Risque climatique : l'autorité bancaire européenne met à son tour la pression sur les financiers

Selon l'instance de régulation bancaire, les données liées au risque climatique sont essentielles pour la stabilité et la sécurité du système financier. Mais la tendance forte à la publication de ces données se heurte à des difficultés, notamment au sujet du référentiel des informations récoltées, et pourrait aussi participer à la hausse de l'inflation.
Les facteurs ESG, notamment le changement climatique, peuvent avoir des répercussions sur les contreparties des institutions ou sur les actifs investis, ce qui affecte les risques financiers.
"Les facteurs ESG, notamment le changement climatique, peuvent avoir des répercussions sur les contreparties des institutions ou sur les actifs investis, ce qui affecte les risques financiers". (Crédits : Christian Hartmann)

Alors que la prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernances (ESG) commencent à pénétrer toutes les strates de l'économie, et particulièrement au sein des entreprises, l'autorité bancaire européenne appellent les établissements financiers à intégrer "rapidement" les risques climatiques "dans leurs stratégies et objectifs, ainsi que dans leurs structures de gouvernance". Mais ce mouvement se heurte à de nombreuses difficultés, notamment au sujet du référentiel des informations récoltées et pourrait également contribuer à doper l'inflation.

Selon l'instance de régulation bancaire, ces données liées au risque climatique sont essentielles pour la stabilité et la sécurité du système financier, alors que le rapport 2021 du Giec alarme sur l'accentuation de la crise climatique. "Les facteurs ESG, notamment le changement climatique, peuvent avoir des répercussions sur les contreparties des institutions ou sur les actifs investis, ce qui affecte les risques financiers". Ces informations doivent leur permettre d'adapter "leur appétit pour le risque et leur processus interne d'allocation de capital", explique l'autorité bancaire européenne.

Pour rappel, les critères environnementaux (le E de ESG, Ndlr) mesurent l'impact, direct et indirect, de l'activité d'une entreprise sur l'environnement, notamment la pollution, les émissions de CO2, le niveau de recyclage des déchets, la dégradation de l'environnement, etc.

Stress test climatique pour les banques

Pour cela, l'autorité européenne incite à développer des méthodologies pour tester la résistance des institutions, en utilisant notamment certains scénarios. Selon un premier "stress test climatique" réalisé au printemps par la Banque de France, l'exposition des banques et assurances françaises au risque climatique est "modérée". Un constat cependant rejeté par plusieurs ONG, alors que la banque centrale a elle-même appelé à prendre ses résultats avec prudence, du fait d'une méthodologie qui reste à améliorer face à des données parcellaires. Pour le moment, la méthodologie se base notamment sur l'initiative TCFD (Task-force on climate-related financial disclosures) mis en place en 2017 sous l'égide du G20. Le gouverneur de la banque de France, François Villeroy de Galhau, estime qu'une priorité devrait être de définir des normes internationales standardisées pour la publication de données financières liées au climat.

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François Villeroy de Galhau est particulièrement engagé sur ces questions. "L'évaluation de l'exposition individuelle ou sectorielle aux risques climatiques reste une question épineuse". Il avait plaidé pour contraindre les entreprises à plus de transparence concernant les risques climatiques, visant en particulier les institutions financières. Une transition écologique rapide pourrait en effet également peser sur les institutions financières en dévalorisant brutalement certains actifs liés à des activités considérées comme néfastes pour l'environnement.

Les entreprises dans le viseur

En juin, les pays du G7 ont fait un grand pas vers l'obligation pour les entreprises de dévoiler leur risque climatique, qu'ils jugent cruciale pour la transition énergétique, même si un accord reste à trouver au niveau mondial et malgré les réserves d'ONG.

"Nous sommes favorables à la publication obligatoire des données financières liées au climat, qui apportent des informations fiables et utiles à la décision pour les participants de marché", écrit le G7 Finances dans son communiqué à l'issue de sa réunion de deux jours à Londres.

Les déclarations obligatoires visées, qui comprennent par exemple les émissions de CO2 ou les projets d'investissements, doivent concerner toutes les grandes entreprises commerciales. L'objectif est de leur permettre de mieux évaluer l'impact financier de la crise climatique et d'accompagner la transition verte des pays qui veulent être neutres en carbone en 2050.

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"La mauvaise qualité ou disponibilité des données ESG et le manque de mesures ESG standardisées sont souvent cités comme des obstacles au déploiement ultérieur de la finance durable", expliquait, pour sa part, l'ancienne présidente de la Fed, Janet Yellen, mettant en garde également sur le risque que les entreprises se contentent de "greenwashing".

Moody's, le CAC 40 et des pays en première ligne

Les lignes bougent concrètement dans certains pays. Le Royaume-Uni donne l'exemple puisqu'il va forcer les entreprises à rendre public cet impact à partir de 2025, ce qui en fait le pays le plus avancé du G20 en la matière, selon le gouvernement britannique.

En Suisse, le gendarme des marchés financiers a renforcé les exigences à l'égard des grandes banques et assurances qui devront communiquer sur les risques climatiques à compter du 1er juillet. Les informations attendues devront être "qualitatives et quantitatives dans ce domaine".

"Ces règles de transparence accrues montrent que les critères ESG (Environnementaux, sociaux et de gouvernance) et l'investissement durable" gagnent en importance, a réagi Simon Foessmeier, analyste chez Vontobel.

Autre signe de l'engouement pour l'argent éthique, la Bourse de Paris a accueilli un nouvel indice, le CAC 40 ESG (pour environnement, social et gouvernance), en réponse à une demande forte en matière de finance durable et de transparence. De son côté, l'agence de notation Moody's publie depuis cette année des documents liées aux risques et engagements climatiques des entreprises suivies.

Risque d'inflation ?

La transformation des entreprises vers des modèles plus durables, pour répondre aux critères ESG, pourrait toutefois engendrer de l'inflation, comme La Tribune le mentionnait dans son décryptage.

Cette contribution potentielle à l'inflation interviendrait dans un contexte où les Etats-Unis et l'Europe font face à une hausse des prix à la consommation depuis la réouverture mondiale de l'économie et les milliards d'euros injectés pour financer les plans de relance.

En effet, l'application de ces critères ESG va renchérir les coûts de production pour les entreprises, notamment les PME, ainsi que le prix de l'énergie. Ces hausses pourraient se répercuter sur le consommateur. Dans une note de recherche, l'économiste Kohei Okazaki et son équipe d'experts chez Nomura, une société financière japonaise, voient toutefois dans l'ESG la création d"une bonne inflation", autrement dit cette hausse de prix aura un effet bénéfique à long terme sur l'activité économique et la société, notamment en termes de progression de salaire et de création d'emplois.

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 (avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 23/06/2021 à 19:24
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C'est triste de voir à quel point l'Europe est has-been en matière climatique, cet article prouve que les dirigeants européens ne comprennent rien aux problème climatique. Ils mélangent tout, la finance, le climat, alors que les deux n'ont rien à voi...

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