"Reconstruire Katmandou prendra des années"

Il y a 14 ans, l'Inde subissait un tremblement de terre d'une amplitude similaire à celui que vient de connaître le Népal, causant la mort de quelque 20.000 personnes. Edward Simpson, professeur d'anthropologie à l'Université londonienne des études orientales et africaines (SOAS University of London), a publié un livre (1) sur la reconstruction de la région indienne de Gujarat. Il en tire quelques enseignements pour le Népal.
Edward Simpson, professeur d'anthropologie à l'Université londonienne des études orientales et africaines (SOAS University of London)

La Tribune - Vous avez étudié les conséquences du séisme qui a secoué la région indienne de Gujarat, en 2001. Peut-on établir un parallèle avec la situation actuelle au Népal ?

Edward Simpson - Je reconnais en effet dans ce qui se passe au Népal aujourd'hui une situation similaire à celle que j'ai vu dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre de Gujarat, notamment le manque de coordination de l'aide et les problèmes d'accessibilité à l'aéroport international de Katmandou.

Comment la reconstruction peut-elle s'organiser ?

Il faut mettre l'accent sur les infrastructures [dont le pays manquait déjà cruellement avant le séisme. NDLR] : hôpitaux, systèmes de transport, production d'énergie... Ces investissements seront probablement effectués par la banque mondiale et la banque asiatique de développement sous la forme de partenariats publics-privés. Certaines grandes entreprises internationales, en particulier indiennes ou chinoises, vont sûrement manifester leur intérêt pour ce marché de la reconstruction.

Cela risque-t-il de prendre du temps ?

Tout dépend des régions. Dans les zones rurales, la reconstruction pourrait aller très vite, car il y a de l'espace pour bâtir à neuf. C'est ce qui s'est passé dans les villages de la province de Gujarat où les travaux ont été pris en charge par des partenariats entre acteurs publics et privés.

En revanche, remettre les villes sur pied risque d'être incroyablement plus compliqué. À Katmandou, il faut repenser toute l'organisation de la ville en termes d'urbanisme, s'interroger sur la façon dont les gens vivent. Cela prendra plusieurs années. Et pour continuer à attirer, le secteur touristique [particulièrement dynamique dans l'économie népalaise, mais qui représente moins de 2% du PIB. NDLR] devra lui aussi être repensé.

On aurait pourtant pu penser que la résonance symbolique de Katmandou, notamment dans les esprits européens, impliquerait une reconstruction plus rapide de cette ville que des zones rurales alentours...

Il est vrai que le nom de "Katmandou" joue un rôle, mais peut-être plus dans l'attention portée à la catastrophe naturelle que pour la reconstruction. Le séisme qui a eu lieu au Pakistan en 2005 [et qui a fait plus de 80.000 morts. NDLR], n'a pas eu un tel écho en Europe par exemple.

Au niveau national, la reconstruction offre-t-elle des opportunités pour le développement économique du pays ?

À moyen terme, les tremblements de terre apportent un réel dynamisme à l'activité économique. Ils attirent les investissement et on peut parler d'un certain "capitalisme des catastrophes". Au Gujarat, le gouvernement a profité du désastre pour libéraliser l'économie, encourager l'entrepreneuriat et le développement des petites entreprises. Et ce avec beaucoup de succès, même s'il a échoué à faire en sorte que les entreprises internationales en charge de la reconstruction emploient des travailleurs locaux.

Et sur le plan politique ? Car l'instabilité règne depuis la fin de la guerre civile, en 2006...

En effet, la reconstruction est peut-être une opportunité pour un renouveau politique. Les deux puissances voisines du Népal - la Chine et l'Inde - pourraient profiter de la catastrophe et de l'aide qu'ils envoient pour accroître leur influence politique. Mais, à mon sens, c'est surtout l'Inde qui pourrait devenir plus puissante, en particulier parce que son Premier ministre actuel, Narendra Modi, est précisément l'homme qui a piloté la reconstruction du Gujarat suite au séisme de 2001. C'est quelqu'un qui a beaucoup d'expérience, et il sait s'en servir.

Auriez-vous un conseil à donner au Népal, ou une mise en garde spécifique, au regard de votre expérience au Gujarat ?

S'il faut se souvenir d'une chose - et c'est ce qui s'est passé au Gujarat -, c'est peut-être que certaines personnes sont susceptibles d'utiliser la catastrophe et la douleur des gens à des fins malveillantes ou égoïstes, notamment sous forme d'influence politique ou religieuse.

(1) "The Political Biography of an Earthquake: Aftermath and Amnesia in Gujarat, India", éditions Hurst, 2014.

Commentaires 6
à écrit le 30/04/2015 à 13:00
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Dans l'immédiat, faut résoudre le logement d'urgence avec du matériel militaire , remettre hôpitaux écoles en route. Sinon, nos sociétés modernes sont tout à fait aptes à faire parvenir des maisons en préfabriqué, des mobil homes en pièces détachées...

à écrit le 30/04/2015 à 8:44
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Que de banalité pour tourner autour du problème, l'expérience de Haïti a suffit!

à écrit le 30/04/2015 à 8:22
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Si tous les Européens qui sont allés au Népal pour y combler leur vide existentiel, et tromper leur ennui, ces trois dernières décennies revenaient pour aider à reconstruire, ce malheureux pays serait remis sur ses pieds en six mois.

à écrit le 30/04/2015 à 5:27
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Le titre m'a bouleversé! "Reconstruire Katmandou prendra des années" Je pensais que ça allait prendre une quinzaine de jours! Faut-il que je décale mon voyage en Juillet?

à écrit le 29/04/2015 à 19:31
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Du blabla pour remplir les colonnes des journaux, rien d'autre, les propos de ce Monsieur. Katmandou, au Népal, se trouve entre l'Inde te la Chine (Le Tibet) et est constitué d'une population d'origine indienne et aussi attachée à ce pays. L'époque d...

le 30/04/2015 à 8:38
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