Municipales en Turquie : débâcle pour Erdogan qui perd à Istanbul et Ankara

L'opposition turque a remporté dimanche une victoire historique à travers le pays, gagnant Istanbul et Ankara, ses deux plus grandes villes, lors d'élections municipales qui s'annoncent comme la pire débâcle du président Recep Tayyip Erdogan depuis son arrivée au pouvoir.
Pour Recep Tayyip Erdogan, il s'agit d'un « tournant » pour son camp.
Pour Recep Tayyip Erdogan, il s'agit d'un « tournant » pour son camp. (Crédits : BERNADETT SZABO)

Article publié le 31 mars 2023 et mis à jour le 1er avril à 10h.

Les résultats définitifs des élections municipales turques seront publiés ce lundi. Mais le match est plié. Le dépouillement de près de 99% des urnes à l'échelle nationale confirme que le principal parti de l'opposition, le CHP (social-démocrate), a infligé au parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du président turc Recep Tayyip Erdogan sa pire débâcle électorale en deux décennies.

Alors que le président turc rêvait de voir son parti victorieux à Istanbul, enjeu ultradominant des municipales, le CHP a revendiqué sa victoire à Istanbul et Ankara, les deux plus grandes villes de Turquie, et raflé de nombreuses autres, comme Bursa, grosse ville industrielle du nord-ouest acquise à l'AKP depuis 2004. Pour le président turc, il s'agit d'un « tournant », a-t-il concédé cette nuit au siège de son parti, l'AKP, à Ankara, devant une foule inhabituellement silencieuse.

« Malheureusement nous n'avons pas obtenu les résultats que nous souhaitions », a déclaré le chef de l'Etat turc, promettant « de respecter la décision de la Nation.

« Les électeurs ont choisi de changer le visage de la Turquie », a pour sa part estimé le chef du CHP, Ozgur Ozel.

La proclamation des résultats définitifs par la Haute commission électorale (YSK) attendue dans la journée de lundi confirmera ces résultats.

Istanbul, un tremplin vers le pouvoir

Dimanche soir, le maire sortant d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, a annoncé sa réélection à la tête de la plus grande ville de Turquie (16 millions d'habitants), qu'il avait conquise en 2019. Preuve de son importance, la ville, sise de part et d'autre du Bosphore, représente à elle seule 30% du PIB du pays et constitue un tremplin vers le pouvoir : passée aux mains de l'opposition en 2019 au terme d'une âpre élection en deux actes, Istanbul est « le plus gros trophée de la politique turque», selon Berk Esen, politiste à l'université Sabanci d'Istanbul. La principale ville de Turquie, qui a perdu son rang de capitale au profit d'Ankara en 1923, est une immense vitrine politique dont le président Recep Tayyip Erdogan, maire d'Istanbul dans les années 1990, a tiré profit pour se forger un destin national.

A  Ankara, le maire CHP Mansur Yavas a lui aussi revendiqué sans attendre la victoire, alors que le dépouillement était toujours en cours. Outre Izmir (ouest), troisième ville du pays et fief du CHP, et Antalya (sud), la principale formation de l'opposition est en voie de faire une percée spectaculaire en Anatolie. Elle fait la course en tête dans des chefs-lieux de provinces longtemps tenus par l'AKP.

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Une inflation insoutenable

Berk Esen, politiste à l'université Sabanci à Istanbul, a évoqué « la plus grande défaite électorale de la carrière d'Erdogan », notant à l'inverse que le CHP, premier parti d'opposition, a enregistré « son meilleur résultat depuis les élections de 1977 ».  Outre une possible lassitude de retourner aux urnes dix mois après les élections présidentielle et législatives de mai 2023, les électeurs, confrontés à une grave crise économique, ont sanctionné le gouvernement: l'inflation de 67% sur un an et le dévissage de leur monnaie rendent le quotidien de nombreux Turcs de la classe moyenne insoutenable. Cette désaffection s'est notamment traduite par une participation en recul par rapport à 2019.

