Au Proche-Orient, l’incontournable Liban

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — Le chef de la diplomatie française a entamé ce week-end une nouvelle tournée qui l’emmène à Beyrouth, Riyad et Tel Aviv, trois pièces d’un puzzle pour lever un par un les obstacles à la paix dans la région.
François Clemenceau
Chronique de François Clemenceau, Le monde à l'endroit
Chronique de François Clemenceau, Le monde à l'endroit (Crédits : © LTD / DR)

La blague a longtemps fait le tour du pays du Cèdre à propos de l'ancien président Émile Lahoud, à qui l'on reprochait de s'attarder un peu trop dans sa piscine du palais de Baabda : « Le président, il nage, mais le pays, il coule. » Aujourd'hui, c'est à l'évidence bien pire. Ce pauvre pays n'a plus de président depuis dix-huit mois, et il s'est effectivement noyé. Le Liban est plongé dans une crise économique et financière abyssale, ses institutions sont paralysées, et Israël menace d'une nouvelle opération militaire terrestre dans le Sud afin de neutraliser les tirs de roquettes et de missiles du Hezbollah, la main armée de l'Iran, à 50 kilomètres seulement de Haïfa.

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Stéphane Séjourné retourne à Beyrouth ce dimanche pour la deuxième fois depuis son arrivée au Quai d'Orsay au mois de janvier. Il y rencontrera le Premier ministre démissionnaire, le sunnite Najib Mikati, qui lui-même a été reçu à l'Élysée le 19 avril, ainsi que le président du Parlement, le chiite Nabih Berri, 86 ans, à ce poste depuis trente et un ans. Seul ce dernier peut convoquer les députés afin qu'ils élisent un nouveau président de la République, de confession chrétienne maronite, comme le prévoit le Pacte national. Sans président, impossible de nommer un nouveau Premier ministre pour s'attaquer à la crise dévorante que subissent les Libanais.

Mais impossible également, sans chef des armées, de donner moyens et mandat aux forces régulières afin qu'elles se déploient jusqu'à la frontière israélienne pour que le pays retrouve sa souveraineté sur la totalité du territoire et ramène le Hezbollah dans ses quartiers. Ce n'est donc pas un hasard si le chef d'état-major de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, a été également accueilli à Paris la semaine dernière. Chrétien, loyal aux institutions, prolongé à son poste par le Parlement alors qu'il devait partir à la retraite, l'homme pourrait être un président de consensus, pour autant que les querelles dans le camp chrétien cessent entre ceux qui ont fait allégeance au Hezbollah et ceux qui lui résistent.

De Beyrouth à Gaza en passant par Riyad...

À l'issue du départ des forces syriennes du Liban en 2005, un responsable français à qui l'on demandait, déjà à l'époque, si l'armée libanaise allait pouvoir enfin jouer son rôle souverain avait répondu : « Parce que vous croyez de leur part à un sursaut de dignité ? » La phrase était d'une cruauté sans nom, mais pas si injuste dans la mesure où les dirigeants du pays n'avaient jamais vraiment agi pour se libérer des tutelles et des allégeances, qu'elles soient occidentales, saoudienne ou iranienne. Depuis la fin de l'opération militaire israélienne de 2006 au Sud-Liban, la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU prévoit que le Hezbollah retire ses forces et son artillerie situées au sud du fleuve Litani, à une vingtaine de kilomètres de la frontière israélienne.

Le texte n'a jamais été appliqué, mais, avec la reprise des hostilités de part et d'autre depuis le pogrom du Hamas du 7 octobre, une proposition française de gestes de confiance par étapes a été remise à Israël et au Hezbollah. Elle bénéficie désormais, selon nos informations, du soutien d'un groupe informel de pays clés constitué des États-Unis, de l'Égypte, du Qatar et de l'Arabie saoudite. « Le Hezbollah est-il prêt à entrer dans cette phase de désescalade tant qu'il n'y a pas de cessez-le-feu pérenne à Gaza ? Pour l'instant, la réponse est non, commente un diplomate européen proche des négociations. Mais les acteurs libanais commencent à comprendre que la situation actuelle peut se retourner contre eux. »

Il se trouve que les représentants de grands acteurs au Proche-Orient vont se retrouver jusqu'à demain dans la capitale saoudienne pour évoquer principalement la situation à Gaza. Côté occidental, Stéphane Séjourné retrouvera son homologue américain, Antony Blinken, mais aussi ses partenaires du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de l'Italie. Côté arabe, outre l'Arabie saoudite, le Qatar et l'Égypte, des émissaires de Jordanie et des Émirats ainsi que de l'Autorité palestinienne seront présents. Comment faire pression sur Israël pour clore l'opération à Gaza et s'engager sur une perspective de règlement politique avec les Palestiniens, que ce soit dans l'enclave sous blocus ou en Cisjordanie ? De Beyrouth à Gaza en passant par Riyad, on pourrait croire que tout se tient, tant les conditionnalités s'enchaînent. Mais la vérité est que chaque acteur veut négocier pour ses propres intérêts sans bien voir que ce Proche-Orient « global » nécessite une action collective mature et responsable.

François Clemenceau

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Commentaire 1
à écrit le 30/04/2024 à 9:02
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Le Liban est un véritable laboratoire néolibérale, son oligarchie a complètement pillé le pays qui se retrouve mendiant mondial. Et cette oligarchie par logique complètement incompétente est toujours là tandis que chaque productif lui est régulièreme...

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