Elles fournissent un toit à 26 millions de Français : un chiffre en augmentation régulière depuis que la flambée des prix de l'immobilier chasse des dizaines d'actifs et de retraités hors des métropoles. Mais jamais les petites villes (de 2.500 à 25.000 habitants au sens où l'entend leur association) n'ont eu à affronter autant de difficultés pour loger leurs habitants.
Pour comprendre l'ampleur de la situation, ce jeudi, une réunion a été organisée à l'initiative conjointe d'Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union Sociale pour l'Habitat (USH) et de Christophe Bouillon, président de l'Association des Petites Villes de France (APVF), à Barentin, dans la banlieue de Rouen en présence d'une centaines d'élus et de professionnels.
L'argent manque
Confrontées comme les grandes agglomérations à la crise du logement, les « petites » municipalités sont, de facto, moins armées pour y faire face. Financièrement d'abord. Les bailleurs sociaux étant souvent les seuls opérateurs immobiliers dans la place, elles subissent de plein fouet la baisse des ressources de ces derniers. Moins d'argent dans les caisses des offices HLM, c'est moins de logements au pied du clocher, déplore Christophe Bouscaud chez Orne Habitat : un département sans métropole où la promotion privée ne se risque guère. « On bute de plus en plus fréquemment sur l'équation financière. Nos coûts de production ont augmenté de 38% en trois ans et la RLS (réduction de loyer de solidarité, ndlr) plombe nos comptes », s'est-il plaint.
Cela n'est pas un hasard si l'USH et l'APVF convergent pour demander à l'Etat de revenir en arrière sur cette diminution imposée des loyers « afin de redonner aux bailleurs sociaux de réelles capacités d'investissement », a rappelé Emmanuelle Cosse.
Des dossiers de plus en plus complexes...
A cet appauvrissement du mouvement HLM, s'ajoute le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) qui enjoint les maires à reconstruire « la ville sur la ville ». Autrement dit, à oublier les lotissements au profit de la réhabilitation de l'existant ou de la reconstruction dans des dents creuses. Le tout en respectant les nouvelles normes énergétiques et les attentes d'une population qui vieillit. Pas simple pour des localités de petite taille dépourvues des services ad hoc. « Réparer la ville implique de travailler dans la dentelle, a affirmé, en connaisseur Frédéric Léveillé, président de l'intercommunalité d'Argentan dans l'Orne. Sortir trois logements dans un centre-ville demande autant d'efforts que pour en sortir cinquante sur un terrain nu ».
Dès lors pour répondre aux besoins, les élus sont contraints de déployer des trésors d'inventivité. A Paimpol (Côtes-d'Armor) par exemple, la maire Fanny Chappé a signé « la fin des logements de fonction » pour libérer des mètres carré et fait le siège d'un bailleur pour le convaincre de greffer des logements pour les saisonniers sur l'un de ses programmes. « Rien ne se fait sans mobiliser des partenaires mais c'est long et chronophage », a-t-elle relevé. « Même s'il nous rend créatifs, le parcours est semé d'embûches », a souligné en écho Florence Morin, directrice de Procivis Bourgogne Sud Allier, une coopérative spécialisée dans l'accession à la propriété.
... et des rigidités administratives
Décidé à rénover la moitié de son parc social, Sébastien Eugène, maire de Château-Thierry dans l'Aisne fait, peu ou prou, la même analyse. Lui pointe notamment la difficulté de travailler avec les services de l'Etat. « Les DDT (Directions départementales des territoires ndlr) pêchent par manque d'ingénierie. Pour la réhabilitation d'un seul ilot, il a fallu par exemple passer par 4 déclarations d'utilité publique. J'ai également rencontré des problèmes avec l'ARS sur les critères de salubrité ouvrant droit aux aides publiques » a-t-il constaté.
Christophe Bouillon le confirme. S'attaquer au problème du logement, c'est aussi devoir affronter des « rigidités administratives ». « Les freins relèvent très souvent de procédures internes à l'Etat. On fait face à un vrai enjeu de simplification », a-t-il reconnu. Le président de l'APVF plaide pour une solution radicale. Pour lui, le logement social devrait, à tout le moins, bénéficier du même traitement de faveur que la cathédrale Notre Dame. « Si elle a été reconstruite dans un délai si court, c'est moins grâce à un afflux d'argent que grâce aux procédures dérogatoires qui ont été mises en place ».
Qui sait si ce n'est pas une piste à creuser pour la grande loi logement promise par le gouvernement.