Les élus locaux touchés par les émeutes de l'été attendent les réponses de l'exécutif avec impatience. Une semaine après la mort du jeune Nahel, le président de la République avait annoncé, à plus de 300 maires, une « loi d'urgence pour écraser tous les délais » et accélérer la reconstruction des villes touchées. C'est chose faite : le texte relatif à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 a été promulgué par Emmanuel Macron le 25 juillet.
A la sortie de la réunion, le maire (LR) de Cannes, David Lisnard, restait sur sa faim. Face à « l'écroulement de l'autorité », le président de l'association des maires de France (AMF) défendait, auprès de La Tribune, « une concentration de l'Etat sur ses missions régaliennes, une révision de la politique migratoire et une refonte de la justice pénale des mineurs ».
Un collectif inter-association d'élus pour la sécurité et la prévention
L'édile a depuis été rejoint par sept autres associations d'élus. Avec l'Association des communes et collectivités d'Outre-mer, Villes et banlieue, Départements de France, Intercommunalités de France, France urbaine, Villes de France et le Forum français pour la sécurité urbaine, l'AMF vient de constituer, le 18 octobre, un Collectif inter-associations d'élus pour la sécurité et la prévention (CIAESP).
« Dans un contexte d'alerte attentat, elles souhaitent que la voix des élus locaux soit mieux prise en compte par l'État et les parlementaires sur la sécurité, la prévention de la délinquance et la menace terroriste et demandent de nouvelles modalités de concertation », écrivent les huit associations dans une déclaration transmise à la presse.
Responsables de 25.466 agents de police municipale, « troisième force de sécurité intérieure du pays » assurent-ils, ainsi que de nombreux autres agents et services qui assurent des missions de proximité essentielles, les édiles érigent quatre priorités : renforcement de la prévention, relations population-forces de sécurité, drogues et violences intrafamiliales.
Le collectif propose donc « d'instaurer des concertations régulières avec l'Etat dont l'ordre du jour sera co-élaboré afin que les priorités des collectivités territoriales soient assurées d'y figurer ».
Toujours est-il que la Première ministre s'apprête à sortir du bois. Devant 500 maires et avec les ministres Gérald Darmanin (Intérieur), Eric Dupond-Moretti (Justice) et Aurore Bergé (Solidarités), Elisabeth Borne devrait présenter, ce 26 octobre, des mesures régaliennes autour de la « responsabilité parentale, de sécurité et prévention de la délinquance, et de sanctions et chaîne pénale ».
Jumel (PCF) pointe « une humiliation du travail parlementaire »
A l'Assemblée nationale, qui examine actuellement le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024, La Tribune a interrogé les groupes politiques d'opposition pour connaître leurs attentes.
Co-rapporteur avec la lilloise Violette Spillebout (Renaissance) d'une mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur le statut de l'élu et la lutte contre les violences envers les élus, le communiste Sébastien Jumel (Seine-Maritime) estime qu'il faut donner aux maires les moyens et le pouvoir d'agir.
« Dans le projet de loi de finances 2024, le budget des collectivités est la négation même des promesses à l'égard des communes », assène l'ancien maire de Dieppe de 2008 à 2017.
Avant de dénoncer « une humiliation supplémentaire du travail parlementaire », sachant que les deux députés n'ont pas encore rendu les conclusions de leur mission.
Une demande de réponses de fond, globales et mesurées
Du côté du groupe Libertés, indépendants, Outre-Mer et territoires (Liot), qui s'est fait connaître pour son opposition frontale lors de la réforme des retraités, son porte-parole Benjamin Saint-Huile (Nord) attend « autre chose que la caricature que le Rassemblement national a fait des émeutes ».
« Sur des quartiers complexes qui croisent les difficultés comme la pauvreté, la sécurité ou encore l'accès au soin, il faut des réponses globales et mesurées, pas de la simple communication politique ou du saupoudrage », explicite l'ancien maire (PS) de Jeumont de 2008 à 2022.
Chez les socialistes du Palais-Bourbon justement, « le gouvernement est dans la réaction et non dans la réponse de fond », s'agace Christine Pirès-Beaune (Puy-de-Dôme), secrétaire de la commission des Finances.
« Toutes les collectivités territoriales font face à un mur d'investissements pour participer à de la bifurcation écologique. Il faut leur donner les moyens de rénover leurs bâtiments et de changer leur éclairage public », poursuit celle qui est, depuis 2008 et tour à tour, conseillère municipale de Volvic, de Ménétrol et de Riom.
Une lettre au vitriol du président du groupe Les Républicains
L'ex-maire d'Anet (Eure-et-Loir) Olivier Marleix, président des Républicains à l'Assemblée nationale, confie, lui, avoir écrit à la Première ministre le 18 octobre. Dans cette lettre au vitriol que La Tribune a pu consulter, le député demande à Elisabeth Borne « des éléments objectifs sur la réponse pénale de l'Etat ».
« Pouvez-vous nous fournir, détaillé par département par département, le nombre de personnes interpellées, de personnes déférées, de personnes condamnées ? Et parmi les mineurs responsables de ces violences, pouvez-vous nous faire connaître combien de parents ont vu leur responsabilité pénale engagée sur le fondement de l'article L227-17 du Code pénal, comme le Garde des Sceaux en a fait la demande aux parquets généraux ? », interroge le parlementaire.
Eric Dupont-Moretti a en effet adressé, dès le 30 juin, aux procureurs de la République et aux parquets généraux, une circulaire relative au traitement judiciaire des violences urbaines pour leur demander de communiquer quotidiennement à la direction des affaires criminelles et des grâces les suites données pénales données par les juridictions.
Des annonces suivies d'un Comité interministériel des villes
Vendredi 27, la cheffe du gouvernement présidera, elle, un Comité interministériel des villes (CIV) à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), destiné à apporter des solutions aux problèmes récurrents des quartiers prioritaires, tant sur le plan de l'emploi, du logement que de l'école ou des discriminations.
Le 5 octobre, Elisabeth Borne a présidé un Conseil national de la Refondation afin de partager « le diagnostic et les pistes de réflexion » sur les émeutes. Réunis en congrès à Lyon la semaine dernière, les maires de l'association Ville & banlieue ont témoigné de leur impatience et appelé l'exécutif au sursaut.