Municipales en Turquie : balle de match pour Erdogan

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT- Les élections municipales de ce dimanche en Turquie, notamment à Istanbul, sont une occasion pour le président turc de reprendre la main sur de grandes métropoles où survit difficilement ce qui reste de son opposition.
François Clemenceau
François Clemenceau.
François Clemenceau. (Crédits : © LTD / DR)

Certains l'avaient noté lors d'un match de ping-pong avec son homologue kazakh, Recep Tayyip Erdogan ne tient pas sa raquette par le manche mais par la palette. Est-ce plus facile pour gagner ? S'il est un islamiste au monde à s'être imposé de respecter les codes de la démocratie - à commencer par des élections pluralistes -, c'est bien lui. Mais sa soif de pouvoir absolu l'a conduit à négliger ou à violer bien d'autres règles.

Après plus de vingt ans au sommet, il a prouvé qu'il préférait de loin une opposition paralysée, des contestataires en prison, des médias bâillonnés et des juges intimidés. Il y a cinq ans, cette politique a été sanctionnée dans les urnes par la victoire de l'opposition aux élections municipales dans les plus grandes villes du pays. La capitale, Ankara (5,5 millions d'habitants), a été reprise par l'Alliance nationale (une coalition de plusieurs partis républicains et de partis nationalistes), tandis qu'Istanbul (15,5 millions d'habitants), vitrine de la dualité de ce pays à cheval entre l'Europe géographique et les Proche et Moyen-Orient, est passé des mains du Parti de la justice et du développement (AKP, le parti présidentiel) à celles d'Ekrem Imamoglu, l'un des leaders du Parti républicain du peuple (CHP).

Enjeu personnel

L'an dernier, l'opposition se prenait à rêver que sa coalition transformerait l'essai des municipales lors des élections législatives et du scrutin présidentiel, notamment parce que la gestion par les autorités du séisme terriblement meurtrier du 6 février 2023 s'était révélée des plus déficientes, mais il n'en fut rien. L'AKP et Erdogan ont tenu bon, malgré un tassement par rapport aux résultats des présidentielle et législatives obtenus en 2018.

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Autant dire que le retour aux urnes des Turcs ce dimanche pour élire leurs équipes municipales est vécu par le président Erdogan comme un enjeu personnel, une dernière occasion de revanche. Lui-même n'a-t‑il pas commencé sa carrière politique en 1994 par la mairie d'Istanbul avant de devenir député puis Premier ministre et président ? N'est-ce pas lui qui, furieux du score serré de son candidat de l'AKP sur les rives du Bosphore il y a cinq ans, demanda que l'on rejoue le match, ce qui permit à l'opposant Ekrem ­Imamoglu d'améliorer sa performance et de l'emporter de façon incontestable ? Pour Erdogan, cette insolence devait être payée. Inculpé pour avoir insulté le ministre de l'Intérieur, le maire fut condamné à deux ans et demi de prison, ce qui l'empêcha de se présenter à la présidentielle contre l'inamovible chef de l'État. Son remplaçant, Kemal Kiliçdaroglu, plus âgé et moins charismatique, n'est donc pas parvenu à détrôner le président sortant.

La bataille d'Istanbul

« Erdogan voit les élections municipales de ce dimanche comme l'occasion de tout verrouiller, il ne reste qu'une toute petite lumière pour l'opposition », commente Dorothée ­Schmid, directrice du programme ­Turquie et Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Surtout, selon elle, si l'AKP s'empare d'une autre grande ville comme Izmir, 4,4 millions d'habitants, bastion kémaliste. Et surtout si Erdogan maintient sa politique d'intimidation et de répression dans l'est du pays, où les maires du parti prokurde HDP (Parti démocratique du peuple), élus en 2019 dans une dizaine de villes dont Diyarbakir, ont fini par être rapidement délogés, jetés en prison pour certains et remplacés par des administrateurs d'État sous prétexte qu'ils étaient trop proches du Parti des travailleurs kurdes (PKK), considéré par le pouvoir comme une entité terroriste.

« La vraie bataille, c'est Istanbul, souligne Dorothée Schmid. C'est la ville la plus occidentalisée du pays, la plus moderne, la plus proche de ­l'Europe. » Or nombre de ses résidents ont pu être déçus de voir que le maire, Ekrem Imamoglu, n'a pas pu tenir ses promesses de campagne. Il faut dire que la majorité des conseils d'arrondissement sont encore tenus par l'AKP et que le gouvernement bloque la plupart des projets qui nécessitent des investissements massifs de l'État.

La situation économique est également mauvaise avec une inflation à 70 %, ce qui a un impact sur le financement des politiques publiques dans les grandes métropoles. Avec ses 16 milliards de dollars de budget, Istanbul a besoin d'investir massivement dans le logement et les transports, deux secteurs gangrenés par la corruption et par des entreprises de BTP dirigées par des oligarques proches du président ­Erdogan. S'il reconquiert Istanbul, c'est donc peu de dire que ce sultan ne sera plus le même, qu'il sera bien plus puissant, ce qui impactera fatalement sa relation avec ses interlocuteurs ­étrangers.

François Clemenceau
Commentaire 1
à écrit le 02/04/2024 à 4:34
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Article d'une banalité consternante. Certains aiment s'écouter parler M Clemenceau aime se lire .

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