur demande de dire en boucle ... et pour la propagande me...

le 11/02/2023 à 20:59
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@piedestal : Mon pseudo dit la vérité, je suis ancien Moscovite avec une expérience professionnelle dans les médias russes. Donc, non, je ne prends pas l’information uniquement dans les médias occidentaux, mais des sources très diverses et, des fois,...

à écrit le 10/02/2023 à 11:02
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Attention, le tremblement de terre en Turquie n'est pas un hasard. La Russie maitrise et exploite la théorie de Sun tzu dans l'art de la guerre. Appliquée aux forces et contraintes terrestres une pichenette suffit à déclencher des cataclysmes C'est ...

le 10/02/2023 à 11:53
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Vous etes auteur de SF ? Quelle imagination, j'en tombe de ma chaise.

le 10/02/2023 à 12:14
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Il faudrait dormir un peu !

le 10/02/2023 à 16:21
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Ah ah ah ah ah ah ! Vous vous êtes trompé de date. Ce n'est pas le premier avril aujourd'hui. Mais bon restez sur votre piédestal en attendant, cela vous donne surement de la haut ........ de vue. A par ça, il fait beau à Moscou ?

à écrit le 10/02/2023 à 9:23
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Si les chiffres sont véridiques c'est une excellente nouvelle , plus le peuple russe en bavera et meilleur cela sera. Cela dit les occidentaux ont des atouts , les compagnies d'assurance de fret maritime étant majoritairement occidentales cela perme...

le 10/02/2023 à 15:59
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On est toujours l'esclave de quelqu'un...Je me demande bien de qui l'Europe est elle esclave ??

à écrit le 10/02/2023 à 9:16
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Embargo fictif sur le pétrole russe, les importations records de l’Inde qui nous le revend , qu’en est il ?

le 10/02/2023 à 10:26
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@Carlier: Heureusement, ceux qui planifient des sanctions sont plus intelligents que les commentateurs sur La Tribune. Évidemment, il n'y a pas d'objectif d'enlever tout le pétrole russe du marché de suite car risque du déficit et de la flambée de p...

le 10/02/2023 à 10:46
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Si vous lisez l'article les revenus du gaz et du pétrole ont baissé de 46 % en janvier.

à écrit le 10/02/2023 à 9:04
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Comment le manque à gagner de l'Etat russe va t'il peser sur le financement de la guerre ? Ce fournirait elle dans nos pays occidentaux ?

le 10/02/2023 à 9:57
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Moi je suis très contente qu ils se casse la figure la Russie ils on voulu la guerre ils l on u ,ils on mis toute la France est d autres pays européens dans la précarité avc la hausse des matières premières et du gaz électricité et essence ce pays n ...

le 10/02/2023 à 12:29
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C'est nous qui refusons leur combustible et non pas eux, qui ont coupé les robinets ! C'est comme pour ce conflit, nous y sommes a l'origine ! ;-)

le 10/02/2023 à 12:31
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C'est nous qui refusons leur combustible et non pas eux, qui ont coupé les robinets ! C'est comme pour ce conflit, nous y sommes a l'origine ! ;-)

le 10/02/2023 à 14:51
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@ @Roronette: Tout faux. Non, c'est la Russie qui a fait l'ultimatum à l'OTAN en décembre 2021. C'est la Russie qui a actionné l'arme gazière à la fin de l'année 2021 tandis que les livraisons additionnelles ont pu reduire l'ampleur de la crise éner...

à écrit le 10/02/2023 à 8:13
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Continuons donc à faire la guerre à la Russie et à vouloir croire que les Russes ont eux-mêmes saboté leur gazoduc, on verra bien où cela nous mène, on est si forts. Munich n'est décidément pas là où on nous force à le croire...

le 10/02/2023 à 10:31
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@Britannicus: J'ai cru que c'est la Russie qui avait attaqué l'Ukraine, qui avait fait un ultimatum à l'OTAN en décembre 2021, qui a actionné son arme gazière déjà à la fin de 2021, mais si ce n'est pas important pour vous, OK, tout est la faute du m...

le 10/02/2023 à 16:15
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@ Ex-Moscovite: Qui a étendu l'Otan jusqu'aux portes de la Russie, alors qu'elle(La Russie) avait prevenu en 2007 que la ligne rouge etait l'Ukraine? Qui a fait un coup d'etat en Ukraine en 2014 en renversant Ianoukovytch democratiquement elu ? Qui ...

le 10/02/2023 à 17:41
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@ahoui: A). L’OTAN a été agressif envers la Russie ? Je ne me souviens pas. Par contre, je me souviens qu’il y a eu une base logistique de l’OTAN en Russie dans les années 2000 et même après avec toute la bienveillance du Kremlin. En plus, quel est l...

le 10/02/2023 à 20:25
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@ex-moscovite : vous ne voulez pas reconnaître que si la Russie est manifestement l'agresseur , elle a cédé à nos propres provocations. Les USA, autrefois, n'ont pas accepté des missiles soviétiques à Cuba et ont failli déclencher une guerre mondiale...

le 11/02/2023 à 13:35
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@Britannicus : Non. De quelles provocations parlez-vous ? L’élargissement de l’OTAN ? Désolé, mais premièrement c’était la volonté de nouveaux adhérents et aucun accord n’existe contre cela (contrairement aux accords entre la Russie et l’Ukraine qui ...

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