Crise du logement : devant les maires, le ministre Vergriete promet de « donner plus de moyens »

En clôture du Congrès des maires ce jeudi, le ministre du Logement est venu avec l'intention de répondre aux inquiétudes des élus locaux, en première ligne face à la crise. Patrice Vergriete a esquissé quelques pistes de réflexion en vue du projet de loi de décentralisation des politiques du logement, prévu pour le premier trimestre 2024. Décryptage.
César Armand
Depuis sa nomination au gouvernement, le ministre du Logement a quitté sa mairie de Dunkerque mais est resté président de la communauté urbaine de Dunkerque.
Depuis sa nomination au gouvernement, le ministre du Logement a quitté sa mairie de Dunkerque mais est resté président de la communauté urbaine de Dunkerque. (Crédits : Reuters)

« On reste maire toute sa vie ». La phrase est signée Isabelle Le Callennec, maire (LR) de Vitré, présidente de Vitré Communauté (Ille-et-Vilaine) et co-présidente du groupe de travail Logement de l'association des maires de France (AMF). Premier magistrat (Divers gauche) de Dunkerque (Nord) de 2014 au 29 septembre 2023, le ministre du Logement, Patrice Vergriete, ne pouvait rêver meilleur accueil républicain, ce jeudi, avant d'intervenir au Congrès des maires à la table-ronde « Logement : les maires en première ligne face à la crise ».

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Le courrier adressé aux préfets digéré ?

Et ce, d'autant plus qu'en conférence de presse la semaine dernière, le président (LR) de l'AMF, David Lisnard, avait reproché au gouvernement sa manière de conduire la décentralisation de la politique du logement en vue d'un projet de loi prévu pour le printemps 2024.

« Nous regardons cela avec intérêt, à condition qu'il y ait un transfert de moyens et de pouvoirs, mais la lettre du ministre aux préfets acte la suppression de la case commune dans la politique du logement », avait attaqué l'édile de Cannes (Alpes-Maritimes).

Et pour cause, l'objet de ce courrier du ministre du Logement, Patrice Vergriete, adressé aux préfets le 11 octobre dernier, que l'association des maires de France a elle-même révélée au grand public, fait référence aux intercommunalités - communautés de communes, d'agglomération, métropole - et non, aux communes. Pis, selon nos informations, l'expression « bloc intercommunal », également contenue dans cette missive, n'est pas du tout passée auprès des maires. Ces derniers lui préfèrent le terme technique de « bloc communal ».

« Les communes ont évidemment un rôle central dans les politiques de l'habitat que personne ne cherche à remettre en cause. Au contraire, nous proposons sur plusieurs sujets de leur donner davantage de leviers. A l'heure où toutes les associations d'élus parlent de différenciation, travaillons ensemble pour adapter la politique du logement aux réalités locales, plutôt que de surréagir », avait répliqué, à La Tribune Dimanche, le ministre Vergriete.

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La ville fabriquée dans les années 1970 obsolète ?

Celui qui est resté président (divers droite) de la communauté de Dunkerque entend en effet mener une concertation avec les associations d'élus. Objectif, déterminer, justement, ce que les édiles seraient prêts à prendre en charge et les outils juridiques, fiscaux dont ils ont besoin pour assurer cette responsabilité. Interpellé par le maire (Divers gauche) de Chambéry et patron de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), le ministre du Logement a rétorqué que « le modèle de développement territorial [était] à bout de souffle ».

« La ville fabriquée dans les années 1970 est obsolète, a éloigné les gens de leur emploi, a concentré les personnes en précarité dans les quartiers... Il faut refonder totalement ce modèle qui correspond à une ville du pétrole pas cher. Aujourd'hui, la réalité économique n'est plus la même : l'énergie, à commencer par l'essence, coûte cher désormais », a poursuivi Patrice Vergriete.

Après avoir évoqué la crise conjoncturelle du logement due, notamment, à la hausse des taux d'intérêt et des coûts de construction, le ministre a enchaîné sur « les aides fiscales à l'investissement locatif qui ont artificialisé la demande » et augmenté les prix - le Pinel, par exemple, supprimé dans le budget 2024 . Avant de pointer « les outils qui promeuvent la maison individuelle neuve » - le prêt à taux zéro (PTZ) sur cette dernière est supprimé dans la prochaine loi de finances.

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Les intercommunalités aux commandes de Ma Prime Rénov' ?

