Le Japon devient le cinquième pays à poser un engin spatial sur la Lune

Le module spatial japonais SLIM a réussi à se poser sur la Lune, a annoncé l'agence spatiale japonaise (Jaxa), et une communication a pu être établie. Surnommée « Moon Sniper » cette mission est historique pour le Japon, qui devient ainsi le cinquième pays à réussir à se poser sur la Lune, après les Etats-Unis, l'URSS, la Chine et l'Inde.
Le module SLIM (Smart Lander for Investigating Moon), qui orbitait autour de l'astre rocheux depuis fin décembre, a amorcé sa descente à une vitesse d'environ 1.700 mètres par seconde.
Le module SLIM (Smart Lander for Investigating Moon), qui orbitait autour de l'astre rocheux depuis fin décembre, a amorcé sa descente à une vitesse d'environ 1.700 mètres par seconde. (Crédits : Henry Romero)

[Article publié le vendredi 19 janvier 2024 à 17h22 et mis à jour à 18h33]. Journée historique pour le Japon. Ce vendredi, le pays du Soleil Levant a posé un module spatial sur la Lune et devient ainsi le cinquième pays à réaliser cet exploit après les Etats-Unis, l'URSS, la Chine et l'Inde. Le module spatial japonais SLIM (Smart Lander for Investigating Moon) a réussi dans la nuit de vendredi à samedi (heure nippone) à se poser sur la Lune, a annoncé l'agence spatiale japonaise (Jaxa), et une communication a pu être établie. Cependant, « les cellules solaires ne produisent pas d'énergie », précise la Jaxa.

Cet engin non habité de petite taille (2,4 m de long pour 1,7 m de large et 2,7 m de haut) qui orbitait autour de l'astre rocheux depuis fin décembre, devait non seulement alunir, mais aussi se poser dans un rayon de 100 mètres par rapport à sa cible, rayon considéré comme un haut degré de précision. D'où son surnom de « Moon Sniper ».

La précision du « Sniper » constitue « un énorme progrès technologique qui permettra de concevoir des missions visant à répondre à des questions de recherche beaucoup plus spécifiques ». Mais réussir cet exploit est « exceptionnellement difficile sur le plan technologique ». « Il n'y a généralement qu'une seule chance, de sorte que la moindre erreur peut entraîner l'échec d'une mission », a expliqué à l'AFP Emily Brunsden, directrice de l'Astrocampus de l'université de York.

SLIM devait se poser dans un petit cratère de moins de 300 mètres de diamètre appelé Shioli, d'où l'engin devrait pouvoir mener au sol des analyses de roches censées provenir du manteau lunaire, la structure interne du satellite naturel de la Terre, qui est encore très mal connue.

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Un industriel du jouet partenaire

Ces roches « sont cruciales pour la recherche sur l'origine de la Lune et de la Terre », souligne auprès de l'AFP Tomokatsu Morota, un maître de conférences de l'Université de Tokyo spécialiste de l'exploration spatiale. SLIM emporte une sonde sphérique à peine plus grande qu'une balle de tennis, et capable de modifier sa forme pour se déplacer sur le sol lunaire. Elle a été développée par la Jaxa, en partenariat avec le géant japonais du jouet Takara Tomy.

Cette mission japonaise ambitionne également de faire avancer la recherche sur les ressources en eau sur la Lune, une question clé alors que les Etats-Unis et la Chine comptent à terme y installer des bases habitées. La présence de glace d'eau a été démontrée au fond de cratères dans les régions polaires de la Lune, lesquelles par conséquent attirent désormais toutes les attentions.

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Défi permanent

Le succès de la mission SLIM permet au Japon « d'afficher sa présence » dans le domaine spatial, rappelle aussi Tomokatsu Morota. Plus de 50 ans après les premiers pas de l'homme sur la Lune, par les Américains en 1969, celle-ci est redevenue l'objet d'une course mondiale, dans laquelle la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine occupe un rôle central.

