Pour les Anglais, "God save the King"... et l'économie du royaume

Charles III a été proclamé roi du Royaume-Uni samedi matin à Londres lors d'une cérémonie réglée au millimètre, deux jours après la mort de la reine Elizabeth II au terme de soixante-dix ans de règne. Sous les hourras d'un "God save the king", les Anglais ont-ils oublié (un temps), les graves tensions économiques qui pèsent sur leur pays ? Charles III accède au trône dans une période difficile, le Royaume-Uni étant confronté à la pire crise économique de ces 40 dernières années, alors que quatre Premiers ministres se sont succédé en six ans.
Laurent Lequien
(Crédits : POOL)

L'ancien prince de Galles a succédé immédiatement à sa mère comme monarque britannique jeudi, après le décès d'Elizabeth à l'âge de 96 ans. Il sera officiellement proclamé roi en fin de matinée par le Conseil d'accession, qui réunit des membres de la famille royale, plusieurs centaines de parlementaires, la Première ministre Liz Truss, ainsi que le maire de Londres Sadiq Khan, des hauts fonctionnaires, des représentants du Commonwealth et des dignitaires de l'Église anglicane.

Charles iii proclame roi lors d'une ceremonie a londres

L'économie anglaise en deuil

Grands magasins fermés, horloges décalées, réunions reportées... Le monde des affaires britannique a rendu hommage dès vendredi à la reine Elizabeth II même si le commerce continue à battre son plein, avec notamment les objets souvenirs qui s'arrachent.

Cheminots et postiers, dont le mouvement de grève face à l'inflation à plus de 10% au Royaume-Uni, la plus élevée du G7, se poursuit depuis des semaines, ont pour leur part annoncé qu'ils interrompaient les débrayages jusqu'à nouvel ordre.

Côté finances, la banque d'Angleterre a repoussé d'une semaine sa réunion de politique monétaire initialement prévue jeudi prochain, où une décision sur une probable hausse des taux était largement anticipée face à l'inflation.

Les affaires continuent en revanche à la Bourse de Londres, qui fonctionnait normalement vendredi, même si le London Stock Exchange devrait interrompre ses opérations lors d'une journée de deuil national pour l'enterrement de la monarque.

Une inflation record en Europe

La menace d'un ralentissement brutal de l'économie britannique continue de planer. L'inflation poursuit sa course folle au Royaume-Uni, après avoir atteint +9,4% en juin, la voici désormais au-delà des 10% en juillet (10,1% sur un an) selon l'office national des statistiques sur l'indice de la hausse des prix. Autrement dit, un record depuis 40 ans lorsqu'en 1982, période où le chômage culminait à plus de 10%, la Première ministre Margaret Thatcher avait fait de la lutte contre l'inflation l'une de ses priorités.

La Banque d'Angleterre a déjà anticipé la poursuite de cette flambée, avec une inflation à 13% en octobre prochain. Parmi les premières banques centrales à prendre le sujet très au sérieux, elle a, de fait, drastiquement rehaussé son taux directeur à 1,75%, soit la plus forte augmentation depuis 1995, et anticipe une récession à la fin de l'année.

Pour l'heure, les foyers britanniques sont confrontés à la réalité. L'alimentation a particulièrement augmenté en juillet. "La boulangerie, les produits laitiers, la viande et les légumes", mais aussi "les plats à emporter", énumère Grant Fitzner, chef économiste de l'Office national des statistiques (ONS), sur Twitter. Les hausses drastiques des prix de l'énergie, qui flambent eux aussi, doivent entrer en vigueur pour les particuliers.

Les salaires fondent

En conséquence, le pouvoir d'achat des Britanniques fond à une vitesse record, avec des salaires réels, c'est-à-dire ajustés après les hausses de prix, qui ont perdu 3% pour les trois mois terminés fin juin, selon des chiffres publiés par l'ONS courant août. L'économie accuse aussi le coup. Le produit intérieur brut (PIB) britannique s'est contracté de 0,1% au deuxième trimestre, avant une probable entrée en récession à la fin de l'année.

"Je comprends que les temps sont durs et que les gens s'inquiètent des augmentations de prix auxquelles les pays du monde entier sont confrontés", a réagi le ministre des Finances Nadhim Zahawi, mettant en avant le paquet de soutien de 37 milliards de livres (43,9 milliards d'euros) déjà annoncé par le gouvernement.

Les données de l'ONS "indiquent que l'inflation a augmenté plus fortement au Royaume-Uni que dans d'autres pays du G7" et "de nombreux consommateurs sont déjà contraints de faire des choix" difficiles pour équilibrer leur budget, selon Susannah Streeter, de Hargreaves Lansdown.

Pas de "superprofit" pour le principal énergéticien anglais

Centrica, principal fournisseur d'énergie de Grande-Bretagne, envisage de plafonner ses bénéfices dans le but de réduire les factures des ménages, déclare son directeur général, Chris O'Shea, cité samedi par le quotidien The Guardian. Chris O'Shea souhaite que Centrica, propriétaire de British Gas, devienne dans ce but la première société à signer de nouveaux contrats renégociés avec le gouvernement sur la production d'électricité.

Liz Truss s'était engagée jeudi, deux jours après son arrivée à Downing Street, un plan d'aide massif pour les ménages et les entreprises face à l'envolée des coûts de l'énergie, assorti d'une ambitieuse politique de forage tous azimuts avec une relance de la fracturation hydraulique et un réexamen de la trajectoire vers la neutralité carbone.

Les factures pour un ménage moyen vont être plafonnées à 2.500 livres par an, "soit une économie de 1.000 livres" par an par rapport à ce qu'ils auraient dû payer sans intervention du gouvernement.

Les entreprises et institutions publiques comme les écoles toucheront des "aides équivalentes pendant six mois". "C'est un moment pendant lequel il faut être audacieux. Nous faisons face à une crise de l'énergie (...) et ces interventions auront un coût", a reconnu la dirigeante devant le Parlement.

Centrica a vu s'envoler son bénéfice au premier semestre grâce à la vente d'actifs et à l'envolée des prix de l'énergie. Son résultat d'exploitation ajusté pour les six premiers mois de 2022 a atteint 1,34 milliard de livres (1,53 milliard d'euros) contre 262 millions de livres un an plus tôt.

"Nous exerçons évidemment cette activité pour créer de la valeur pour tous nos actionnaires, nos clients, le pays. Mais il ne s'agit pas de maximiser les profits de cette année, il s'agit d'avoir une activité viable sur le long terme", a assuré Chris O'Shea au Guardian.

(avec agences)

Laurent Lequien
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