Guerre en Ukraine : certains pays d'Afrique se sentent « délaissés » par les pays riches

Selon certains pays d’Afrique, les pays riches seraient plus prompts à répondre aux besoins récents de l’Ukraine qu’à ceux de l’Afrique. Pourtant, la guerre agite aussi le continent africain. Ces différences de traitement alimentent en sentiment d’oubli du continent, qui continue d’attendre des aides promises par les pays riches. La situation pourrait être ressentie comme un arbitrage des pays riches quant aux pays qui reçoivent leur aide.
Alors que les pays riches ont les yeux rivés sur l'Ukraine, l'Afrique se sent délaissée, notamment en ce qui concerne les aides monétaires.
Alors que les pays riches ont les yeux rivés sur l'Ukraine, l'Afrique se sent "délaissée", notamment en ce qui concerne les aides monétaires. (Crédits : Reuters)

La guerre en Ukraine attire les regards... Et les aides monétaires. C'est du moins le sentiment de nombre de pays africains qui se sentent « délaissés » au profit de l'Ukraine. Le contexte actuel « expose le vrai visage de l'action des grandes puissances en direction du continent », estime une source diplomatique au Bénin, en amont du sommet cette semaine à Paris sur la pauvreté et le financement climatique, regrettant une Afrique « délaissée ».

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« Crise de confiance » et « sentiment d'oubli »

Elise Dufief, chercheuse à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), évoque « une crise de confiance entre les pays donateurs et les pays du Sud ». Ce sentiment d'oubli est renforcé par la rapidité des réponses apportées lorsqu'il s'agit de la crise en Ukraine ou bien d'une banque américaine qui fait faillite.

Par ailleurs, le moindre poids donné à l'Afrique dans les organisations qui déterminent les priorités internationales contribue à ce sentiment de mise à l'écart. C'est pour y remédier que le continent réclame régulièrement de peser plus dans les enceintes, telles que le G20 et l'ONU.

« L'histoire de l'assujettissement et de l'exclusion de l'Afrique exige un réexamen radical de la manière dont elle est représentée dans les institutions mondiales », analyse Howard W. French, professeur de journalisme à l'université américaine de Columbia, dans la revue Foreign Policy. D'autant plus que la population africaine, « qui représentait moins d'un dixième de la population mondiale en 1950, représentera 40% de l'humanité d'ici la fin du siècle ».

Une hausse de 16 milliards de dollars pour Ukraine

En volumes, les aides financières reçues par l'Ukraine ont augmenté, tandis que l'Afrique sub-saharienne a vu le montant de son aide au développement diminuer. En effet, dans cette partie de l'Afrique, l'aide au développement a diminué de 29 millions de dollars en 2022, soit une baisse de 8%. À l'inverse, du côté ukrainien, cette aide a connu une hausse de 16 milliards de dollars selon l'OCDE.

En partie détruite par la guerre sur son territoire, l'Ukraine a connu un effondrement de son PIB de 30% en 2022. En outre, la reconstruction du pays est évaluée à 411 milliards de dollars par la Banque mondiale. Le 24 février dernier, les alliés de l'Ukraine lui avaient promis plus de 150 milliards d'euros, selon les chiffres de l'Institut économique mondial de Kiel. De nouveaux fonds pourraient également être annoncés lors d'une conférence internationale qui se tient ce mercredi à Londres. Il faut néanmoins rappeler qu'une grande partie de l'aide à l'Ukraine concerne des armes.

Pour Hassoumi Massoudou, ministre des Affaires étrangères du Niger, avec l'aide récemment apportée à l'Ukraine, « on voit ces flux immenses qu'on pensait impossibles à dégager, et qui sont aujourd'hui dégagés ». Selon lui, c'est la preuve « que des ressources et des mécanismes existent » qui pourraient être utilisés aussi pour le continent africain.

Des conflits armés aussi en Afrique

Et le fait que l'Ukraine soit en guerre ne peut pas être le prétexte au nom duquel elle reçoit plus de financements, estiment certains. En plus des crises économiques, certains pays africains, comme le Congo ou le Soudan font face eux-mêmes à des conflits armés. D'après une source gouvernementale en Zambie, « le soutien qu'obtient l'Ukraine de la part des pays occidentaux est sans précédent. L'Occident se concentre sur le soutien aux pays occidentaux ».

