Trump et le paradoxe de la démocratie

CHRONIQUE - LE CONTRARIAN OPTIMISTE. Durant son mandat, Donald Trump a profité des institutions démocratiques pour les instrumentaliser à son profit. Mais ce jusqu'au boutisme s'est retourné contre lui, et aura finalement montré à une majorité d'Américains la nécessité de préserver le jeu démocratique.
Robert Jules
Donald Trump.
Donald Trump. (Crédits : Reuters)

>> VOIR le dossier : « Une nouvelle Amérique avec Biden ? »

« Je vais désormais me concentrer sur une transition de pouvoir ordonnée et sans accrocs. » Donald Trump semble vouloir revenir à la raison démocratique après avoir durant des semaines refuser de reconnaître sa défaite face à Joe Biden.

L'appel à ses partisans à manifester mercredi dernier pour faire pression sur les élus du Congrès le jour où ils devaient entériner la victoire du candidat démocrate a été le geste de trop. La retransmission en direct de la vandalisation du Capitole, théâtre d'un « coup d'Etat » d'opérette - cinq morts toutefois dont un policier -, a accentué sa décrédibilisation croissante dans l'opinion publique américaine.

Durant son mandat, Donald Trump n'a pas cessé de vouloir subordonner les institutions de son pays à son seul profit, qui ont résisté sans plier.

Recul des libertés

Car c'est paradoxalement la solidité des fondements de ces institutions qui a permis de supporter durant quatre ans un président dont l'action aura consisté, comme le rappelle l'ONG Freedom House, « à les éroder, comme en témoignent la manipulation partisane du processus électoral, les préjugés et le dysfonctionnement du système de justice pénale, les nouvelles politiques restrictives sur l'immigration et les demandeurs d'asile et les disparités croissantes en matière de richesse, d'opportunités économiques et d'influence politique. » Dans le classement des libertés par pays établi par l'ONG, les Etats-Unis ont perdu 2 points ces dernières années, une régression inimaginable avant 2016.

Cette évolution ne satisfait d'ailleurs aucun camp, comme le montre une enquête réalisée en septembre par l'institut Pew Research, selon laquelle à peine 30% des Américains trouvent « leur gouvernement ouvert et transparent », dont 26% d'électeurs démocrates et 36% d'électeurs républicains.

Deux sénateurs démocrates en Georgie

Même une partie de son électorat semble s'être lassée du jusqu'au boutisme de Trump. Le jour de l'invasion du Capitole, on apprenait que les deux candidats démocrates avaient remporté les élections sénatoriales dans l'Etat de Georgie, un bastion historique du parti républicain, amplifiant la victoire acquise de justesse par Biden dans cet Etat, contestée sans succès par le président sortant.

Un désaveu qui permet surtout aux démocrates d'obtenir une majorité inespérée au sénat. Joe Biden va pouvoir appliquer son programme politique, sans avoir à négocier avec le parti républicain sur lequel l'attitude de Trump a eu un effet dévastateur.

Car l'ex-animateur de télé-réalité, notamment de l'émission The Celebrity Apprentice, sur NBC, de 2008 à 2015 - avant de se faire limoger -, aura appliqué les mêmes recettes cyniques pour faire de l'audience en politique. Peu importe les faits - il aura rendu célèbre la notion de « fake news » -, seul compte les effets d'un discours performatif, comme l'illustre son slogan « Make America great again ! », martelé ad nauseam. Dire tout et son contraire dissout toute vérité, d'autant plus quand le discours politique se réduit aux 140 signes de messages twitter postés compulsivement, n'hésitant pas à insulter, à stigmatiser par ses propos racistes et misogynes, désignant à la vindicte de ses supporters des boucs-émissaires : la presse, les immigrés, les noirs, les homosexuels, les communistes, les démocrates... la liste est longue. Comme dans un show télévisé, Donald Trump, mégalomane, aura su habilement se présenter sur scène comme le seul capable de protéger et sauver l'Amérique de ses supposés ennemis.

