
Après le risque climatique, le risque des émeutes. Le premier assureur des collectivités locales, la SMACL, filiale à 86% de MAIF, sort de l'été complètement groggy. Car la facture est lourde : 65 millions d'euros de sinistres (45 millions en net de réassurance) sur la branche dommages de biens, sans compter les 20 millions de pertes initialement prévues sur 2023 dans le cadre du plan de redressement de l'assureur.
En prenant en compte les sinistres supportés en direct par MAIF, c'est bien à 100 millions d'euros que s'élève la facture pour le groupe, soit 50% du total des sinistres déclarés par les collectivités locales (200 millions), selon le dernier pointage de France Assureurs.
Augmentation de capital
Face à cette charge exceptionnelle, impossible pour l'assureur spécialisé d'atteindre son objectif de ratio de solvabilité de 130% à la fin de l'année, ni même de respecter les ratios réglementaires au 30 septembre dernier. D'où le plan Orsec à trois étages, déclenché par les actionnaires de la SMACL et l'assureur, sous l'égide du superviseur, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Premier étage, l'émission d'une dette subordonnée d'un montant de 56 millions d'euros, aux conditions de marché (coupon proche de 6%), entièrement souscrite par les actionnaires de SMACL. Cette opération de marché permettra à l'assureur d'afficher un ratio de solvabilité de 110 % au 30 septembre (et d'éviter de passer sous le seuil réglementaire).
Deuxième étage, le principe d'une augmentation de capital a été arrêté par le conseil d'administration, d'un montant non encore fixé, mais qui sera comprise dans une fourchette de 45 à 60 millions d'euros, peu ou prou le coût des émeutes. Après le coup d'accordéon sur le capital, la participation de MAIF dans le capital de SMACL devrait grimper à 90%. Enfin, l'assureur compte sérieusement durcir ses conditions de souscriptions, en augmentant très sensiblement les franchises et en limitant les indemnisations.
Question de survie
Quelque 150 communes ont déjà reçu un avenant au contrat au mois d'août. Et ces nouvelles conditions de souscriptions seront appliquées à toute réponse aux appels d'offres sur la branche dommages lors de la prochaine campagne de souscription. Objectif : tout le portefeuille sera soumis aux mêmes conditions de garanties sur le volet émeutes. « C'est une question de survie. Nous avons fait le choix de rester auprès des collectivités mais dans des conditions tenables », justifie Patrick Blanchard, directeur général de SMACL.
Ce durcissement des conditions de souscription va se traduire de facto par une prise en charge plus conséquente par les collectivités. Or, ces dernières sont déjà contraintes sur le plan budgétaire et certaines ont déjà déclaré n'avoir pas les moyens financiers de réparer rapidement la totalité des dégâts. Rappelons que le sinistre moyen enregistré par SMACL est de l'ordre de 200.000 euros, avec des sinistres pouvant dépasser les 3 millions d'euros pour les plus importants. Résultat, les collectivités locales vont nécessairement se tourner vers les pouvoirs publics.
« Il est absolument nécessaire de travailler ensemble, assureurs, collectivités et l'Etat, pour construire un dispositif qui nous permette de faire face à ce type d'évènements », souligne Patrick Blanchard. La SMACL a déjà fait des propositions à Bercy.
Récurrence des émeutes
L'idée serait d'avoir un dispositif qui ne soit pas très éloigné de ce qui s'est fait pour les récoltes agricoles, avec un premier niveau de mutualisation supporté par les collectivités (franchise), puis le risque de fréquence et d'intensité moyen par les assureurs et enfin, au-delà d'un certain seuil, un niveau exceptionnel qui serait pris en charge par un fonds public de garantie.
« Nous avons présenté le projet et nous sommes qu'au stade des premiers échanges. Mais nous avons eu une écoute attentive », avance Patrick Blanchard. Car, de toute évidence, pour de nombreux experts de l'assurance, le risque émeute n'est plus perçu comme un risque exceptionnel.
« Avant les émeutes de juin, il y a eu les émeutes liées à la réforme des retraites, puis avant les gilets jaunes, heureusement sans grande conséquence en termes de sinistres. Mais cela démontre bien le problème de récurrence sur ce type d'évènement. Une problématique que l'on retrouve avec les événements climatiques », explique un assureur.
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