Jean-Hervé Lorenzi : « On ne peut pas geler pour l'éternité l'âge de départ à la retraite dans une société qui vieillit »

ENTRETIEN - « Saisir l'avenir ensemble », c'est le thème choisi pour le retour des Rencontres économiques en présentiel à Aix-en-Provence du 2 au 4 juillet. Entretien avec le fondateur du Cercle des Economistes et président de ce Davos provençal, Jean-Hervé Lorenzi, qui sort un nouveau livre sur l'économie post-covid (1).
Philippe Mabille

Votre livre, intitulé La Grande Rupture, Réconcilier Keynes et Schumpeter, fait le pari que nous ne sommes pas condamnés à la Grande Stagnation que craignent les économistes. On peut sortir de la crise par une grande croissance ?

Il n'y a pas besoin d'être prix Nobel d'économie pour constater que la reprise économique pourrait être très forte cette année, toutes choses égales par ailleurs s'agissant des nouveaux variants. La question clef, en cette sortie de la crise du Covid, est de réconcilier l'offre et la demande, de rééquilibrer la croissance. La crise sanitaire est survenue dans un monde très déséquilibré, avec une croissance mondiale au ralenti depuis quelques années déjà, depuis la crise financière de 2008, et même bien avant. Ce ralentissement a des causes bien connues : le vieillissement démographique, l'affaissement des gains de productivité et la montée des inégalités qui a particulièrement frappé les salariés les moins qualifiés. Dans un marché du travail bipolaire, qui n'est d'ailleurs au passage pas compatible selon moi avec une forte poussée de l'inflation car les salaires sont contraints, nous plaidons avec Alain Villemeur sur un nouvel équilibre fondé sur un trépied offre, demande et innovation.

Selon nous, il y a six répartitions qui doivent être modifiées en cette sortie de crise : entre salaires et profits, entre les générations, entre créations et destructions d'emplois, au sein de l'épargne entre actifs risqués et actifs sûrs, dans les dépenses publiques entre la protection sociale et la formation et enfin, dans les emplois, la répartition en fonction des qualifications pour privilégier les métiers de demain. En France, la répartition salaires et profits n'est pas le problème principal, mais c'est le cas aux Etats-Unis ou au Japon. En revanche, la question de l'orientation de l'épargne entre les actifs risqués et ceux garantis par l'Etat est majeure alors que l'essentiel de l'épargne est détenue par les plus âgés, adverses au risque.

Pour lutter contre la paupérisation des classes moyennes, la France doit agir sur le niveau des qualifications et donc des inégalités pour rendre la croissance plus inclusive. Pour mettre les compétences à niveau, nous proposons de baisser de deux points de PIB les dépenses de retraites pour les réallouer vers l'éducation et la formation. Pour réconcilier Keynes et Schumpeter, nous nous inspirons du modèle de Kaldor bien connu des étudiants selon qui on ne peut atteindre l'équilibre que par une répartition juste et appropriée des revenus mais en y associant la question clef de l'innovation.

Une partie des jeunes en Europe prône la décroissance. Le monde post-Covid ne risque-t-il pas d'être au contraire plus malthusien ?

C'est un vieux débat qui a été alimentée dans les années 70 par le rapport Meadows et en effet, ce peut être une tentation pour lutter contre le dérèglement du climat. Ce n'est pas selon moi une bonne réponse et il faut montrer que par une croissance plus juste, plus responsable, on peut trouver un autre chemin. La question des inégalités est au coeur du règlement de la question climatique.

Vous ouvrez ce vendredi les Rencontres Économiques à Aix-en-Provence, sur le thème « Saisir l'avenir ensemble » où économistes, politiques, syndicalistes et dirigeants d'entreprises de toutes sensibilités vont penser la sortie de crise. Que peut-on en attendre en cette année pré-présidentielle pour alimenter le débat ?

Nous sommes très fiers d'avoir réussi à rouvrir ce rendez-vous en présentiel comme on dit, car les Rencontres d'Aix-en-Provence sont un moment essentiel pour poser les débats de l'avenir dans la vie économique et politique de notre pays. Outre les nombreux participants que nous attendons sur place dans le Parc Jourdan sur les trois jours, en respectant scrupuleusement les consignes sanitaires et les jauges limitant  encore le public, nous espérons avoir plus de 500.000 internautes pour suivre les débats en direct (https://www.lesrencontreseconomiques.fr/).

Trois questions sont au centre des réflexions : qu'est-ce qui doit vraiment changer dans le fonctionnement du capitalisme et que nous avons appris de la crise sanitaire ? Est-ce que la France est capable de rebondir, de surmonter son déclassement, notamment industriel ? Comment animer le débat économique pendant la présidentielle afin que les grands sujets soient traités ? L'un des points clefs des mois à venir concerne l'utilisation efficace du deuxième plan de relance.

Il est déjà actée selon vous ?

Il faudra, outre les 100 milliards d'euros déjà annoncés, un deuxième plan pour soutenir l'économie par les compétences. Cette crise a montré que la France a subi un véritable déclassement dans la recherche comme l'a montré le cas des vaccins. Il faut investir massivement pour remonter la pente et en contrepartie, traiter la question des inégalités avec pourquoi pas un revenu universel. Les Français ont pris conscience au cours de la crise du Covid de l'ampleur de ce déclassement, qui vient de loin, résulte des choix faits au cours des vingt dernières années.

Les Rencontres Économiques d'Aix-en-Provence formuleront donc des recommandations sur ces sujets, à l'adresse des futurs candidats à la présidence de la République. Education, logement, répartition des revenus, fiscalité du patrimoine, politique industrielle et d'innovation : il faut un choc de croissance pour rebondir avec une action massive en faveur de la jeunesse et cela passe par un plan de requalification afin de faire monter les salaires qui sont trop bas dans notre pays.