Logiquement, à l'heure de la zéro artificialisation nette des sols (ZAN), Patrice Vergriete s'est fait l'avocat du recyclage urbain, promettant de nouveaux outils... et de la responsabilité politique pour les élus de terrain. Prenant l'exemple de Ma Prime Rénov', distribuée par la même ANAH présidée que Thierry Repentin, il a estimé que pour les rénovations globales, « il faut aller chez les gens et les accompagner dans les dossiers administratifs ».

« L'Etat ne sait pas le faire », a ajouté le ministre, resté président de l'intercommunalité dunkerquoise.

Un ballon d'essai déjà saisi par l'association Intercommunalités de France, qui a invité Patrice Vergriete le 22 novembre. « Nous avons déjà des plateformes de rénovation énergétique de logement. S'il n'y a pas de décentralisation de Ma Prime Rénov', ce ne sera pas la peine de se mettre autour de la table. C'est Ma Prime Rénov' ou rien ! », confie aujourd'hui à La Tribune Sébastien Martin, président (LR) d'Intercommunalités de France. Sur son territoire, un « Espace Habitat Conseil » reçoit déjà le public et l'aide au montage des dossiers.

Devant les maires ce jeudi, le ministre du Logement a, lui, promis, sous les applaudissements, de « donner plus de moyens pour contrôler et réguler ». Précisément, tant des moyens de préemption que des moyens de déroger aux règles nationales, sauf aux règles environnementales. « Oui, il faut une ressource », a encore affirmé Patrice Vergriete, soulignant que la ville de demain coûtera plus chère. Transformer un actif immobilier existant est en effet plus onéreux qu'artificialiser une terre agricole.

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Faut-il revenir sur la ZAN ?

Le représentant du gouvernement Borne est également revenu sur l'annonce de la Première ministre. Pour rappel, elle vise à sélectionner vingt territoires qui s'engageront à « accélérer » leurs opérations d'aménagement pour faire sortir de terre, d'ici à trois ans, environ 1.500 logements chacun, soit 30.000 logements en tout. Les collectivités concernées seront aidées et des dérogations rendues possibles.

« Ce sera un accompagnement financier, réglementaire et législatif, ne serait-ce que pour y réduire les temps de recours », a précisé Patrice Vergriete.

Interrogé par les maires de la salle sur la politique de ZAN, qui renchérit les coûts des terrains disponibles, le ministre du Logement a refusé tout « retour en arrière ». « Si les établissements publics fonciers locaux [qui portent le coût du foncier pour les communes, Ndlr] ne sont pas suffisamment dotés et si les maires n'ont pas la possibilité de réguler le marché foncier, créons les outils », a assuré Patrice Vergriete.

Le Dunkerquois s'est également soucié des maires qui n'ont pas lu La Tribune dimanche dernierIl a ainsi raconté que la maire de Calais, Natacha Bouchart, l'avait appelé, car elle aurait bien aimé pouvoir augmenter la taxe sur les logements vacants. C'est l'exemple même qui le convainc que les maires devraient pouvoir moduler le taux de cette taxe, ainsi que le taux de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.

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Le ministre du Logement a enfin évoqué l'aménagement du territoire. Plutôt que de concentrer les universités en cœur de métropole - ce qui pose des problèmes majeurs de logements étudiants -, il a plaidé pour l'installation de davantage d'antennes dans les villes moyennes. Selon nos informations, le contour du plan pour augmenter la production de logements étudiants sera annoncé le 1er décembre prochain en région parisienne.

César Armand
Commentaires 3
à écrit le 24/11/2023 à 14:37
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Nous avons acquis un appartement à Toulouse (immeuble Hédoniste aux Minimes) construit par Vinci. Livré en décembre alors qu'il n'était pas terminé ! Certainement pour des raisons fiscales. Vinci fait appel aux entreprises les moins chères. Celles-ci...

à écrit le 24/11/2023 à 6:36
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Pauvres ministres de Macron : je reconnais qu´ils ont souvent des capacités, mais ils doivent faire avec les idées fixes de Macron et ou des ministères. Ainsi Macron se dèsintéresse de la réforme des collectivités, et en plus ne leur donne pas d´arge...

à écrit le 23/11/2023 à 17:45
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Quand en France, des milliers d'extra-européens viennent s'installer chez nous continuellement, faut-il s'étonner qu'il manque des logements ?

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