Depuis 2020, le pays d'Afrique australe est en défaut de paiement. Une source au sein de Club de Paris (ensemble de créanciers publics occidentaux) espérait lundi 19 juin une proposition à venir de restructuration de la dette zambienne. Mais les négociations sont bloquées par l'absence de consensus entre les pays occidentaux et la Chine, devenue un prêteur incontournable de ces dernières années.

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Des engagements antérieurs qui n'ont pas été respectés

Les critiques du continent africain vis-à-vis des pays riches se fondent également sur les engagements financiers pris par ces derniers et qui n'ont pas été honorés. En 2009 par exemple, une aide de 100 milliards de dollars par an pour lutter contre le changement climatique avait été promise. Cette mesure n'a pas encore abouti, tout comme le recyclage de 100 milliards de dollars de droits de tirages spéciaux (DTS), un avoir de réserve de l'institution.

Par ailleurs, un fonds visant pour les pays riches à compenser les «pertes et dommages» des pays du Sud, adopté lors de la COP27 de Charm-e-Cheikh, n'a toujours pas été abondé.

Le FMI continue de prêter à l'Afrique

Un accord datant de la fin du mois de mai 2023 prévoit un prêt d'1 milliard de dollars au Kenya. Cet accord est encore en attente de validation par le Conseil d'Administration du FMI. Si ce dernier est approuvé, le Kenya aura un accès immédiat à 410 millions de dollars. La « locomotive de l'Afrique de l'Est » connaît actuellement une sécheresse historique et une forte inflation (+7,9% sur un an en avril). La croissance, elle, a plafonné à 4,8% en 2022.

Mi-mai, le Conseil d'Administration du FMI avait déjà approuvé un prêt de 3 milliards de dollars s'étalant sur 36 mois à destination du Ghana. Le pays de l'Afrique de l'Ouest a obtenu un premier décaissement immédiat de 600 millions de dollars. Selon le FMI, l'objectif de ce prêt est « le rétablissement de ma stabilité macroéconomique et de la viabilité de la dette ainsi que la mise en œuvre de réformes de grande envergure pour renforcer la résilience et jeter les bases d'une croissance plus forte et plus inclusive ».

 (Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 22/06/2023 à 7:33
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Et ils ont raison alors que les pays d'europe ont accueilli à bras ouverts tous ces réfugiés blancs aux yeux bleus tandis que les africains eux meurent dans la méditerranée, les faits sont têtus et incontestables. Maintenant comme nous pouvons le con...

le 24/06/2023 à 17:32
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Bonjour, je regrette votre vision de la situation... La france et l'europe accueil depuis 60 ans des migrants originaires de l'Afrique ( saharienne et noirs ) . Donc nous ne somme pas encore a comptabiliser cette migration, mais elle est tres pos...

à écrit le 21/06/2023 à 17:37
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Il n'y a pas assez d'argent pour l'Afrique... mais on en trouve en veux-tu en voilà pour l'Ukraine. Allez comprendre... On s'étonne après que la quasi-totalité des pays africains ne dénoncent pas l'invasion russe en Ukraine.

à écrit le 21/06/2023 à 14:40
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IL y a deja un melange. L ukraine est attaqué par un autre etat (la russie). En afirque c est des guerres civiles (cf mali ou soudan). donc c est difficile de prendre part. Surtout il faut quand meme pas oublier que la France soutient a bout de bras ...

à écrit le 21/06/2023 à 14:38
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Faut savoir : les dirigeants africains soutiennent Poutine dans son invasion de l'Ukraine, et se plaignent des conséquence de l'invasion !!! Messieurs les africains, ... choisissez !

à écrit le 21/06/2023 à 14:17
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Le sentiment d'abandon n'est pas la seule cause. Le sentiment du 2 poids 2 mesures est aussi fort: L'intervention de l'OTAN en Irak - en Lybie - au Kosovo ne gênent pas les pays occidentaux . Désosser les frontières internationalement reconnues de l...

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