Poutine est l’héritier de Staline, pas de Hitler

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — Les messages adressés par les présidents français, américain et ukrainien à l’occasion du 80 ème anniversaire du D-Day appellent à un esprit de résistance et de défense qui s’inspire de la résistance et du combat des alliés contre le nazisme mais qui doivent surtout viser le maitre du Kremlin pour ce qu’il est, le continuateur de l’hégémonie soviétique.
François Clémenceau, le monde à l'endroit.
François Clémenceau, le monde à l'endroit. (Crédits : © DR)

Bien entendu, les jeux de miroirs entre la libération de l'Europe du nazisme et la résistance de l'Ukraine face à la guerre d'agression de Vladimir Poutine ne peuvent être que des anachronismes. Volodymyr Zelensky n'est pas Churchill, pas plus que Joe Biden n'est Roosevelt ou Emmanuel Macron un de Gaulle européen face aux ombres brunes du fascisme rampant d'aujourd'hui. Mais ces trois-là sont bien des héritiers de ce que fut l'histoire de l'Europe entre 1933 et 1945. Tout au long de leurs cheminements et de leurs discours cette semaine en Normandie et à Paris, ils ont témoigné de la crainte de revivre des séquences - ou de subir des conséquences - de ce que fut à l'époque l'implacable volonté de puissance hitlérienne.

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Serait-ce là vraiment, sans mauvaise foi, de la récupération électoraliste de la part du président français et de son aîné américain alors que tous deux seront confrontés aux résultats des urnes ce soir et le 5 novembre ? A-t-on vraiment compris quels sont les enjeux de la période que nous vivons depuis quelques années au sein des démocraties de l'Union européenne ? Et aux États-Unis, alors que la République américaine a été molestée jusque dans son cœur sacré lors de l'assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021 ? Et ce qui est en cause aujourd'hui avec le retour brutal des ex-empires qui menace les nations libres réparties à travers le monde ?

L'héritier des méthodes hégémoniques

Oui, il était indispensable à Omaha Beach, comme à la pointe du Hoc et à l'Assemblée nationale, de remettre les choses en perspective, de scruter notre histoire commune afin de savoir d'où l'on vient, ce que nous sommes et ce à quoi nous nous refusons. Non, il ne s'agit pas de « parasitage » ou de « pollution » du débat démocratique des élections européennes et américaine. Mais, au contraire, comme ses dirigeants en ont le devoir au nom de la cohésion nationale de leurs sociétés, d'un devoir de mémoire du passé qui doit éclairer notre présent. Alors reprenons : oui, les martyrs soviétiques du front de l'Est et tous les mouvements de résistants répartis à travers l'Europe ont contribué à ce que les jeunes héros du D-Day puissent débarquer en Normandie avec l'avantage de l'existence d'un double front qui finirait par prendre en tenaille l'Allemagne nazie.

Mais il existe une différence majeure entre ce que sont devenus les pays libérés de l'occupation allemande par les Alliés et ce que fut le destin des peuples happés par la sphère d'influence et de domination de Staline et ses successeurs. Les premiers ont réappris dans les ruines de la guerre l'art si difficile de la démocratie. Les seconds ont connu la chappe de plomb que réservait l'URSS à ses affidés. Lorsque le président Zelensky, à la tribune de l'Assemblée nationale, estime qu'avec la Russie « le nazisme est de retour », il se trompe. Vladimir Poutine n'est pas un nouveau Hitler, mais bien davantage et surtout l'héritier des méthodes hégémoniques auxquelles se sont livrés tous ses prédécesseurs depuis le début de la Seconde Guerre mondiale et pendant toute la guerre froide entre l'URSS, communiste, et l'Occident libéral. C'est donc l'esprit de défense des démocraties européennes qu'il faut invoquer plutôt que de s'en prendre à un régime russe tyrannique sur son propre sol. Il ne s'agit pas là de libérer la Russie de ses propres maux, à l'image de ce que firent les Alliés en 1945 lorsqu'ils marchèrent jusqu'à Berlin pour dénazifier l'Allemagne. Mais bien d'aider l'Ukraine à obtenir que les troupes de Poutine quittent son territoire souverain et que ce genre d'agression ne se reproduise pas ailleurs.

