Pénurie de semi-conducteurs : Thierry Breton renvoie les entreprises à leurs responsabilités

Depuis Washington, le commissaire européen au marché intérieur est revenu sur la crise des semi-conducteurs qui freine la reprise dans certains secteurs d'activité, notamment l'automobile. Alors que l'UE veut réduire sa dépendance à l'Asie dans ce domaine, que l'alliance européenne commence à se structurer et sera bientôt renforcée par une nouvelle loi, Thierry Breton a tenu à rappeler aux fabricants concernés que le rattrapage du retard dans la production des semi-conducteurs était bien de leur ressort.
(Crédits : Denis Balibouse)

Alors que la pénurie de semi-conducteurs perturbe toujours la reprise économique mondiale, stoppant net des dizaines d'usines, notamment dans le secteur automobile, le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, estime que la résolution de cette crise relève de la responsabilité des entreprises.

Dans un échange avec la presse, à la suite d'une présentation détaillant sa stratégie de coopération entre l'Europe et les États-Unis, l'ancien patron d'Atos a expliqué hier que "c'est leur travail [aux entreprises] de le faire, de combler les besoins de leurs clients. C'est leur responsabilité d'accroître la production".

Le commissaire européen a estimé mardi que, pour résoudre la pénurie des semi-conducteurs les fabricants de semi-conducteurs devaient accroître leur production, et que cet accroissement était de leur responsabilité. Il a ajouté qu'il était conscient que l'effort de rattrapage pourrait prendre "plusieurs mois, mais s'est dit confiant dans la capacité des industriels à surmonter cette crise.

Cette industrie, essentielle à l'équipement de nombreux objets du quotidien comportant de l'électronique (smartphones, ordinateurs, électroménager...), est touchée par un déséquilibre inédit entre une demande au plus haut et une offre insuffisante, notamment en raison de perturbations liées à la crise du Covid-19. Cette pression conjoncturelle de la pandémie vient s'ajouter à la transition écologique qui passe à la vitesse supérieure, accélérant la mutation de nombre de secteurs industriels. Celui de l'automobile est particulièrement emblématique qui opère un virage massif vers la voiture hyper connectée, bardée de capteurs et d'assistance à la conduite, mais également par ce passage au tout électrique où l'importance de l'informatique, notamment pour la gestion des batteries, sera encore accrue.

Un problème de souveraineté pour l'Europe comme pour les Etats-Unis

Les entreprises européennes sont particulièrement impactées par cette pénurie. Aujourd'hui, plus de 80% de la production de semi-conducteurs est localisée en Asie, Taiwan étant le principal pays producteur. Dans son discours prononcé hier à Washington, Thierry Breton a rappelé que l'Europe et les Etats-Unis ne fournissaient plus qu'environ 10% chacun de la demande mondiale.

Dans le détail, les chercheurs Mathilde Aubry et Ludovic Jeanne rappelaient dans une étude publiée en mars dernier, que "fin 2019, la capacité de production mondiale équivalait à 19,4 millions de wafers [tranches de matériau semi-conducteur utilisées pour fabriquer des composants] et la production européenne n'était déjà, à ce moment, que de 1,1 million de wafers. Le Japon produisait à l'époque 3,2 millions de wafers, les États-Unis 2,4 et la Chine 2,6". Taïwan et la Corée avec 8,4 millions de wafers, assurant à eux deux plus de 43% du marché mondial.

La pandémie, qui a bloqué les échanges mondiaux, puis la reprise, freinée par une sous-capacité de production par rapport à la demande et une forte préemption du stock par la Chine, a levé le voile sur la dépendance de l'Europe sur ces composants essentiels.

Depuis la crise du coronavirus, l'Union européenne tente de réagir et d'augmenter ses capacités de production avec l'objectif d'atteindre 20% de l'offre mondiale en 2030, en faisant valoir la nécessité de retrouver une "souveraineté européenne" dans ce dossier.  "Nous devons donc reprendre le contrôle et rééquilibrer la chaîne d'approvisionnement mondiale des semi-conducteurs", a martelé encore hier aux États-Unis le commissaire européen.

Une loi européenne à venir sur les semi-conducteurs

Une semaine plus tôt, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé dans son discours sur l'état de l'Union que l'Europe présentera une nouvelle loi sur les semi-conducteurs. "L'objectif est de créer ensemble un écosystème européen des semi-conducteurs à la pointe du progrès, intégrant la production, a expliqué la cheffe de l'exécutif européen.