Une amélioration du pouvoir d'achat des Américains

Mais maîtriser les ficelles d'un show télévisé ne suffit pas. Milliardaire, Trump aura aussi su jouer habilement de sa connaissance du monde des affaires et de son expérience d'entrepreneur, symbole de réussite qui imprègne la culture américaine. Sachant que la popularité d'un président est étroitement corrélée au niveau de chômage, il a favorisé des baisses d'impôts en 2017 et 2018 pour les ménages les plus aisés et les entreprises mais a exigé de ces dernières la création de « jobs » sur le territoire américain. Et cela a fonctionné. A la fin de 2019, le taux de chômage était tombé à 3,5% (il a explosé à 14,8% en avril 2020 et est revenu depuis autour de 6,7%), grâce à ces baisses d'impôts. Le cercle vertueux de la baisse du chômage avait permis une revalorisation des salaires, et une amélioration du pouvoir d'achat des Américains, notamment les plus modestes, poussant la Fed à étudier une hausse des taux sur laquelle Trump aura mis la pression sans se soucier de son indépendance.

Sa critique de la mondialisation, son éloge du protectionnisme auront séduit nombre d'Américains, patriotes attachés aux valeurs conservatrices, croyant toujours au "rêve américain",  vivant mal la remise en cause du leadership de l'Oncle Sam face à la montée de la puissance chinoise, et la politique démocrate menée par Barak Obama durant ses deux mandats.

Mais le bilan économique est en trompe-l'œil. Trump aura à peine fait mieux qu'Obama en matière de croissance. Elle se sera affichée en moyenne annuelle à 2,5% pour le premier (sur les 3 premières années), et 2,25% pour le second (sur 8 ans).

Mauvaise gestion de la pandémie

Trump aurait pu néanmoins obtenir un deuxième mandat, s'il avait su gérer la pandémie du Covid-19, dont il a sous-estimé l'impact. Comme pour le réchauffement climatique, il a rejeté l'avis des experts scientifiques et celui des institutions sanitaires fédérales. Ce retard, justifié par la volonté de laisser coûte que coûte tourner à plein régime l'économie américaine, se solde à ce jour par un lourd bilan, presque 370.000 morts, selon le décompte de l'université John Hopkins ce samedi, largement supérieur à titre de comparaison à celui de l'Inde qui vient de passer le seuil des 150.000 morts.

Malgré la mauvaise gestion de la pandémie, Donald Trump aura recueilli les suffrages de 74 millions d'électeurs lors de la présidentielle contre plus de 81 millions pour Joe Biden. Même si la transition devrait se passer pacifiquement, le président démocrate qui prendra ses fonctions le 21 janvier ne peut ignorer cet électorat qui lui est hostile.

Ce que l'on a appelé le "populisme" s'est installé durablement dans les démocraties libérales. Il manifeste une crise de la représentation d'une importante partie des citoyens que les leaders politiques, à l'image d'Emmanuel Macron en France, ont des difficultés à résoudre.

Les quatre années du mandat de Donald Trump ont montré que la solution à cette crise de la démocratie ne passe pas par l'exercice d'un pouvoir qui exacerbe les passions et nourrit les extrêmes. Au contraire, un régime démocratique doit veiller sans cesse à consolider un cadre dans lequel les citoyens, quels qu'ils soient, puissent vivre en sécurité, à l'abri de la violence et du chaos, et en liberté, à l'abri de la tyrannie et de l'arbitraire. Ce sont là des conditions nécessaires à l'épanouissement des individus et au progrès économique.

Lire aussi : Violences au Capitole : Facebook et Twitter bloquent enfin Donald Trump

Robert Jules
Commentaires 35
à écrit le 12/01/2021 à 10:09
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Qui peut croire que la démocratie existe. Le fait d’avoir la possibilité de mettre un bulletin de vote dans une urne n’est pas, à contrario de ce que disent certains politiciens, la démocratie. Une aberration de démocratie la possibilité pour un élu ...

à écrit le 12/01/2021 à 0:20
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L'IMMENSE DANGER D'UNE DICTATURE ORWELLIENNE PLANÉTAIRE DES GAFAM Hier aux usa; Aujourd'hui au Burundi. Demain en France ? Les GAFAM fermeront-ils les comptes des candidats à la présidentielle 2022 qui « perturberaient le débat » et empêcheraient l...

à écrit le 11/01/2021 à 21:49
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Le marigot démocrate dans toute sa splendeur. Quand je pense que Trump a fait plus dans l’intérêt de la France que tous nos présidents... Mais bon, plutôt que profiter de l’affaiblissement US, les médias français préfèrent nous encourager vers la voi...

