C'est désormais un rituel. Chaque automne, Brigitte Macron reçoit à déjeuner à l'Élysée une poignée d'écrivains à l'occasion de la rentrée littéraire. Cette année, les agapes ont eu lieu le 23 octobre. Ils étaient huit auteurs à avoir été invités : Gaspard Kœnig (Humus, Éditions de l'Observatoire), Dominique Barbéris (Une façon d'aimer, Gallimard), Sarah Chiche (Les Alchimies, Seuil), Philippe Claudel (Crépuscule, Stock), Thomas B. Reverdy (Le Grand Secours, Flammarion), Arthur Dreyfus (La Troisième Main, P.O.L), Abd Al Malik (Juliette, Robert Laffont) et Nathacha Appanah (La Mémoire délavée, Mercure de France).
Ce lundi, autour de la table, il y avait un invité surprise. Le chef de l'État était là. Emmanuel Macron ne devait passer que vingt minutes afin de saluer les présents. Son temps était compté. Le lendemain, il entamait une tournée ultrasensible en Israël et au Proche-Orient. Le président restera tout au long des deux heures du déjeuner, curieux de savoir ce qu'inspirent ces temps sombres à ces écrivains, qui pour certains évoluent en parallèle dans d'autres sphères (Abd Al Malik est d'abord un slameur, Philippe Claudel est également réalisateur, Gaspard Kœnig a tenté sans succès de concourir lors de la dernière présidentielle). Cela l'intéresse aussi de les entendre sur la conception de leur rôle à pareille époque. Comme à son habitude, il noircit son carnet de notes sur ce que disent les uns ou les autres.
Alors que les années précédentes un tour de table était fait afin que chacun présente son ouvrage, cette fois, la discussion est à bâtons rompus, les échanges sont plus directs. Une règle est, elle, néanmoins respectée. Comme les autres fois, le rendez-vous est entouré de la plus grande discrétion. Aucune image ne vient l'immortaliser ; aucun récit n'en sera fait. Les écrivains tiennent à cette confidentialité.
Ce déjeuner est le cinquième de ce type. Dès 2017 et leur installation à l'Élysée, les Macron ont voulu y faire entrer la culture. Le couple présidentiel est féru de littérature. Avec l'aide de Françoise Nyssen, la ministre de la Culture de l'époque, qui a longtemps dirigé la maison d'édition Actes Sud, la première dame organise un premier repas. S'il n'y en a eu ni en 2018 ni en 2020 (en raison de la crise sanitaire), la tradition a été suivie les autres années. En 2019, Marie Darrieussecq et Anne Berest, autrice du best-seller La Carte postale, faisaient partie des invitées. En 2021, Christine Angot, Maria Pourchet, Clara Dupont-Monod, Lilia Hassaine figuraient à une tablée ne comptant que des écrivaines. L'an passé, cela avait été Emmanuel Carrère, Catherine Millet, Catherine Nay, Christophe Ono-dit-Biot...
La liste de la huitaine de convives est établie à partir des recommandations de Manuel Carcassonne, le directeur des éditions Stock, également critique réputé, qui connaît le couple présidentiel. Le jour venu, il est lui-même autour de la table. « C'est une rencontre informelle et plutôt décontractée entre des écrivains choisis en fonction de la rentrée littéraire et Brigitte Macron, qui est une excellente lectrice, attentive, drôle et très appréciée, confie-t-il. Celles et ceux qui veulent venir viennent. Il arrive que, pour des raisons politiques, certains plus engagés ne souhaitent pas venir. Une très grande liberté règne. »
Avant cette année, Emmanuel Macron avait déjà participé à une ou deux reprises au déjeuner littéraire de son épouse, qui a été par le passé professeure de français. Au soir du 23 octobre, certains auteurs ont confié à leur journal., le récit de ce moment inattendu.