Libération des otages : le Hamas maître des horloges

La libération d'un deuxième groupe d'otages samedi soir, comportant treize Israéliens et quatre étrangers, a connu de multiples rebondissements tout au long de la journée. Israël a de son côté libéré 39 prisonniers palestiniens.
La guerre psychologique exercée par le Hamas est de nouveau apparue au grand jour tout au long de la soirée de samedi.
La guerre psychologique exercée par le Hamas est de nouveau apparue au grand jour tout au long de la soirée de samedi. (Crédits : RIEL SCHALIT/AP PHOTO, ALEXANDER ERMOCHENKO/REUTERS)

Les nerfs des familles d'otages détenus par le Hamas dans la bande de Gaza ont été à nouveau mis à rude épreuve ce samedi au deuxième jour de la trêve entre l'organisation islamiste et Israël. Alors que l'opération pour libérer un nouveau groupe d'otages, qui devaient être ensuite confiés au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), était en train d'être finalisée en fin d'après-midi, la branche armée du Hamas a décidé de retarder celle-ci. Elle réclamait notamment « l'entrée des camions d'aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza » et le respect des « critères de sélection » pour la libération des prisonniers palestiniens. Vers 22 heures, heure de Paris, la Croix-Rouge annonçait finalement que treize otages israéliens et quatre étrangers d'origine thaïlandaise avaient été remis en liberté par le Hamas.

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Un peu plus tôt dans la journée, une source confiait déjà « qu'aucun otage franco-israélien » n'était hier sur la liste des personnes devant être remises à la Croix-Rouge, « mais ce qui compte, ajoutait-elle, c'est qu'il y en ait sur la liste des 50 », le nombre total figurant dans l'accord conclu avec le Hamas. Dans le même temps, 39 prisonniers palestiniens ont également été libérés.

Côté français, on se veut rassurant

Ce processus, démarré après des semaines de négociations menées par l'intermédiaire du Qatar, avec l'appui des États-Unis et de l'Égypte, est respecté par les deux belligérants, malgré sa fragilité. Au total, il prévoit que 50 otages soient libérés de Gaza et 150 Palestiniens des prisons de l'État hébreu au fil des prochains jours. En revanche, la plus grande incertitude règne sur le sort des otages qui ne sont pas sur cette liste.

Côté français, on se veut rassurant. « Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? On travaille pour que les familles de disparus aient des réponses », indique une source. L'exécutif se veut discret, après la polémique suscitée par le projet évoqué en octobre par l'Élysée d'organiser une cérémonie d'hommage aux Invalides, devant l'espace dédié aux victimes du terrorisme. « On a fait cette annonce quand personne ne nous le demandait », précise la même source, rappelant que « cela avait été réfléchi et discuté avec les familles ». Mais la vitesse à laquelle évolue la situation à Gaza change la hiérarchie des priorités.

En Israël, quand les premières images de la libération des 13 premiers otages israéliens du Hamas - neuf femmes et quatre enfants, âgés de 2 ans à 85 ans -, ainsi que dix ouvriers thaïlandais et un Philippin, sont apparues vendredi, c'était la confusion des sentiments qui dominait, mêlant soulagement, tristesse et frustration, après quarante-neuf jours d'attente. « Il reste encore 215 otages dans Gaza, rappelait hier le porte-parole de Tsahal, et dans de nombreux cas nous ne savons pas s'ils sont morts ou vivants. »

Pour marquer ces « cinquante jours d'enfer » vécus par toute une nation, le Forum des familles des captifs et des disparus avait appelé 50 000 personnes à rejoindre, à partir de 20 heures, un rassemblement de soutien organisé sur l'esplanade du musée de Tel-Aviv, rebaptisée pour l'occasion « Kikar ha Hatufim », la place des Otages. Devenue le symbole de l'épreuve endurée par ces proches depuis sept semaines, elle est située en contrebas du quartier général de l'armée israélienne, à la manœuvre dans la guerre à Gaza.