Pour accélérer la meilleure répartition, ne faudrait-il pas comme le proposent Tirole et Blanchard, un alourdissement de la taxation des successions ?

Il faut sans doute taxer plus les grosses successions et surtout faire circuler le capital entre les générations en favorisant les donations vers les petits-enfants. L'élection présidentielle va aussi relancer le débat sur le financement des retraites, c'est évident. Il faut sortir du faux débat sur l'âge et avoir une règle d'équilibre fondée sur le nombre d'annuités de cotisation. On ne peut pas geler pour l'éternité l'âge de départ à la retraite dans une société qui vieillit.

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Les Rencontres Economiques d'Aix-en-Provence sont ouvertes à tous gratuitement en présentiel sur inscription.

L'ensemble du programme sera diffusé en direct sur lesrencontreseconomiques.fr

Programme, inscription et mesures sanitaires sur lesrencontreseconomiques.fr

Philippe Mabille
Commentaires 17
à écrit le 05/07/2021 à 23:34
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Ben oui le taf devrait continuer à partir de 55 ans et réduisant les temps de plein temps à quart temps à 72 ans. On a des connaissances acquises qui se perdent bêtement, mais on fatigue vite.

à écrit le 04/07/2021 à 14:12
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L'âge à la retraite devrait être à 70ans et non 60ans car il y a une evolution medicale et il ne faut pas et2un nobeliste pour savoir sue l'économie tourne mieux avec toutes ses composantes humaines

le 04/07/2021 à 16:58
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Jusqu'à à 80 c est encore mieux je crois

à écrit le 02/07/2021 à 14:08
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On peut aussi plafonner le montant des retraites reversées comme dans les pays scandinaves .. aucune retraite n atteint 4000 euros ! Et tous les scandinaves trouvent cela normal à contrario aucune retraite en dessous de 1500 euros De quoi allez v...

le 05/07/2021 à 23:40
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Si on avait cessé années 60 de continuer les retraites par répartition et passé aux fonds de pension, la question ne se poserait pas, on vit dans une relative misère pour payer des retraites à des gens n'ayant jamais passé le seuil d'une usine, c'est...

à écrit le 02/07/2021 à 14:07
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On peut aussi plafonner le montant des retraites reversées comme dans les pays scandinaves .. aucune retraite n atteint 4000 euros ! Et tous les scandinaves trouvent cela normal à contrario aucune retraite en dessous de 1500 euros De quoi allez v...

à écrit le 02/07/2021 à 10:09
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MR Lorenzo : on ne peut pas éternellement mettre les + 50 ans et plus à la c poubelle du marché du travaill - spécificité bien et uniquement française en Europe . Si on fait évoluer par la loi l âge de la retraite on fait évoluer les pratiques des ...

à écrit le 02/07/2021 à 10:06
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Depuis les réformes , Tout le monde public comme privé est à 62 ans .. chers messieurs votre méconnaissance des sujets est flagrante . Maintenant si vous voulez faire de l égalitarisme chiche ! Mais l état - donc nos impots- va devoir provisionner ...

à écrit le 01/07/2021 à 19:58
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Est ce que quelqu'un pourrait inviter d'urgence ce monsieur à participer à la fresque du climat pour qu'il comprenne une partie des vrais enjeux de l'avenir svp?

à écrit le 01/07/2021 à 19:15
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Je suis allé voir les chiffres de l'ined, groupuscule complotiste bien connu, a 65 ans il y a déjà 15% des hommes et 8% des femmes qui sont morts, les grands perdants du système. Monsieur lorenzi n'a pas dû beaucoup souffrir, il a de la chance.

le 01/07/2021 à 20:12
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Bien vu le lapin, beaucoup n'en jouirons pas ou très peu . Ce qu'il faut c'est mettre au travail tout le monde jusqu'à 60 ans et les caisses pourront payer de nouveau .

à écrit le 01/07/2021 à 17:42
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« On ne peut pas geler pour l'éternité l'âge de départ à la retraite dans une société qui vieillit » Encore un peace and love de 74 ans ( 24 juillet 1947 ) qui vient nous expliquer ce qu'il faut faire ,pour la retraite des générations suivantes ,t...

à écrit le 01/07/2021 à 16:17
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Le futur montant de ma pension m'oblige à économiser de manière radicale. Je suis devenue malgré moi une extrémiste de la décroissance car rien n'a été fait pour améliorer les pensions de retraite de ceux qui ont cotisé à plusieurs régimes de retrai...

le 01/07/2021 à 19:08
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Vous avez raison de vous économiser du travail inutile puisque vos parents ne vous laisseront rien au regard de votre fixation sur la confiscation des héritages...

à écrit le 01/07/2021 à 14:10
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Vous ne me prenez pas mon commentaire mais vous laissez les zombies vomir régulièrement ici leur haine des immigrés parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire que d'écouter leur pathologique peur... Réflécissez y, merci.

à écrit le 01/07/2021 à 13:17
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baisser de 2 % du PIB les depenses vers les retraités ? il a oublié qu ils sont 17 millions et s abstiennent peu ! C est suicidaire electoralement. Il vaut mieux a contraire continuer comme ces 20 dernieres annees : taxer plus les jeunes et le travai...

le 01/07/2021 à 14:04
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La faillite va venir plus tot que vous ne le pensez. Attendez que les taux remontent. Deja l'inflation sur les produits importes galope, le reste va suivre.

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