Au gouvernement, Anne Hidalgo a ses têtes

Elle a fait de Gérald Darmanin, qu’elle apprécie, son principal interlocuteur pour les JO. Parce que ses relations avec les autres ministres sont tout simplement exécrables.
Caroline Vigoureux
Le ministre de l’Intérieur et la maire de Paris partagent un même objectif : faire des JO une réussite sur le plan sécuritaire.
Le ministre de l’Intérieur et la maire de Paris partagent un même objectif : faire des JO une réussite sur le plan sécuritaire. (Crédits : VINCENT ISORE/IP3)

Le 16 janvier 2023, Gérald Darmanin est venu s'asseoir à la table d'Anne Hidalgo pour un déjeuner en tête à tête dans la salle à manger de la maire. Leurs collaborateurs, eux, se sont attablés dans un salon attenant. Le ministre de l'Intérieur fait figure d'exception pour la maire de Paris. Dans cette Macronie qu'elle exècre en grande partie, il est le seul qu'elle apprécie. Comme elle, Gérald Darmanin a été maire de sa ville (Tourcoing). Comme elle, il est une bête politique. Il est à ses yeux tout ce que la Macronie n'est pas, un élu au contact des gens, qui existait avant Emmanuel Macron.

Anne Hidalgo aime sa courtoisie républicaine. À chacun des déplacements du ministre de l'Intérieur dans Paris, son chef de cabinet prévient celui de la maire ainsi que son conseiller chargé des relations avec les élus. Et quand le ministre souhaite qu'Anne Hidalgo soit présente, il prend directement son téléphone.

Il existe entre eux une forme de pacte de non-agression. Quand tout le monde tombe sur la maire de Paris pour ce qu'on appelle désormais le Tahitigate, Gérald Darmanin ne dit rien. Quand lui est empêtré dans la crise politique ouverte par sa loi immigration, Anne Hidalgo se fait discrète. « C'est une vraie belle relation politique », dit un proche de la maire de Paris. « Ils parlent le même langage », résumet-on Place Beauvau.

L'homme clé de cette relation, c'est Laurent Nuñez, préfet de police de Paris. Il joue les intermédiaires entre eux, qui visent un même objectif : faire des JO dans la capitale une réussite sur le plan sécuritaire. En plus de cet intérêt commun, ils ont ce luxe de ne nourrir aucune rivalité politique. L'élu du Nord n'a jamais eu de velléités parisiennes.

Si Anne Hidalgo a fait de Gérald Darmanin son interlocuteur principal, c'est aussi parce qu'avec les autres ministres concernés par les JO, ses relations sont exécrables. Tout s'est envenimé il y a un an, le 23 décembre 2022. Ce jour-là, la maire de Paris découvre une nouvelle venue aux réunions du comité d'organisation des JO. Amélie Oudéa-Castéra a été nommée sept mois plus tôt ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Cette haute fonctionnaire fait un tour de table pour demander à chacun un effort budgétaire. Anne Hidalgo n'apprécie pas vraiment ses exposés très techniques sur la configuration du village olympique. Pourquoi s'occupe-t-elle de ce qui relève au mieux, selon elle, du délégué interministériel aux JO ? Avec quelle légitimité politique ? L'échange, orageux, signe le début de la mésentente entre les deux femmes.

Aux réunions suivantes, Anne Hidalgo est désagréable avec l'ancienne directrice générale de la Fédération française de tennis. « Je vous rappelle que je suis élue et que vous êtes nommée », lâche la maire à la ministre. Comme elle lui rappelle qu'elle n'était pas à Lima le 13 septembre 2017, lorsque la capitale a été désignée ville organisatrice des JO. Parce qu'Anne Hidalgo sépare les gens en catégories. Concernant les JO, elle distingue les historiques et ceux qui ont débarqué entre-temps, dont fait partie à ses yeux Amélie Oudéa-Castéra. Il y a aussi les politiques, les vrais, ceux qui ont été élus, et les fonctionnaires, qui n'existent que grâce à Emmanuel Macron. La ministre appartient là encore à la seconde catégorie. Autour de la table, Tony Estanguet, l'ancien champion olympique de canoë, aujourd'hui président du comité d'organisation des JO, est toujours pris en tenaille entre Anne Hidalgo à sa droite et Amélie Oudéa-Castéra à sa gauche.

Beaune lorgne l'Hôtel de ville

Pour les transports publics, « on ne va pas être prêts », prévient le 22 novembre Anne Hidalgo sur le plateau de Quotidien. Le gouvernement s'étouffe. À quoi joue-t-elle ? Cette fois, le missile est lancé en direction de Clément Beaune, le ministre qui en a la charge. Elle juge son discours hors-sol et déconnecté. Et puis le quadragénaire lorgne ouvertement la mairie de la capitale, dont il a été élu député en 2022. Alors, elle snobe toutes les réunions du comité stratégique des mobilités des Jeux, que préside le ministre. Elle s'y fait représenter par son adjoint chargé des JO, l'ancien joueur de rugby Pierre Rabadan.

Le lendemain du passage de la maire de Paris à Quotidien, Amélie Oudéa-Castéra décide de répondre à Anne Hidalgo au comité d'organisation des JO. Mais cette dernière quitte la pièce au moment même où elle prend la parole. « Je suis en train de vous répondre, Madame Hidalgo », tente la ministre. « Mais moi, j'ai un mariage », répond l'intéressée sur le pas de la porte. L'ancienne magistrate à la Cour des comptes le vit comme une humiliation ; trois jours plus tard, elle se lâche sur RTL : « Anne Hidalgo joue contre son camp. »

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Aux petits déjeuners qui ont lieu régulièrement Place Beauvau, l'ambiance entre les deux femmes est toujours aussi délétère. Lorsque la ministre parle des JO, elle ne les nomme curieusement jamais les « Jeux de Paris ». Les autres participants - Gérald Darmanin, Tony Estanguet, Laurent Nuñez, Marc Guillaume, préfet de la région Île-de-France, et Michel Cadot, délégué interministériel aux JO - regardent Anne Hidalgo reprendre la ministre des Sports. « Désolé, ce n'est pas facile », glissent certains d'entre eux à Amélie Oudéa-Castéra en sortant de la réunion.

Il n'y a rien à faire, les deux femmes ne parlent pas le même langage. « Entre elles deux, ça ne fonctionne pas, explique-t-on dans l'entourage de la maire de Paris. Il y a d'un côté le pur animal politique qu'est Anne Hidalgo, et de l'autre une personne très forte sur ses dossiers mais sans envergure politique. »

Le 11 décembre, alors que démarre une énième réunion au sein de l'immeuble Pulse à Saint-Denis, la poignée de main d'Anne Hidalgo à Amélie Oudéa-Castéra est plus cordiale qu'à l'accoutumée. Comme si, en entrant dans le match avec elle par média interposé, cette dernière avait finalement gagné son estime.

Caroline Vigoureux
Commentaire 1
à écrit le 31/12/2023 à 14:42
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Hidalgo / Darmanin semblables... tu parles ! Elle n'existe qu'en tant que marionnette aux mains des écologistes élus par les bobos parisiens. Lui émane de Tourcoing; assez différent du "Marais", à ce qu'on sache. Elle ne représente rien pour la Gauch...

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