Dans un entretien accordé au micro de France info, RFI et France 24, Emmanuel Macron a dénoncé vendredi les agissements de la Russie en Afrique, l'accusant d'être « une puissance de déstabilisation » de la région. En cause, la milice Wagner, devenue un acteur majeur de l'expansion de l'influence russe sur le continent.
« C'est une puissance de déstabilisation de l'Afrique à travers des milices privées qui viennent faire de la prédation, des exactions sur les populations civiles », a asséné le président français, rappelant que « cela a été documenté par les Nations unies en République centrafricaine à travers la milice Wagner ».
Le président n'est pas le premier à avoir qualifié le groupe paramilitaire russe de cette façon. L'Union européenne avait annoncé en février de nouvelles sanctions contre la milice Wagner pour ses « violations des droits humains » en Afrique, décidées « au vu de la dimension internationale et de la gravité des activités du groupe, ainsi que de son impact déstabilisateur sur les pays où il est actif », avait écrit le Conseil européen dans un communiqué.
Wagner en cause
Wagner, groupe paramilitaire fondé en 2014, est considéré par les Etats-Unis comme une organisation terroriste internationale. Les Etats-Unis qui essayent depuis plusieurs années de contrecarrer l'influence russe en Afrique accusent le groupe Wagner de « commettre des violations des droits humains et d'extorquer les ressources naturelles en Afrique ». Le groupe s'est imposé comme un acteur majeur du conflit en Ukraine et ses mercenaires ont également été aperçus en Syrie ou en Libye.
«La Russie s'est mise de son propre chef dans une situation qui est de ne plus respecter le droit international, de redevenir au fond l'une des seules puissances coloniales du XXIᵉ siècle, en menant une guerre d'empire auprès de son voisin, l'Ukraine », selon Emmanuel Macron.
Le dialogue est toujours possible
Emmanuel Macron n'a cependant pas écarté la possibilité d'échanger avec Vladimir Poutine si l'occasion se présentait et si les conditions étaient réunies.
Si le président russe l'appelle demain ? « Bien sûr, je décroche », a assuré M. Macron. « S'il m'appelle pour proposer quelque chose, je prendrai, parce que la France a toujours été une puissance facilitatrice et de médiation ». Mais « la reprise du dialogue n'est possible que s'il y a un respect du droit international, qui est le seul qui nous permet de vivre en paix » a-t-il nuancé. Il a par ailleurs répété qu'il n'avait lui-même « pas de raison d'appeler aujourd'hui » Vladimir Poutine, en pleine contre-offensive ukrainienne. « Le temps viendra, je l'espère, de négociations aux conditions de l'Ukraine ».
Le Kremlin dément
Le Kremlin a rapidement balayé ces accusations. Il assure développer en Afrique « des relations constructives » avec les pays du continent. « La Russie développe (avec les pays africains) des relations amicales, constructives, basées sur le respect mutuel », a affirmé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Celles-ci « ne sont pas dirigées et ne peuvent pas l'être contre des pays tiers », a-t-il également souligné.
Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, la Russie a cherché à renforcer ses liens économiques et diplomatiques avec l'Afrique, faisant concurrence dans certains pays à la France. La crise de confiance entre l'Occident et les pays d'Afrique, mise au jour au cours du sommet de Paris sur la pauvreté et le financement climatique, profite sans aucun doute à la Russie. Moscou entend bien orienter la situation en sa faveur : plusieurs pays d'Afrique ont partagé leur impression d'être mis à l'écart, affirmant se sentir « délaissés » au profit de l'Ukraine. Le contexte actuel « expose le vrai visage de l'action des grandes puissances en direction du continent », estimait une source diplomatique au Bénin, en amont du sommet.
La Russie va par ailleurs organiser fin juillet un deuxième sommet Russie-Afrique, à Saint-Pétersbourg, un moyen d'afficher son entente avec ses partenaires africains malgré le conflit en Ukraine. Une délégation de chefs d'Etat africains s'est également rendue le week-end dernier en Russie, prônant la fin de la guerre devant Vladimir Poutine et formulant des propositions jugées toutefois « très difficiles à mettre en œuvre » par le Kremlin.
En Afrique, la Russie s'efforce d'attirer dans son camp les dirigeants africains en affirmant se dresser en rempart contre l'impérialisme et en accusant l'Occident de bloquer avec ses sanctions les exportations de céréales et des engrais russes essentiels à de nombreux pays.
(Avec AFP)