Mais de nombreux autres pays et sociétés privées s'y intéressent également, comme la Russie, qui rêve de renouer avec la gloire spatiale de l'URSS, en s'associant notamment avec la Chine ou l'Inde, qui a réussi l'été dernier son premier alunissage. Les deux premières tentatives d'alunissage du Japon ont, elles, mal tourné.

En 2022, une mini-sonde de la Jaxa, Omotenashi (« hospitalité » en japonais), qui était embarquée à bord de la mission américaine Artémis 1, a connu une défaillance fatale de ses batteries peu après son éjection dans l'espace. Et en avril 2023, un alunisseur de la jeune entreprise privée japonaise ispace s'est écrasé à la surface de la Lune, ayant échoué l'étape de la descente en douceur.

Atteindre la Lune reste un immense défi technologique, même pour les grandes puissances spatiales: l'entreprise privée américaine Astrobotic, sous contrat avec la Nasa, a annoncé jeudi que son alunisseur Peregrine avait été volontairement perdu, probablement désintégré en rentrant dans l'atmosphère terrestre avant d'atteindre son objectif. La Nasa a aussi reporté de près d'un an les deux prochaines missions de son grand programme de retour sur la Lune Artémis, à septembre 2025 et septembre 2026.

Une sonde inspirée de jouets robots à bord

Le module spatial japonais transporte un instrument atypique : un robot sphérique évoquant un droïde de Star Wars, qui se déploie comme un jouet transformable et se déplace un peu comme une tortue marine. Le sort de cette mini-sonde exploratrice était suspendu à celui de son transporteur, SLIM (Smart Lander for Investigating Moon). A peine plus grande qu'une balle de tennis et pesant seulement 250 grammes, SORA-Q, la sonde exploratrice de SLIM, a été codéveloppée par la Jaxa et Takara Tomy, grand fabricant japonais de jouets à l'origine des célèbres robots « Transformers » lancés en 1984. Le géant nippon de l'électronique Sony et l'université japonaise privée Doshisha de Kyoto (ouest) ont aussi contribué à son élaboration. SORA-Q comprend deux caméras, l'une qui émerge à l'avant quand sa carapace métallique s'ouvre en deux, et une deuxième à l'arrière. Une fois la sphère ouverte, ses deux extrémités lui servent de roues pour se mouvoir d'une manière chaloupée sur une surface accidentée.

« Ce mécanisme transformable, ultra-compact et ultra-léger a été créé en utilisant le savoir-faire technique du développement de jouets », est-il expliqué sur le site officiel de SORA-Q.

La sonde a deux modes de déplacement : le « papillon », où ses deux roues roulent de concert, et le « crawl », où elles avancent en décalage. « Sora » signifie « univers » en japonais, tandis que la lettre Q fait référence aux mots « question » et « quête », expliquent les concepteurs de la sonde. Ses caméras devraient transmettre de précieuses images de Shioli, le petit cratère où SLIM doit alunir, et sur lequel affleurent des roches émanant de la structure interne de la Lune, qui est encore mal connue.

Et pour ses fans sur Terre, une version jouet de la sonde existe dans le commerce : coûtant plus de 21.000 yens (130 euros), elle peut rouler et prendre des photos au ras du sol, de chats ou de bébés par exemple, selon une vidéo promotionnelle.

AFP

 

La course à la lune bat son plein

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Le retour des Etats-Unis

Les Etats-Unis sont les seuls à avoir déjà envoyé des astronautes fouler le sol lunaire, de 1969 à 1972 lors du programme Apollo. Après s'être longtemps détournée de la Lune, y compris pour des raisons budgétaires, la Nasa, l'agence spatiale américaine, a lancé en 2017 le programme Artémis, qui vise un retour d'astronautes sur son sol, avec à terme la construction d'une base lunaire permanente.
Les deux premières missions avec équipage de ce programme, Artémis 2 et 3, viennent cependant d'être reportées à septembre 2025 et septembre 2026 respectivement. La Nasa s'associe désormais avec des entreprises privées pour réduire ses coûts, mais cela lui pose en même temps un problème de dépendance. L'alunisseur Starship commandé à la société privée SpaceX pour Artémis 3, la mission qui doit marquer le retour d'astronautes sur la Lune, est loin d'être prêt : l'engin a explosé lors de ses deux premiers vols d'essai l'an dernier. Un nouveau test est attendu en février.
Astrobotic, une autre société privée américaine chargée par la Nasa d'envoyer du matériel scientifique sur la Lune, a annoncé le 10 janvier dernier que son alunisseur expérimentait de graves problèmes depuis son décollage, et n'avait désormais « aucune chance » d'atterrir en douceur sur la Lune.

