Une attaque d'Israël contre l'Iran : la crainte d’une nouvelle crise énergétique

L'Iran est accusé d'apporter une aide matérielle et logistique importante au Hamas, voire d'avoir planifié l'attaque contre Israël. Mais une attaque de la république islamique par l'Etat hébreu pourrait provoquer l'embrasement de la région du golfe, riche en pétrole et gaz naturel, dont les cours s'appréciaient respectivement de 4% et 14%.
Robert Jules
Manifestation à Téhéran samedi en soutien aux Palestiniens après l'attaque menée par le Hamas sur le sol israélien.
Manifestation à Téhéran samedi en soutien aux Palestiniens après l'attaque menée par le Hamas sur le sol israélien. (Crédits : Reuters)

En déclarant la guerre au Hamas, Israël va-t-il aussi s'attaquer à l'Iran au risque d'un embrasement de la région ? En effet, selon des informations du Wall Street Journal (WSJ), publiées dimanche, des officiers du Corps des Gardiens de la révolution islamique d'Iran ont travaillé depuis août avec le Hamas pour planifier les attaques menées samedi contre l'Etat hébreu. Téhéran aurait donné son feu vert à l'attaque lundi 2 octobre lors d'une réunion à Beyrouth, selon des hauts responsables du Hamas et du Hezbollah, le parti chiite basé au Liban et soutenu par l'Iran, cités par le WSJ.

Pour les faucons américains, un tel engagement implique une réponse appropriée. « Si ce "11 septembre israélien " - au cours duquel des citoyens américains ont apparemment trouvé la mort - a été autorisé et planifié par le régime iranien, cela justifierait amplement le recours à la force militaire pour dissuader toute agression future », a résumé sur X (ex-Twitter) Lindsey Graham, sénateur conservateur de Caroline du Sud.

Téhéran nie toute implication

Téhéran a nié lundi être derrière les attaques du Hamas. « Les accusations et les déclarations liées au rôle de l'Iran sont fondées sur des motifs politiques et visent à justifier la lourde défaite du régime sioniste et à réparer l'image défaillante du régime sioniste », a déclaré Nasser Kanani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, arguant qu'« évoquer le rôle de l'Iran vise à détourner l'opinion publique et à justifier les éventuelles prochaines actions » d'Israël.

Malgré le lourd bilan de l'attaque, l'administration Biden fait preuve de prudence. Samedi, un haut responsable cité par l'AFP considérait qu'il était « trop tôt pour dire » si l'Iran était « directement impliqué » dans l'offensive lancée par le Hamas, ajoutant toutefois qu'il n'y avait « pas de doute » sur le fait que le Hamas était « financé, équipé et armé » entre autres par le régime de Téhéran.

Les Etats-Unis ont versé 6 milliards de dollars à Téhéran

Le mois dernier, les Etats-Unis avaient tenté de renouer un dialogue avec Téhéran via le Qatar portant sur un échange de prisonniers, une opération qui a coûté 6 milliards de dollars issus de revenus pétroliers iraniens gelés. En effet, depuis que le président Donald Trump a décidé en mai 2018 de retirer les Etats-Unis de l'Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, visant à s'assurer que Téhéran ne poursuit pas son programme militaire pour se doter de la bombe atomique, des sanctions sont appliquées contre l'Iran, notamment sur ses exportations de pétrole et de gaz naturel.

C'est d'ailleurs le fait que la zone du Golfe Persique concentre 40% de l'offre mondiale de pétrole qui rend aussi prudent l'Oncle Sam qui vise aussi à éviter que la région ne s'embrase. « Bien que nous considérons la probabilité d'une attaque israélienne contre l'Iran comme extrêmement faible, le risque d'escalade est réel. Et même s'il ne possède pas d'armes nucléaires, l'Iran a la mainmise sur le détroit d'Ormuz, par lequel transitent 20 à 30 % du pétrole brut mondial. Or, la simple menace sur un passage sécurisé a un effet immédiat sur l'assurabilité des tankers et donc sur les flux physiques de pétrole brut. Nous anticipons que le marché va intégrer une prime de risque de l'ordre de 5 à 10 dollars », explique Benjamin Hoff, analyste Matières premières chez SG.

Si dès lundi après-midi, les prix du pétrole s'affichaient en hausse de 4%, ils restaient largement sous le seuil des 90 dollars, ayant perdu près de 10 dollars en moins de 10 jours, en raison du ralentissement de l'économie mondiale qui pèse sur la demande. Vers 18h, le cours du baril de Brent progressait de plus de 4%, à 88,16 dollars tandis que celui du baril de WTI s'appréciait de 4,2%, à 86,27 dollars.

Lire aussiPétrole : le prix du baril de Brent plonge et perd 10 dollars en moins de 10 jours

La production iranienne de pétrole en forte progression

Hors la prime de risque géopolitique, le retrait de l'Iran du marché pétrolier et gazier serait lourd de conséquences. La république islamique est, comme le Venezuela et la Libye au sein de l'Opep, non soumise à quota en raison des sanctions internationales. Or depuis janvier, il est l'un des rares pays, avec les Etats-Unis et le Brésil, à avoir augmenté sa production. Depuis janvier, l'Iran a ajouté quelque 600.000 b/j, faisant grimper sa production à 3,8 mb/j selon les données de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), 4,2 mb/j (si on inclut les distillats). Représentant un peu plus de 4% de la production mondiale, il est difficile de se passer aujourd'hui de ces volumes sans faire flamber les cours du baril d'autant que son principal client est la Chine. L'Iran reste un poids lourd du marché pétrolier même pour l'avenir dans la mesure où il 12% des réserves mondiales de pétrole et 25% de celles du Golfe Persique.

