
La crise sanitaire aura plombé les compagnies aériennes africaines qui ont perdu quelque 3,5 milliards de dollars entre 2020 et 2022. Mais le ciel africain - qui représente 2,1 % du transport aérien mondial - semble toutefois s'éclaircir plus rapidement qu'escompté. Simon Kabore, secrétaire exécutif de l'Union des gestionnaires d'aéroports de l'Afrique du centre et de l'ouest, s'est exprimé sur le sujet, lors du Paris Air Forum (PAF). « Nos aéroports ont été résilients. La Côte d'Ivoire a même dépassé son niveau de 2019 », se réjouit-il. Maintenant que la crise sanitaire est en partie dans son rétroviseur, le secteur aérien africain doit se frotter à des problèmes plus anciens - à savoir s'harmoniser sur les taxes et les redevances, mais surtout renforcer sa coopération.
Lire ici : Quel avenir pour le transport aérien africain
« Les compagnies africaines sont trop nombreuses, il faudrait qu'elles fusionnent pour atteindre des masses critiques et devenir de vrais acteurs au niveau continental », estime Sylvain Bosc, directeur général d'Avico, en regrettant que les compagnies aériennes soient souvent considérées par les gouvernements africains comme des « porte-drapeaux » ou des « projets diplomatiques », au détriment de leur viabilité économique.
« L'histoire de l'aviation africaine, ce sont des ingérences politiques toxiques », déplore-t-il. Et d'ajouter : « L'aérien est indispensable au développement économique des pays africains, mais en surprotégeant leurs compagnies nationales, les gouvernements dissuadent les investisseurs, ils pénalisent l'interconnectivité, et ça se fait finalement au détriment de leur économie nationale ».
Des billets d'avion onéreux
Aujourd'hui, seule une mince partie de la population africaine dispose des moyens financiers pour voyager en avion. Les vols intercontinentaux sont particulièrement onéreux. En cause : les coûts d'exploitation. Le prix du carburant est en effet 30 % plus cher qu'en Europe.
« La manutention, les ressources humaines, le carburant, les pièces détachés, les assurances qui nous considèrent comme des pays à risque... L'ensemble de ces facteurs fait que le coût des opérations est extrêmement élevé, évidemment, ça impacte le prix des billets d'avion sur le continent africain », explique Jenifer Bamuturaki, présidente de l'Afraa et directrice générale d'Uganda Airlines. «
« Les compagnies sont obligées de passer ces coûts aux consommateurs, ça limite le nombre de personnes qui peuvent voyager, c'est donc un cercle vicieux », observe de son côté Sylvain Bosc.
A noter que pour aller du Rwanda au Maroc, par exemple, il faut passer par le vieux continent.
Désenclavement
Jean-Claude Cros, secrétaire général adjoint de l'Association des transporteurs francophones (ATAF) - qui salue l'émergence de « champions » nationaux comme Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines ou à moindre échelle Air Côte d'Ivoire - prône également une meilleure coordination entre les compagnies africaines.
« Le transport aérien est absolument indispensable au désenclavement de l'Afrique, à défaut de s'unifier, il faut que les compagnies se coordonnent », a-t-il déclaré.
Cet ancien d'Air France fait toutefois preuve de lucidité : « Je crains que les nationalismes ne soient incontournables. Il n'y pas ou peu d'investisseur privé dans ce secteur où les retours sur investissement sont lointains. Ce sont les États qui financent, et de fait, ils veulent avoir un droit de regard. »
Jean-Claude Cros préconise aux compagnies africaines de se concentrer sur le désenclavement domestique, avant de s'attaquer aux vols intra-Afrique, puis éventuellement aux vols intercontinentaux en nouant des partenariats.
L'Afrique du Sud et plus récemment le Nigeria semblent avoir emprunté cette voie.
« Il faut que nous nous fassions confiance car nous avons un objectif commun. Nous devons améliorer les flux dans et en dehors du continent », abonde Jenifer Bamuturaki, présidente de l'Afraa et directrice générale d'Uganda Airlines.
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