Réagissant sur son compte X à l'annonce des premières libérations d'otages, Fania Oz-Salzberger, la fille du célèbre écrivain israélien Amos Oz, a bien exprimé le sentiment national. « Dans les trois à cinq prochains jours, si l'accord de libération des otages avec le Hamas se poursuit comme prévu, nous saurons lequel des enfants reviendra. Ou autrement. La joie est très atténuée. Presque tous les otages libérés vendredi sont confrontés au deuil. Leurs parents, frères et sœurs, conjoints ou enfants ont été assassinés ou sont toujours détenus à Gaza. Le kibboutz Nir Oz [dont sont originaires la plupart des otages relâchés du "premier groupe"] est détruit, un membre sur quatre a disparu. Ne vous attendez pas à une catharsis en Israël. Attendez-vous à une ambiance plus sombre, avec quelques petits rayons de lumière. »

Une guerre psychologique

Comme en écho, les proches des otages israéliens libérés lors du « jour test » se sont bien gardés de laisser éclater leur joie. « Mon épouse Doron, mes filles Raz et Aviv, 4 et 2 ans, sont rentrées de captivité. Je suis heureux d'avoir retrouvé ma famille. Mais je ne ferai pas la fête tant que le dernier des otages ne rentrera pas chez lui », a confié Yoni Asher, 37 ans, un résident de Tel-Aviv dont la belle-mère, assassinée le 7 octobre, accueillait les siens à Nir Oz. Même déchirement dans la voix de Yael Adar, la belle-fille de Yaffa Adar, 85 ans, à la fois heureuse de découvrir la libération de cette arrière-grand-mère dont le rapt dans une voiturette de golf a fait le tour du monde sur les réseaux sociaux et terriblement angoissée quant au sort de son propre fils Tamir, âgé de 38 ans, qui est resté captif à Gaza.

La guerre psychologique exercée par les ravisseurs est de nouveau apparue au grand jour, lorsque les Israéliens ont découvert que parmi les 13 premiers otages libérés figurait Hanna Katzir, 77 ans, une assistante maternelle de Nir Oz, dont le mari a été assassiné le 7 octobre, que le Djihad islamique avait déclarée morte en captivité début novembre. Confiant son désarroi, Ruby Chen, père du jeune Itay, âgé de 19 ans, enlevé par le Hamas sur une base militaire située près de Nahal Oz, où il exerçait son service militaire obligatoire, a indiqué ne pas avoir reçu de « preuve de vie » le concernant, contrairement à d'autres proches de captifs, informés par les premiers otages libérés. « Le Hamas fait ce qu'il veut : il décide qui doit être libéré et qui ne le sera pas », déplore-t-il. Les otages hommes et femmes (non mères d'enfants en captivité) de plus de 19 ans sont considérés comme des soldats et donc « non libérables » par les terroristes de l'enclave. « Mais chaque otage, indépendamment de son sexe et de son âge, n'est-il pas avant tout un être humain ? » s'interroge-t-il.

Biden veut une trêve prolongée

Ces premières libérations, même si elles suscitent l'espoir, sont effectivement orchestrées par le Hamas, devenu le maître des horloges, qui peut se targuer de réussir à faire libérer nombre de prisonniers palestiniens (lire page 8). « Une fois la courte trêve avec le groupe terroriste Hamas terminée, l'armée reprendra les combats avec intensité pendant au moins deux mois supplémentaires », a toutefois averti le ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Mais la question des otages est aujourd'hui devenue centrale. « Ce n'est qu'un début, et pour l'instant tout se passe bien », s'est félicité vendredi soir le président des États-Unis, Joe Biden, laissant la porte ouverte à une prolongation de la trêve.

Celle-ci permet aux Gazaouis de se déplacer depuis vendredi en toute sécurité sur un territoire où la moitié des logements ont été détruits, estime l'ONU, et où 1,7 million de personnes sont déplacées sur 2,4 millions. La suspension des hostilités permet également de laisser entrer les convois d'aide humanitaire. Vendredi, 200 camions ont pu décharger leurs cargaisons. À ce jour, 14500 Gazaouis, en majorité des femmes et des enfants, sont morts, selon le Hamas, dont une majorité durant les bombardements intensifs de l'armée israélienne, déclenchés en représailles du massacre de 1 200 personnes dont 850 civils perpétré par l'organisation islamiste sur le sol israélien le 7 octobre.

Commentaire 1
à écrit le 26/11/2023 à 8:46
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Au final un système qui laisse s'exprimer les terroristes et les extrémistes de droite, pas facile d'entendre des voix sereines et apaisées par les temps qui courent, terrorisme et anti-terrorisme sont les deux faces d'une même pièce dont les victime...

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