C'est dans ce sens que la Commission annonçait le 19 juillet dernier la création d'une alliance européenne des semi-conducteurs, regroupant les principaux industriels du continent. En visite mi-juillet à Grenoble, haut lieu de la production de semi-conducteurs, Thierry Breton livrait plus de détails sur sa feuille de route, notamment en disant vouloir se focaliser sur la montée en gamme en accélérant sur la miniaturisation des composants.

Le commissaire au marché intérieur rappelle souvent qu'il est ouvert à l'accueil d'acteurs étrangers, ce qu'il a également rappelé hier dans son discours à Washington. Mais cet accueil se fera aux conditions de l'Union européenne.

Toutefois, les fléchages financiers dédiés au plan n'étaient pas encore arbitrés. L'Union européenne s'est engagée en décembre 2020, dans le cadre du plan de relance, à soutenir l'industrie européenne des semi-conducteurs. Un plan d'investissement ambitieux était alors dans les tuyaux pour le premier semestre 2021 dont le montant pouvait atteindre 30 milliards d'euros. Cette enveloppe n'est pas encore confirmée, mais Thierry Breton expliquait dans les colonnes de La Tribune, en juin dernier que "'l'Europe mettra des moyens. On y travaille très vite et il y a énormément d'appétit".

Les entreprises privées en ébullition

En attendant, les États européens cherchent à s'organiser aussi à leur échelle. Ainsi, en France, le plan d'investissement important que doit annoncer Emmanuel Macron à la mi-octobre, qui a pour objectif de relancer l'industrialisation du pays, devrait couvrir un segment lié aux semi-conducteurs. 

De leur côté, les entreprises privées internationales sont en ébullition sur ce marché en pénurie. Le principal fabricant chinois de semi-conducteurs, Smic, a annoncé investir 7 milliards d'euros dans une nouvelle usine à Shanghai. L'américain Intel pourrait investir entre 20 et 80 milliards d'euros dans la fabrication de puces électroniques en Europe au cours des dix prochaines années, a indiqué son PDG Pat Gelsinger. Sans compter le plan massif d'investissement du sud-coréen Samsung, d'un montant de 175 milliards d'euros d'ici 2023 pour faire face à son concurrent dans les semi-conducteurs, le taïwanais TSMC.

Commentaires 9
à écrit le 05/02/2022 à 8:05
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il reste énormément à faire pour répondre à la demande de semi-conducteurs qui va à nouveau exploser dans les prochaines années avec de nouvelles invasions de l’électronique dans les objets connectés du quotidien. Bref, il n’y a que des opportunités ...

à écrit le 21/11/2021 à 14:06
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Voici l'explication du désamour des Français pour l'Europe : mondialisatrice, elle a laissé filer pendant des décennies toute notre industrie à l'étranger, sans aucune vision de long terme, et maintenant nous sommes à la merci du reste du monde, ave...

à écrit le 23/09/2021 à 10:19
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les semi-conducteurs ca ressemble a un cartel quyi s est organisé pour augmenter les prix au detriment du consommateur en bout de chaine et comme cela se passe en asie ..rien a voir circulez...si la chine envahie taiwan..quel desordre cela va faire a...

le 23/09/2021 à 11:23
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@ Brehat. Taiwan a depuis bien longtemps pris ses precautions concernant les conceptions et fabrications des SC. En cas d'attaque de la Chine, ce qui est fort improbable, les usa ne resteront pas les bras croises. Mais bon vous les francais vous aime...

à écrit le 22/09/2021 à 17:17
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Sinon, on a X-fab à Corbeil Essonne,si,si castex nous l'a dit lors de sa visite,seul problème pas grand monde au recrutement ne veut faire l'horaire 4X12h ...alterné en plus.La-bas c'est plutôt pénurie de personnel.

le 23/09/2021 à 8:35
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et ils paient combien ? pour quel type de profil ? parce que faire 4*12 h pour le smic en banlieue parisienne pour un bac+2 c est sur que c est pa smotivant

à écrit le 22/09/2021 à 17:12
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En fait l'UE, consortium financier européen aura d'abord et avant tout était un puissant frein à l'Europe. Le peuple français avait encore raison. La rente de ceux qui ont détruit le monde en ronflant aura aussi anéanti le dynamisme et le travail et ...

à écrit le 22/09/2021 à 13:55
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"l'alliance européenne commence à se structurer " Il ne vont pas vite depuis Maastricht ! À force de détruire pour reconstruire et re-detruire on fait du surplace . Surtout que l'Europe économique existait bien avant Maastricht .

à écrit le 22/09/2021 à 13:09
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J'ai réparé la carte électronique de ma chaudière gaz (sinon il fallait la changer, 400€ pour un petit relais usé à 2€), mais le triac qui commande le moteur d'extraction des gaz brûlés via ce relais, il sera disponible chez RS vers juillet 2022 (si ...

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