A-t-on compris quels sont les enjeux de la période que nous vivons au sein des démocraties de l'Union européenne ?

L'Europe de l'Ouest a connu entre 1945 et 1989 et jusqu'à aujourd'hui ce que la démocratie permet, des alternances et des revers, des immobilismes et des progrès fulgurants. À l'Est, en revanche, les premières failles sont apparues dès l'automne 1956 en Hongrie. Une répression implacable - au moins 2 500 morts - contre celles et ceux qui manifestaient pour la liberté. Puis ce fut le tour de la Tchécoslovaquie en 1968 avec le printemps de Prague. Le « socialisme à visage humain » prôné par Alexander Dubcek n'était pas du goût de Leonid Brejnev, et les chars de l'Armée rouge ont mis fin à cette expérience dissidente.

En 1980, la Pologne reprit le flambeau de la résistance avec Solidarnosc. Quoi ? Un syndicat libre aux chantiers navals de Gdansk ? Afin d'éviter de voir les blindés soviétiques mater cette émancipation, le sinistre général Jaruzelski décréta l'état d'urgence. Plus de 10 000 syndicalistes furent internés et une dizaine de mineurs de Silésie tués par les forces antiémeutes. Mais Lech Walesa et les siens donnèrent l'exemple à toutes les populations opprimées des autres pays de l'Est jusqu'à ce que le mur de Berlin finisse par tomber. Le 6 juin 1984, Ronald Reagan avait profité de son discours à la pointe du Hoc pour appeler les Soviétiques à « partager le désir et l'amour de la paix » afin qu'ils « abandonnent le chemin de la conquête ».

Quatre décennies plus tard, Joe Biden, au même endroit, a demandé vendredi à ses concitoyens d'écouter le message des 225 rangers américains qui ont escaladé sous la mitraille cette falaise de Normandie pour contribuer à la libération de l'Europe. « Ils nous demandent aujourd'hui de ne pas nous détourner et de ne rien lâcher », a-t-il martelé en évoquant les « idéologies de la haine », qu'il faut combattre. La veille, Emmanuel Macron a redit que la France ne faisait pas la guerre à la Russie. « Mais qui nous dit que la Russie s'arrêtera là ? » s'est-il interrogé en parlant de la nécessité de résister à « la loi du plus fort ». Il a même qualifié ce que serait devenue l'Ukraine sans l'aide militaire que lui apportent ses alliés des pays démocratiques : « Un satellite russe. » L'expression ne doit rien au hasard. Ce n'est pas un nouveau Hitler qui doit être combattu aujourd'hui par les armes de la résistance et jusque dans les urnes afin de soutenir les politiques d'aide à l'Ukraine, mais bien le néosoviétisme qu'incarne Vladimir Poutine.

Commentaires 4
à écrit le 09/06/2024 à 14:10
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exactement, et c'est pour ca que les baltes et les europeens de l'est proches de la russie sont ssur la defensive, et ils ont raison......sachant que hitler a ete vu dans de nombreux pays comme un liberateur, c'est dire a quoi les gens s'attendent!!!...

à écrit le 09/06/2024 à 13:55
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Bonjour, exacte pas vraiment dire un démocrate... ils s'est emparé du pouvoir et a améliorer un peux la vie du peuple russes... Bien sur , ils aura conduits de miliers de gens dans des camps de travail et aura organisé sa réélection... ( dictateur)...

le 09/06/2024 à 17:07
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@Rogger: Il est impressionnant jusqu'à quel niveau certains ne connaissent pas l'histoire de la Russie moderne. Ce sont surtout les prix des matières premières qui ont amélioré la vie de peuple russe. Par sa chance, le rallye des prix a commencé au ...

à écrit le 09/06/2024 à 8:13
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Ben nos médias de masse repus à la pensée unique ont bien du mal du coup à être efficace pendant cette période de troubles, ils ne sont pas fait pour la guerre ils osnt faits pour les strats et les paillettes, trop de dogmes, trop de paroles interdit...

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