à écrit le 11/01/2021 à 21:47
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Les réseaux sociaux qui ont chargé Trump commencent à voir tomber les procès à leur encontre, 40 états portent l' affaire en justice. La dimension et leur position de monopole hégémonique dominant les a conduites à des excès que la société veut ...

à écrit le 11/01/2021 à 21:08
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Le chef de la police du Capitole, Steven Sund apporte la preuve que Trump n’a pas incité les émeutiers à forcer l’entrée du capitole lors de son discours : lors de sa première interview à la caméra depuis l’attaque du Capitole mercredi, a déclaré ...

le 12/01/2021 à 1:01
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Belle façon de vous tirer une balle dans le pied. :-))) Tant que Biden n'est pas officiellement en poste, les responsables de la sécurité du capitole et de la garde nationale du district de Columbia, sont directement sous l'autorité de la maison b...

à écrit le 11/01/2021 à 19:51
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il y a une leçon à retenir : le jeu démocratique aux USA n'existe plus. En effet, le seul fait de bannir sur tous les réseaux sociaux Trump ( c'est hélas pas le seul ) est considéré comme un coup d'état... Les Gafams font comme ils veulent, certes, ...

à écrit le 11/01/2021 à 19:32
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En fait les Etats désunis montrent surtout une tendance vers la pensée unique... la chasse aux sorcières a commencé samedi dernier.

à écrit le 11/01/2021 à 19:17
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«La guerre c'est la paix. La liberté c'est l'esclavage. L'ignorance, c'est la force » écrivait George Orwell dans '1984'. L'Amérique a--t-elle encore une autre issue que la fin de la démocratie et de la liberté politique avec les mondialistes censeur...

à écrit le 11/01/2021 à 19:08
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La Speaker Pelosi a admis dans l'émission 60 Minutes que le but de la destitution du président Trump était de l'empêcher de se présenter aux élections en 2024. Les démocrates ont terriblement peur de Trump. Qui est démocrate ici en l' occurrence,...

à écrit le 11/01/2021 à 14:42
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ok il braille n'importe quoi sur twitter et n'a pas compris tout de suite comment il faut plier les chinois......mais la france qui a eu hollande et macaron est loin d'etre en tete pour donner des lecons de morale ils ont ete pires que trump, et san...

le 11/01/2021 à 18:13
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@ Churchill Les résultats économiques ne justifient pas tout et les "soi-disant" leçons de morale sont en "léger" rapport avec les droits de l'homme. Au nom du Saint Pognon in peut s'absoudre de tout, c'est une simple question d'éthique et de consc...

à écrit le 11/01/2021 à 14:18
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Barack Obama a reçu le Prix Nobel de la paix pour avoir fait la guerre. Donald Trump a été trainé dans la boue pour avoir fait la paix. Comment voulez-vous que les gens ne soient pas complotistes ?

à écrit le 11/01/2021 à 14:06
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Le réseau social conservateur Parler était hors service lundi 11 janvier, au lendemain de la décision d’Amazon de couper l’accès du réseau social à ses serveurs en raison de son incapacité à modérer les messages incitant à la violence. Cela laisse à ...

à écrit le 11/01/2021 à 13:47
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Un parti politique aura bientôt le pouvoir de contrôler TOTALEMENT le récit national dans tous les aspects de notre vie -école, travail, médias sociaux et gouvernement- à l'instar du Parti communiste chinois, dont le modèle s'impose désormais aux Eta...

le 11/01/2021 à 18:33
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Désolé mais il y a toujours eu des contre-pouvoirs aux USA et Trump en a fait l'amère expérience. Par contre je trouve qu'il mérite d'être destitué et je doute qu'il le sera car l'air de rien l'establishment a plutôt êté de son côté. Trump a baissé l...

le 11/01/2021 à 20:45
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@Johnmackagam Contrepouvoirs aux usa, lesquels ? La justice qui n' ouvre pas les dossiers parce qu' elle est menacée ?

le 11/01/2021 à 20:46
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@Johnmackagam Contre-pouvoirs aux usa, lesquels ? La justice qui n' ouvre pas les dossiers parce qu' elle est menacée ?

le 11/01/2021 à 21:52
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Cela dépasse l’entendement. Une telle mauvaise foi est stupéfiante.

le 12/01/2021 à 0:25
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bis Sorry John ça n' était pas pour vous ...

