« Le français appartient au paysage international des affaires » (Stève Gentili)

ENTRETIEN- Alors que se tient aujourd'hui et demain à Bruxelles le 6e sommet Union européenne-Union africaine pour définir un nouveau partenariat, Stève Gentili, président international du Forum Francophone des Affaires (FFA), explore les enjeux liés au fait de faire des affaires en français, partout dans le monde, et en particulier en Afrique.
Stève Gentili
Stève Gentili (Crédits : DR)

LA TRIBUNE- Le Forum Francophone des Affaires (FFA) a été créé il y a 35 ans. Dans quel but ?

STÈVE GENTILI- Ce réseau d'entreprises, créé à Montréal en 1987, lors du Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement francophones, a pour but d'accompagner les entreprises intéressées, plusieurs milliers en France, qui se déploient à l'international et veulent maintenir le français comme langue économique, de travail et de formation. Il bénéficie du soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et de ses membres. Le FFA a également de nombreux alliés, dont des pays qui ne sont pas forcément francophones, mais simplement francophiles, et il est reconnu par l'Union européenne, les agences des Nations Unies, l'Union africaine... Autant dire que le FFA est véritablement installé dans le paysage international. Au-delà de l'accompagnement aux entreprises, le FFA remet également tous les ans le prix du livre économique francophone, qui récompense un auteur, quelle que soit sa nationalité, écrivant en français sur des sujets économiques ou qui concernent l'entreprise. Par ailleurs, depuis 2014, les entreprises peuvent s'appuyer sur l'Observatoire économique francophone du FFA. Des experts, internationaux, y apportent leurs analyses et une vision prospective. Nous menons en outre actuellement une étude pour voir comment les grands groupes de l'Hexagone gardent le français à l'international, d'une part, et d'autre part, comment les grands groupes internationaux implantés dans des pays francophones adoptent le français, y compris pour rayonner ensuite dans d'autres pays francophones, rayonnement qui leur offre la possibilité de conquérir des marchés régionaux en français. Enfin, le FFA participe à diverses manifestations internationales, dont les expositions universelles, comme celle qui se tient jusqu'au 31 mars 2022 à Dubaï. Notre but est de montrer qu'à côté de l'anglais, le français appartient au paysage international des affaires. L'espace francophone compte près de 550 millions d'habitants, soit 7,3% de la population et 8,7% de la richesse mondiales. Et le français est la cinquième langue parlée dans le monde. En outre, il existe un particularisme francophone.

Faites-vous allusion aux valeurs, au-delà de la langue elle-même ?

En effet. Loin de moi l'idée de prétendre que l'anglais, par exemple, ne diffuse pas de valeurs, bien sûr ! Mais le français est porteur de valeurs que nous défendons, par le biais, notamment, d'une Charte éthique, co-conçue avec l'OIF, qui engage les entreprises s'y référant au respect des droits humains, de la diversité et des valeurs universelles.

Le FFA épaule les entreprises qui font des affaires en français partout dans le monde, mais ne veut-il pas se concentrer sur l'immense réservoir de langue française que représente l'Afrique subsaharienne ?

Les marchés sont partout, en Asie, en Amérique du nord et du sud, dans la Caraïbe... mais aussi, évidemment, en Afrique. D'autant que les besoins, sur un continent de plus d'un milliard de personnes, sont immenses. Et bien sûr, certains des habitants ont une sensibilité au français et à des produits qui portent cette langue. D'ailleurs, les entreprises françaises, mais aussi canadiennes, suisses ou belges, engrangent de beaux succès en Afrique, notamment francophone.

Pourtant, au niveau politique, la France veut se détacher de la « Françafrique » et s'intéresser à tout le continent...

Le FFA se tient à l'écart de la politique. C'est vrai pour le concept de Françafrique ou le débat sur le Franc CFA. En revanche, les entreprises ont bien entendu des intérêts, comme celui d'une monnaie commune, internationale et bien valorisée, que ce soit le CFA ou autre. Et elles s'intéressent aux infrastructures de toute nature qui peuvent faciliter un commerce intra-africain, au lieu des traditionnels échanges entre le nord et le sud...

Ne s'agit-il pas aussi de contrer l'influence, de plus en plus grande, de puissances comme la Chine, mais aussi la Russie ou la Turquie, et demain, peut-être, l'Inde, sur le continent ?

Ce qui est clair en tout cas, c'est que les entreprises francophones veulent être au plus près des populations locales en Afrique et apporter une influence positive.... L'Afrique étant l'une des dernières frontières en matière de développement, il est normal que nombre d'entreprises ou de pays veuillent s'y implanter. La sécurité est cependant une condition du développement économique.

Est-ce que cela passe aussi par une transformation de certaines matières premières sur place ?

Absolument. D'ailleurs, le mouvement, déjà lancé, devrait s'accélérer, du fait, notamment, de l'augmentation de certaines matières premières - je pense au pétrole, en particulier, qui est une catastrophe pour certains pays africains - ainsi que le renchérissement du coût du transport depuis quelques mois. Les entreprises adoptent un raisonnement économique : ne vaut-il pas mieux transformer (et vendre) sur place plutôt que de payer le transport à prix d'or pour envoyer certaines matières premières à l'extérieur - je pense cette fois-ci aux cabosses de cacao, notamment - afin de les transformer, et, dans certains cas, les revendre ensuite sur place ? Ces décisions sont encore contraintes par un certain manque d'infrastructures, mais devraient prendre davantage forme à l'avenir. Et elles sont la promesse de formation et d'emplois sur place.

Le FFA soutient-il, au nom de la francophonie, des entreprises africaines qui voudraient exporter leurs produits en Europe ou ailleurs ?

Oui, chaque année, par exemple, nous accueillons au Pavillon Baltard des artisans et des professionnels des métiers d'art francophones. C'est une occasion de mises en relation et de promotion pour que les produits répondent aux besoins des importateurs, en termes de qualité, de design, de sécurité, qui offre ainsi des opportunités commerciales. En outre, nous aidons, dans les pays francophones du sud, à la formation et à l'apprentissage des métiers de l'artisanat.

Les entreprises doivent-elles également organiser la formation de main d'oeuvre sur place, en vue d'une immigration, pour résoudre les pénuries dans certains secteurs - bâtiment, soins de santé, hôtellerie... ?

Il faudrait d'abord former les immigrants qui sont déjà en France à ces métiers... et probablement également encourager la formation de nos jeunes à tous ces métiers.

Au-delà des activités économiques des entreprises, le FFA soutient-il des actions de développement (social, économiques, culturel) dans divers pays ?

 Le FFA n'intervient pas directement dans le domaine social, il s'appuie pour cela sur l'action volontaire des entreprises ou de leurs fondations. Elles participent à de nombreuses actions de développement, par le biais d'implantations de centres de formation, la construction de dispensaires ou autres. C'est la responsabilité sociale des entreprises et ce sont leurs initiatives.

Commentaire 1
à écrit le 17/02/2022 à 13:59
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Arrêtons de nous voir plus beaux que nous sommes, vulgaire bavardage stérile, et faisons en sorte de l'être réellement plus beau.

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