Last but not least, l'Iran est un producteur majeur de gaz naturel, aujourd'hui devenu un produit nécessaire à la transition énergétique moins émetteur de gaz à effet de serre (GES) que le charbon auquel il se substitue dans la production d'électricité. En 2022, la république islamique a produit 259,4 milliards de m3, soit 6,4% de la production mondiale, ce qui le place comme troisième producteur derrière les Etats-Unis et la Russie. Il exploite le plus grand champ gazier du monde, South Pars, dont TotalEnergies était un partenaire majeur mais qui a dû y renoncer en 2018, en raison du retour des sanctions américaines. De leur côté, les autorités israéliennes ont demandé lundi à la compagnie américaine Chevron de cesser sa production sur le champ gazier offshore de Tamar sur la côte nord du pays pour des problèmes de sécurité. Signe de cette importance gazière, le prix du gaz naturel s'appréciait de 14% ce lundi sur la plateforme de référence européenne TTF.

Des revenus qui financent le terrorisme

Israël et ses alliés, les Etats-Unis au premier chef, se retrouvent ainsi dans une situation similaire à celle qu'ils ont dû traiter avec l'invasion russe de l'Ukraine. Si les Européens ont voulu imposer un embargo sur les exportations de pétrole russes pour éviter de financer la guerre, les Etats-Unis ont préféré opter pour un plafonnement du prix d'exportation du baril de brut à 60 dollars pour éviter un retrait brutal du volume russe du marché mondial tout en réduisant les revenus de Moscou. Aujourd'hui, Washington temporise pour éviter que le pétrole brut et le gaz naturel iraniens soient retirés du marché mondial. Mais, comme dans le cas de l'Ukraine, les revenus générés permettent à Téhéran de poursuivre le financement des opérations terroristes et leur lourd coût humain. Ce qu'Israël peut difficilement accepter.

Robert Jules
Commentaires 16
à écrit le 11/10/2023 à 8:40
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Non pas la crainte, la volonté !

à écrit le 10/10/2023 à 18:31
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cette region du globe est une veritable poudriere on vient d'en avoir un exemple et ce n'est vraisemblablement pas fini vu le matos qui defile sur les ecrans c'est du lourd l'ukraine a cote c'est zero si sa pete sa fera surement tres mal le pet...

à écrit le 10/10/2023 à 17:01
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Le sénateur Graham n'est pas une bonne référence. C'est un vatenguerre perpétuel comme autrefois MACCAIN. Heureusement , il est peu écouté par les administrations.

à écrit le 10/10/2023 à 8:14
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De toutes façons nos classes dirigeantes veulent que le prix du pétrole augmente alors que sa consommation baisse, ça tombe bien !

le 10/10/2023 à 10:08
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Dans son rapport annuel World Oil Outlook, l'OPEP a déclaré que le monde a besoin de 14 000 milliards de $ d’investissements cumulés dans le secteur pétrolier d’ici 2045 pour garantir la stabilité du marché et éviter le chaos énergétique et économiqu...

le 10/10/2023 à 11:16
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Chiffre gigantesque qui pour moi expose plus que le paradigme de notre économie financière est dément plutôt que nous aurions besoin d'autant de pétrole. Par ailleurs qui dit crise économie dit baisse de la consommation du pétrole et notre classe dir...

le 10/10/2023 à 18:48
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@Dossier 51. Les investissements dans les énergies fossiles ne sont pas près de se tarir dans ce monde hypocrite. Les banques, les acteurs privés, les fonds d'investissement, les fonds souverain - et même certaines banques centrales, par exemple comm...

à écrit le 09/10/2023 à 23:23
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L'embrasement de la région ? Alors que l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes Unis, voire l'Iraq n'ont qu'une envie, c'est de voir l'Iran refoulé ?

le 10/10/2023 à 9:15
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Il y a aussi l'histoire entre les sunnites et les chiites qui peuvent pas se blairer depuis des siècles.

à écrit le 09/10/2023 à 22:57
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Bien sûr que les mollah iraniens sont derrière ça .. fait être naïf c est même l ´ entente cordiale entre Moscou Téhéran et La Chine: les occidentaux ne pourront couvrir 2 ou 3 fronts si on considère celui d’ Ukraine, celui d’Israël et demain déli...

à écrit le 09/10/2023 à 22:48
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Israel a raison de défendre le territoire qu'il occupe.

à écrit le 09/10/2023 à 20:35
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Effectivement, la réponse des Etats-Unis aux attaques du 11 sept 2001 a été particulièrement bien appropriée...Hahahaha !!!!

à écrit le 09/10/2023 à 19:36
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"Une attaque d'Israël contre l'Iran" Voir avec les américains : Il était attendu au grand port maritime de Marseille ce lundi. Mais dimanche après-midi, le porte-avions américain USS Gerald R. Ford a reçu l’ordre du Pentagone de se dérouter ver...

le 09/10/2023 à 20:40
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13 milliards de dollars ??? Mais c'est que dalle !! Nous en France, nous dépensons 2 milliards d'euros par an pour des pseudo-mineurs isolés et illégaux....

à écrit le 09/10/2023 à 19:26
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L'Iran pour d'autres raisons mérite largement de prendre des coups, mais ce serait précipiter la fin d'Israël.

le 10/10/2023 à 3:56
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Vous semblez oublier qu'Israel possede la bombe et n'hesitera pas a l'utiliser puisque pour ce petit etat c'est une question de survie. Toujours dans l'aproximatif dans vos analyses, Valbel, un effort.....

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