« Les changements les plus importants en Turquie interviennent quand les gens ne peuvent plus assurer leur quotidien, quand ils n'arrivent plus à manger », relève Ali Faik Demir, professeur à l'université Galatasaray d'Istanbul.

Les candidats de l'AKP se sont toutefois maintenus en tête dans plusieurs grandes villes d'Anatolie (Konya, Kayseri, Erzurum) et de la mer Noire (Rize, Trabzon), bastions du président Erdogan, tandis que le parti pro-kurde DEM s'assurait une confortable avance dans plusieurs grandes villes du sud-est à majorité kurde, dont Diyarbakir, la capitale informelle des Kurdes de Turquie.

L'enjeu de la prochaine présidentielle

Le président Erdogan, au pouvoir depuis plus de deux décennies, avait jeté tout son poids dans la campagne, en particulier à Istanbul. Pour reconquérir Istanbul et reconsolider son pouvoir, le président turc avait désigné un ancien ministre de l'Environnement, Murat Kurum, un affidé falot au côté duquel il apparaît à la manière d'un colistier sur quantité d'affiches déployées à travers la ville.

La réélection de Ekrem Imamoglu à la tête de la mégapole le lance d'ores et déjà dans la course à l'élection présidentielle de 2028. Berk Esen, spécialiste politique à l'université stambouliote Sabanci, souligne qu'en tant que maire d'Istanbul, Imamoglu « peut rencontrer quotidiennement des milliers d'électeurs » et donc se retrouver très facilement « en une des journaux ».

Un temps d'antenne illimité

Tout au long de la campagne, le président Erdogan a enchaîné deux à trois meetings par jour, bénéficiant d'un temps d'antenne illimité. Ekrem Imamoglu, le maire d'Instanbul depuis 2019, abonné au podium des personnalités politiques préférées des Turcs, n'a eu de cesse depuis de se poser en rival direct du chef de l'Etat, qui l'a pourtant dépeint en « maire à temps partiel » dévoré par ses ambitions nationales. Le match de la prochaine présidentielle pourrait se jouer entre les deux hommes, qui partagent des origines communes de la mer Noire et une même passion pour le football.

Âgé de 70 ans, le chef de l'Etat a toutefois affirmé début mars que ces élections seraient les « dernières » sous son pouvoir, laissant entendre qu'il partira en 2028.

Commentaires 7
à écrit le 01/04/2024 à 22:00
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Après plus de 20 ans au pouvoir...Poutine devrait se méfier, même s'il pense avoir tout verrouillé.

à écrit le 01/04/2024 à 17:49
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Avec sa politique populiste et économique il a gaspillé des milliards de dollars pour soutenir sa monnaie qui a était quand même dévaluer de 80% en 10 ans… pour eux turcs le réveil islamo-turc le réveil est rude .. et c est pas son coton tige sis à c...

à écrit le 01/04/2024 à 17:48
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Avec sa politique populiste et économique il a gaspillé des milliards de dollars pour soutenir sa monnaie qui a était quand même dévaluer de 80% en 10 ans… pour eux turcs le réveil islamo-turc le réveil est rude .. et c est pas son coton tige sis à c...

à écrit le 01/04/2024 à 12:20
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La Turquie reste dépendante de la santé économique 2er du bon vouloir de l’ Europe.. certes carrefour stratégique ente la Méditerranée le monde slave et Asie centrale .. elle demeure un «  géant » au pied d argile … de par les prises de position d ´ ...

à écrit le 01/04/2024 à 9:40
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Erdo reste au pouvoir jusqu'en 2028 tout de meme.

à écrit le 01/04/2024 à 9:02
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Entre l'islamisation rampante de la société Turque et la corruption Erdoganesque, les Turc auront mis du temps à comprendre. Reste maintenant à détruire la clique des Loups gris infiltrée en Europe

à écrit le 01/04/2024 à 8:54
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C'est sur qu'avec sa politique de baisser les taux en periode d'inflation galopante, il a montre son incompetence

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