Porto Rico : "La dette pourrait être un enjeu de la présidentielle américaine"

Asphixiée par le poids de sa dette, l'île doit rembourser en tout et pour tout plus 72 milliards de dollars à ses créanciers et risque mercredi le défaut de paiement. Sylvain Bellefontaine, économiste chez BNP Paribas spécialisé dans l'Amérique latine, revient pour La Tribune sur les causes et les conséquences de cette crise.
Laszlo Perelstein
Le gouverneur Alejandro García Padilla a annoncé lundi 29 juin à la télévision que le pays était à court d'argent et courrait au défaut de paiement.

La Tribune - Quelles sont les options du gouvernement à l'heure actuelle ?

Sylvain Bellefontaine - Le statut hybride de Porto Rico (commonwealth : État libre associé aux États-Unis qui a gardé sa souveraineté, ndlr) fait que le pays ne peut pas bénéficier de la loi fédérale sur les faillites. Dans un récent jugement, une autorité américaine s'est opposée à ce que l'île utilise le chapitre 9 de cette loi, comme la ville de Détroit l'avait fait en 2008, du fait de son statut d'État fédéral. N'étant pas non plus un État souverain, le pays ne peut pas faire appel au FMI et se trouve plus ou moins dans une impasse.

L'idée aurait été que la banque publique de développement portoricaine (principale organe d'investissement et le gestionnaire financier de la dette de l'île, ndlr) puisse émettre des obligations pour attirer des fonds. Mais cela semble difficile au vue de l'échéance, étant donné que plusieurs semaines sont nécessaires.

On se dirige donc vraisemblablement vers une restructuration de la dette puisqu'en face il y a des créanciers privés habitués à gérer ce genre de cas et qu'au niveau juridique, le remboursement de la dette prime sur la paie des salaires et des retraites.

Certains médias et économistes comparent la situation de Porto Rico avec celle de la Grèce, qui a fait défaut sur sa dette mardi 30 juin. Est-ce justifié ?

D'un certain point de vue oui. Les deux pays sont l'impossibilité de dévaluer leur monnaie puisque l'un utilise le dollar américain et l'autre l'euro. La différence étant néanmoins que Porto Rico n'a jamais fait défaut sur sa dette et n'est pas sous un programme d'assistance respiratoire comme la Grèce, malgré une récession depuis huit ans.

Les deux économies font également face à des problèmes structurels au niveau de leur compétitivité. Pour Porto Rico, cela a commencé en 2006 avec la décision du Congrès américain d'arrêter l'incitation fiscale pour les produits fabriqués provenant de l'île. Ce régime bénéficiait particulièrement à l'industrie pharmaceutique, qui s'est retirée par la suite, rendant moribonde l'économie du pays. Le gouvernement a donc été contraint de d'ouvrir le porte-monnaie public, creusant ainsi le déficit et la dette, alors que le pays souffre d'une main d'œuvre peu qualifiée. Il y a bien une réforme fiscale qui est passée il y a quelques semaines, augmentant la TVA et élargissant l'assiette fiscale, mais elle ne portera ses fruits qu'à moyen terme, pas à court terme.

L'option d'un soutien de Porto Rico par les États Unis, dont on n'entend pas parler, pose finalement la même question que pour la Grèce. Une question qui est plus politique que d'ordre financière.

La dette de Porto Rico est pourtant possédée à 60% par des porteurs individuels portoricains et américains. Existe-il un risque de contagion ?

Il pourrait y avoir des conséquences mais comme la dette est diluée sur de nombreux investisseurs, les risques encourus sont moins graves. La question pourrait toutefois être un enjeu pour l'élection présidentielle de 2016. Beaucoup de Portoricains ont quitté le pays ces dernières années (48.000 par an entre 2010 et 2013, ndlr) et la plupart se sont installés en Floride, état décisif pour l'élection ("swing state" en anglais, ndlr). Leur présence pourrait donc jouer un rôle clé et être un facteur décisif.

Laszlo Perelstein

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 02/07/2015 à 12:04
Signaler
Porto Rico, serait elle la Grèce des USA, comment vont faire les US pour se sortir de ce mauvais pas, va t'il y avoir un Porto Rico Exit, comme pour la Grèce en Europe, ce sera intéressant de voir comment tout cela va finir!!!!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.