« Netanyahou veut détruire la bande de Gaza pour la rendre invivable » (Guillaume Ancel, écrivain et ancien officier d'artillerie)

ENTRETIEN - Selon l’ancien lieutenant-colonel Guillaume Ancel, les opérations militaires de l’armée israélienne dans l’enclave palestinienne sont un échec
Garance Le Caisne
Une mosquée de Nousseirat, dans le centre de Gaza, le 19 avril.
Une mosquée de Nousseirat, dans le centre de Gaza, le 19 avril. (Crédits : LTD / WP VIA REUTERS ASTRID DI ")

Alors que la communauté internationale garde les yeux fixés sur Téhéran et Tel-Aviv, les opérations militaires de l'armée israélienne se poursuivent dans la bande de Gaza. L'écrivain et ancien officier d'artillerie Guillaume Ancel tient un blog, « Ne pas subir », où il analyse les conflits armés. L'auteur de Saint-Cyr, à l'école de la Grande Muette (Flammarion, 2024) estime que les opérations militaires israéliennes ne visent pas à éradiquer le Hamas ni à récupérer les otages.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous écrivez sur votre blog que la situation est hors de contrôle à Gaza. Que voulez-vous dire ?

GUILLAUME ANCEL - En termes militaires, contrôler une zone signifie que plus rien ne peut y bouger sans que votre armée ne le sache. L'armée israélienne pensait « nettoyer » le nord de la bande de Gaza, puis le centre, et terminer avec le sud. C'est un échec. Après six mois de bombardements et de combats intenses, l'armée ne contrôle aucune partie du territoire où le Hamas continue d'agir, même si l'organisation a été très abîmée.

Après six mois de bombardements et de combats intenses, l'armée ne contrôle aucune partie du territoire

Quelles opérations mènent les Israéliens depuis leur retrait il y a deux semaines de Khan Younès, dans le centre du territoire ?

L'armée a un petit peu réduit la densité et la fréquence des bombardements terrestres, absolument colossales les trois premiers mois, mais elles restent toujours très intenses. Dans le Nord, elle mène aussi des raids quand un groupe de miliciens du Hamas, ou présumés tels, a été repéré à un endroit. En fait, les tunnels sont extrêmement compliqués à détruire intégralement. Les Américains en ont fait l'amère expérience pendant la guerre du Vietnam, croyant pouvoir détruire les tunnels du Viêt-cong avec leurs bombardiers B-52.

Une route tenue par les Israéliens coupe le territoire en deux, d'est en ouest. Ils l'appellent le corridor de Netzarim, du nom d'une ancienne colonie installée là. À quoi sert-il ?

C'est une espèce de ligne de fortifications, aux deux tiers du territoire, qui isole le nord de la bande de Gaza en empêchant les Palestiniens d'y retourner. Les Israéliens ont voulu transformer le Nord en no man's land, poussant les habitants au-delà de ce cordon de sécurité. Là aussi c'est un échec, car 300 000 Palestiniens y vivent encore. Les Israéliens sont furieux, ils voulaient faire de cette partie du territoire une « zone blanche », c'est-à-dire une zone vide interdite à toute vie humaine. Comme la zone démilitarisée entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.

Guillaume Ancel.


( Guillaume Ancel - © LTD /ASTRID DI CROLLALANZA/OPALE.PHOTO )

Dans quel but ?

Il y a un mensonge explicite de Netanyahou sur ses buts de guerre. On ne détruit pas une organisation terroriste avec des bombes de 250 kilos. Quand on fait de l'antiterrorisme, la solution n'est pas militaire. On ne fait pas non plus de la récupération d'otages avec de telles bombes. Tout ce qu'on peut récupérer, dans ces conditions, ce sont des dizaines de morts. S'il y a encore 40 ou 50 otages vivants, c'est un maximum. D'ailleurs, beaucoup de personnes au sein de l'armée israélienne, qui agit sous les ordres de Benyamin Netanyahou, sont opposées à cette offensive et veulent en finir car elle n'a pas de sens. Sous couvert de détruire le Hamas et de libérer les otages, Netanyahou veut en fait tout ravager.

Tout ravager pourquoi ?

J'ai mis longtemps à le comprendre, pourtant Netanyahou l'a écrit dans son livre Bibi - My Story, paru en 2022. Pour lui, il ne peut pas y avoir de coexistence entre Israéliens et Palestiniens. Son objectif devient clair jour après jour. Les opérations menées visent à détruire massivement la bande de Gaza pour la rendre invivable. Des immeubles sont descendus les uns après les autres ; les écoles, les hôpitaux, les mosquées, les lieux de culture sont systématiquement détruits. Des bulldozers rasent les traces qui restent. Quand la guerre sera finie, Israël laissera les Palestiniens choisir, mais ils choisiront avec leurs pieds. Même s'ils doivent traverser la Méditerranée à la nage, ils partiront, car ils n'auront plus aucun avenir sur un territoire devenu un champ de ruines.

On n'anéantit pas une organisation terroriste avec des bombes de 250 kilos

L'armée israélienne a-t-elle encore la capacité militaire de poursuivre ses opérations ?

Pas sans l'approvisionnement américain. À 80 %, leurs munitions viennent des États-Unis. Le plus crucial pour les Israéliens, ce sont les armements lourds, les bombes, les obus d'artillerie, qui sont très coûteux. Ils puisent aujourd'hui dans les stocks américains installés dans la région, en Israël, en Jordanie, en Arabie saoudite... Des stocks que les Américains gardent là en cas d'engagements régionaux. Si par exemple les Américains stoppaient cet approvisionnement ce vendredi, avec Joe Biden affirmant « c'est fini, il faut arrêter le bombardement de Gaza », les Israéliens n'auraient plus d'armes lundi ou mardi.

Garance Le Caisne
Commentaire 1
à écrit le 23/04/2024 à 7:24
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Bonjour, dire que la politique d'extension territoriale de l'etat israélienne n'est pas finis ... bien sur ils ne faut pas le dire... Se n'est pas politiquement correcte...

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