Transition énergétique : l'Arabie saoudite met les bouchées doubles pour sécuriser ses approvisionnements en métaux stratégiques

Cherchant à diversifier son économie trop dépendante du pétrole, l'Arabie Saoudite crée un fonds de 15 milliards de dollars dédié à la prise de participation dans des mines et à la transformation de métaux à travers le monde. Parallèlement, elle veut augmenter l'exploitation de son sous-sol, riche notamment en cuivre, or, zinc, plomb, argent et uranium, en attirant des groupes miniers étrangers.
Robert Jules
Un employé à l'usine d'aluminium de Ma'aden, la société minière publique saoudienne.
Un employé à l'usine d'aluminium de Ma'aden, la société minière publique saoudienne. (Crédits : Reuters)

Trop dépendant de la rente pétrolière, le royaume d'Arabie Saoudite accélère la diversification de son économie, selon le plan Vision 2030, voulu par l'homme fort du régime, le prince héritier Mohammed bin Salmane (MBS). L'un des projets phares, la ville futuriste Neom, se veut le symbole de cette nouvelle industrie liée à la transition énergétique et numérique: énergies renouvelables, batteries pour véhicules électriques, développement de réseaux électriques...

L'ambition d'une économie décarbonée

Pour mener à bien ce projet, l'Arabie saoudite a l'ambition de participer à la course de vitesse que se livrent les Etats-Unis, la Chine et les pays de l'Union européenne pour prendre les parts de marché de cette nouvelle économie décarbonée. « Le Royaume investit près de 200 milliards de dollars américains dans les énergies renouvelables au pays et à l'étranger. Nos entreprises sont actives dans 21 pays, déployant l'énergie solaire et éolienne et d'autres types d'énergies renouvelables », rappelait jeudi le Prince Faysal bin Farhan Al Saoud, ministre saoudien des Affaires étrangères, au Forum économique de Davos. Or, pour cela, il est nécessaire de sécuriser l'approvisionnement en métaux stratégiques, comme le lithium, pour pouvoir développer une industrie locale.

En mai dernier, le ministre de l'Industrie et des Ressources minières, Bandar Alkhorayef, avait annoncé un plan pour attirer 32 milliards de dollars dans l'industrie minière locale, dont il escompte la création de 14.500 emplois. 145 licences d'exploitation pour des compagnies étrangères étaient prévues d'être délivrées. « Notre mission est de permettre de bénéficier de nos ressources minérales en développant un secteur minier durable capable d'être compétitif au niveau mondial », affirmait le ministre.

C'était l'enjeu du Future Minerals Forum qui s'est tenu la semaine dernière à Riyad où les autorités saoudiennes ont annoncé à cette occasion la création d'une société d'investissement dédiée au secteur minier, qui devrait être doté de 15 milliards de dollars. Cette entité est détenue à 49% par le fonds souverain saoudien, le Public Investment Fund (PIF), et à 51% par la compagnie publique minière Ma'aden (elle même détenue à 67% par le PIF). Son objectif est de prendre des participations minoritaires dans des mines et le raffinage à travers le globe, pour « sécuriser les chaînes de valeur critiques pour le développement industriel et la transition énergétique dans le Royaume », précise le communiqué.

Prise de participation dans Ivanhoe Electric

Au cours du Forum, Ma'aden a aussi annoncé la signature de partenariats stratégiques. L'un avec la compagnie minière étatsunienne Ivanhoe Electric, sous la forme d'une prise de participation de 9,9% pour 126 millions de dollars, vise à explorer le sol saoudien riche en or, cuivre, zinc, plomb nickel et argent. Par ailleurs, Ma'aden a renforcé son partenariat avec le deuxième producteur mondial aurifère, la compagnie étasunienne Barrick, pour développer la production de cuivre dans les mines locales de Jabal Sayid et de Umm Ad Damar que les deux groupes exploitent déjà ensemble depuis plusieurs années.

Le pays produit annuellement quelque 70.000 tonnes de cuivre. Un volume modeste au regard d'une production mondiale de 21 millions, mais non négligeable en tant que métal clé dans la transition énergétique.

Autre source d'énergie qu'entend utiliser Riyad dans la transition énergétique: le nucléaire. Lors du forum, le ministre de l'Energie, le prince Abudlaziz bin Salman, a annoncé qu'une récente prospection a permis d'établir que du minerai d'uranium pourrait être exploité localement, permettant au pays de fournir en toute indépendance le carburant de ses futures centrales nucléaires. « Les explorations récentes ont montré l'existence d'une quantité diversifiée d'uranium dans différents sites géologiques du Royaume, tels que Jabal Saeed, Madinah et Jabal Qariah dans le nord », a-t-il expliqué, précisant que des ressources de titane avaient été également identifiés, « en quantités significatives, débloquant des opportunités d'investissement encore plus importantes.»

Des gisements d'uranium

Outre le solaire et l'éolien, le royaume compte en effet sur le nucléaire pour répondre à ses besoins en électricité de plus en plus importants - ils ont augmenté de 20% entre 2012 et 2020 - , notamment pour procéder à l'énergivore dessalement de l'eau. Aujourd'hui, la production reste encore largement dépendante de la combustion des hydrocarbures, fortement émettrices de CO2.

En 2018, le pays avait annoncé son intention de construire 16 réacteurs nucléaires sur 20 ans pour un montant de 80 milliards de dollars. Mercredi, le prince Abdelaziz ben Salmane a annoncé que « deux grands réacteurs » vont être développés, qui permettront en toute logique d'« exploiter les ressources (locales) en uranium ».

Robert Jules
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