à écrit le 11/01/2021 à 13:44
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Personne ne peut citer une seule déclaration du président Trump appelant ses partisans à prendre d'assaut le Capitole, encore moins à organiser un coup d'État contre le gouvernement américain. Les médias de l'establishment et les géants des médias so...

à écrit le 11/01/2021 à 11:13
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nous avons une copie en france un type qui a détruit sa compagne a l'election supreme une fois au pouvoir ,détruit son parti et qui continue a détruire ce qu'il reste du parti socialiste lui aussi doit être declare inéligible sans oublier qu'i...

le 11/01/2021 à 13:59
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"la copie en France" n'est pas une copie. C'est un "original" dns tous les sens du terme !

à écrit le 11/01/2021 à 10:42
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Il pue votre article, et puis alors le commentaire du bon soldat néolibéral qui suit juste après donne à l'ensemble l'air d'une déclaration officielle de l'UERSS, empire prévu pour durer mille ans, laissez la manipulation aux médias de masse vous ave...

à écrit le 11/01/2021 à 10:18
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Quelle démocratie ? Celle qui nous a inoculé le cancer ? Celle qui exploite notre travail ? Celle qui nous dit comment nous devons vivre ? Celle qui a massacré la faune et la flore ? Celle qui laisse les gens mourir de faim ? Celle qui désigne les bo...

le 11/01/2021 à 10:47
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"on nous l'a quand même imposé de force deux ans plus tard." avec une astuce consistant à modifier divers chapitres car ça ne pouvait être le même traité, ayant été refusé. Sont malins les juristes. :-) "imposé de force " vivement qu'on nous impose...

le 11/01/2021 à 13:07
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En effet c'est un pléonasme, je commence à en faire en ce moment faut que j'y fasse attention, la dernière fois c'était "règlement injuste" il me semble.... :-) Ah si on avait eu Coluche président en 1988 ! Quel autre visage aurait eu la France.....

le 11/01/2021 à 14:06
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Je n'avais pas digéré, comme beaucoup d'autres, après le référendum, le traité à minima remanié et imposé, mais cça date d'une quinzaine d'années, faudrait peut-être passer à autre chose? Parce qu'en l'an 2050, ce rdv manqué avec les citoyens europé...

le 11/01/2021 à 14:16
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Cher citoyens blasé. Il y adux siécles toute la population mourrait de faim, s'empoissonnait avec le peu de bien qu'ils avaient. Je ne parlerais pas de l'état de la nature près des concentrations humaines. Depuis nous sommes sept milliards, tous...

le 11/01/2021 à 15:25
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"faudrait peut-être passer à autre chose?" Oui c'est ce que disait aussi Klaus Barbie. SIgnalé "mais ils ne se résoudrons en gueulant contre la démocratie" Quelle démocratie ? TU viens enfin m'apporter une preuve ? Tu as lu mon co...

le 11/01/2021 à 15:54
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"faudrait peut-être passer à autre chose?" Bah les virus et l'homme ça date de millions d'années, faudrait peut-être passer à autre chose hein ? C'est complètement idiot comme "raisonnement" ça n'a ni queue ni tête. Signalé "Oui, mais vis...

le 11/01/2021 à 17:25
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@ multipseudos: Merci mais ce n'est pas la peine de nous envoyer une copie certifiée de ton diplôme de troll, on l'a bien compris, si si je t'assure hein... Trollage totalement hors sujet signalé.

le 11/01/2021 à 20:53
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@blasé La preuve démocratique est tout simplement le fait que vous pouvez critiquer, injurier et vomir sur vos dirigeants à longueur de temps sur ce forum, sans aucun risque. Vous allez me dire que c'est juste de la liberté d'expression (vrai) mais ...

le 12/01/2021 à 8:36
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@ multipseudos de plus en plus lourd:"La preuve démocratique est tout simplement le fait que vous pouvez critiquer, injurier et vomir sur vos dirigeants à longueur de temps sur ce forum, sans aucun risque." ""La dictature, c'est "ferme ta gueule"...

à écrit le 11/01/2021 à 10:18
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Après cette tentative de coup d'état qui est morte au Congrès, parce que Trump avait annoncé et menacé, bien en amont, qu'il ne voulait pas lâcher le trône, coute que coute, et donc pour cet effet, après longuement formaté ses fans pour cette solutio...

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