L'intervention militaire russe en Ukraine fait craindre une rupture dans les acheminements vers l'Europe qui dépend à 40% du gaz russe pour ses besoins énergétiques. Cette perspective a enflammé les prix sur les plateformes européennes. Sur le marché TTF des Pays-Bas, en début d'après-midi, le prix du mégawattheure (MWh) bondissait de plus de 50%, à 134,70 euros, après avoir grimpé à 138 euros plus tôt dans la journée. Il reste toutefois encore loin des 186 euros atteint en décembre dernier. Sur l'autre plateforme, au Royaume-Uni, le cours a bondi de plus de 30%, pour atteindre leur meilleur niveau depuis deux mois.
Conséquences pour les économies européennes
Même si le président russe a déclaré en début de semaine qu'il ne couperait pas la fourniture de gaz russe vers l'Europe, la situation de guerre fait peser une menace, d'une part, avec le risque d'une destruction de certaines infrastructures ou d'une mise à l'arrêt pour raison de sécurité et, d'autre part, comme moyen de rétorsion en réponse aux sanctions que les Etats-Unis et l'Union européenne préparent contre la Russie.
"Si cela devait arriver, cela pèserait sur l'activité en Europe. Il est estimé qu'un rationnement de 10% des livraisons de gaz réduirait le PIB de la zone euro de 0,7 point, avec des effets plus marqués dans certaines branches: chimie, métaux, minéraux, agro-alimentaire. A première vue, il faudrait une baisse plus forte et durable pour causer une récession mais le risque est clairement baissier", explique Bruno Cavalier chez Oddo BHF.
Les hostilités en Ukraine, pays par lequel transite, via des gazoducs, une partie des livraisons européennes, menacent de causer des dommages économiques, le gaz naturel étant notamment utilisé pour produire de l'électricité, chauffer les maisons et alimenter les usines.
Les prix du gaz en Europe ont commencé à s'enflammer à l'automne, sur des tensions sur l'offre, se traduisant par des factures de plus en plus élevées pour les ménages et des réductions de production par les entreprises, en particulier les industries qui sont à forte intensité énergétique comme les engrais et l'aluminium.
Une nouvelle appréciation des cours du gaz alimenterait une hausse des prix générale.
"Le principal canal de transmission du choc passe par l'inflation. Le consommateur européen paye déjà sa consommation d'énergie, tous types confondus, 30% de plus qu'il y a un an. Cela contribue pour plus de la moitié à l'inflation totale. Ce choc d'inflation pose un gros problème à la BCE et aux gouvernements", analyse Bruno Cavalier.
Depuis plusieurs semaines, les gouvernements américain et européen tentent de renforcer les approvisionnements en gaz naturel liquéfié (GNL) auprès d'autres pays, comme le Qatar et les Etats-Unis, ou en augmentant les volumes acheminés par pipelines en provenance de la Norvège, l'Azerbaïdjan et l'Algérie.
Difficile de trouver des alternatives à l'offre russe
Mais nombre d'analystes soulignent qu'il sera impossible de remplacer l'offre russe du jour au lendemain, pointant le problème des implantations des terminaux méthaniers. Un tiers de la capacité d'importation de GNL en Europe se trouve en Espagne et au Portugal, selon les analystes de S&P Global Platts. 24% supplémentaires se trouvent au Royaume-Uni.
Sans aucune structure dédiée au GNL, l'Allemagne est particulièrement exposée, elle qui comptait sur le gazoduc Nord Stream 2, projet reliant directement la Russie à l'Allemagne en contournant l'Ukraine. Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a suspendu l'homologation du projet, en rétorsion à l'invasion russe.
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