Les ambitions contrariées de la Russie
La Russie n'a pas réussi l'été dernier à poser sur la Lune sa sonde Luna-25, signant l'échec de sa première mission vers le satellite naturel de la Terre depuis 1976.
Après avoir brillé au temps de l'URSS, le secteur spatial russe est en difficulté en raison de problèmes de financement, de corruption et de l'isolement de Moscou depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022. Le président russe Vladimir Poutine a toutefois promis de poursuivre le financement de missions lunaires, et la Russie s'est associée au projet chinois de base lunaire, concurrent du programme américain Artémis.

La Chine en pleine ascension

Le géant asiatique compte envoyer des taïkonautes sur la Lune avant 2030 et y installer une station de recherche durable. Si la Chine n'a envoyé son premier humain dans l'espace qu'en 2003 - soit très longtemps après les Soviétiques et les Américains -, son programme spatial, doté d'un budget colossal et piloté par l'armée, a connu un développement régulier, avec des avancées impressionnantes ces dernières années.
La Chine a réussi son premier alunissage en 2013. En 2019, elle est devenue le premier pays à poser un engin sur la face cachée de la Lune. L'année suivante, sa sonde Chang'e 5 ramenait sur Terre des échantillons lunaires - une première mondiale depuis plus de 40 ans. Pékin a aussi réussi en 2021 à envoyer un « rover » (ou astromobile) sur Mars, imitant ainsi les Etats-Unis, et dispose depuis 2022 de sa propre station spatiale orbitale, Tiangong. Une nouvelle mission chinoise devant rapporter des échantillons lunaires est prévue cette année.

L'émergence de l'Inde
Bien que disposant de moyens beaucoup plus modestes que les puissances spatiales établies, l'Inde est parvenue l'an dernier à poser une fusée non habitée, Chandrayaan-3, près du pôle Sud lunaire. Le Premier ministre Narendra Modi veut désormais envoyer un Indien sur la Lune d'ici 2040.
A plus court terme, l'Inde prévoit d'envoyer une nouvelle sonde exploratrice dans les régions polaires de la Lune en 2025, en association avec le Japon.

Une pléthore de petits acteurs
L'agence spatiale européenne (ESA) s'intéresse aussi à la Lune, mais surtout par le biais de collaborations internationales (Etats-Unis, Japon). Elle a rompu sa coopération avec l'agence spatiale russe Roscosmos après l'invasion de l'Ukraine.
La Corée du Sud a placé fin 2022 en orbite lunaire sa sonde Danuri, lancée à bord d'une fusée SpaceX, et s'est donné pour objectif de poser un engin sur la Lune en 2032. Intuitive Machines, une autre start-up américaine chargée par la Nasa d'une mission lunaire logistique, doit tenter sa chance cette année. Aucune société privée n'a réussi jusqu'à présent un alunissage. De premières tentatives israélienne et japonaise dans cette catégorie ont échoué ces dernières années.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 20/01/2024 à 10:32
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"En 2019, elle est devenue le premier pays à poser un engin sur la face cachée de la Lune". Et qui fonctionne toujours d'ailleurs.

à écrit le 19/01/2024 à 19:18
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1969... 55 ans plus tard.

à écrit le 19/01/2024 à 18:20
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"Semble avoir atterri"....je m'inquiéterai. Un peu comme si j'étais monté dans un 737 max🤣

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