Emmanuelle Mignon, la « sorcière » d'Éric Ciotti

Le rôle de l'ancienne directrice du cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, désormais vice-présidente de LR reste toujours aussi mystérieux.
Nommée « en charge des idées et du projet », Emmanuelle Mignon est la seule vice-présidente du parti à avoir des attributions ainsi explicitées.
Nommée « en charge des idées et du projet », Emmanuelle Mignon est la seule vice-présidente du parti à avoir des attributions ainsi explicitées. (Crédits : Mehdi Taamallah/ABACA)

« Bonjour. Secret absolu. Désolée. » C'est par ces mots sibyllins mais polis qu'Emmanuelle Mignon a répondu aux sollicitations de La Tribune Dimanche pour parler de son travail au sein du parti Les Républicains (LR). La droite néogaulliste a beau être en voie de marginalisation, on la croirait dotée d'un laboratoire souterrain. Conseillère de Nicolas Sarkozy durant sa période de conquête du pouvoir, Emmanuelle Mignon est une figure auréolée de prestige et de mystère. Le président de LR, Éric Ciotti, a convaincu cet été la juriste, passée du Conseil d'État au cabinet d'avocats August Debouzy, de reprendre du service politique. « Mignon, c'est moi », plastronne en privé l'élu des Alpes-Maritimes lorsqu'il la bombarde, début octobre, vice-présidente du parti. La vingt-troisième en un an à recevoir le titre. Éric Ciotti a prévenu Laurent Wauquiez de sa prise de guerre, mais pas Bruno Retailleau, avec qui les relations sont compliquées. D'ordinaire tatillon sur les formes, le chef de file des sénateurs LR a pardonné ce manque d'égards : le Vendéen compte parmi les fans d'Emmanuelle Mignon. Son homologue de l'Assemblée nationale, Olivier Marleix, loue « un des plus beaux cerveaux de la République ». Idem pour Valérie Pécresse, qui la connaît bien et lui a envoyé un SMS de félicitations.

La promue n'est pas qu'une soldate de plus dans l'armée mexicaine de LR, dont le nombre de chapeaux à plume est inversement proportionnel à la dynamique électorale. Nommée « en charge des idées et du projet », elle est la seule vice-présidente à avoir des attributions ainsi explicitées. De 2004 à 2007, l'énarque était « simple » directrice des études de l'UMP, après avoir été recrutée par Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur. Des années exaltantes, contrairement à celles à l'Élysée, où Emmanuelle Mignon a dirigé le cabinet du chef de l'État et subi l'abandon de pans du programme qu'elle a contribué à bâtir.

Le trio se voit chaque jeudi au siège du parti

Éric Ciotti veut donner carte blanche à la sarkozyste déçue. Le parti n'est plus que l'ombre de ses devanciers, mais son chef s'est senti rasséréné par la venue d'Emmanuelle Mignon et des deux cadres qui la secondent : Aurélien Caron, conseiller d'État comme elle et candidat LR battu dans la Somme aux dernières législatives, et Kevin Brookes, docteur en sciences politiques proche de Génération libre, le think tank libéral de Gaspard Koenig. Un profil « régalien » et un profil universitaire, miroirs des sensibilités du président de LR. « Éric aime avoir ses pattes de lapin, résume un familier du Sudiste. Il a trouvé sa magicienne, sa sorcière. »

Depuis deux mois, le trio se voit chaque jeudi au siège du parti, rue de Vaugirard, pour phosphorer, extraire le jus des notes qu'ils reçoivent et des rencontres qu'ils multiplient avec hauts fonctionnaires et experts en tout genre. Les sessions sont longues et exigeantes, conformes à la réputation d'Emmanuelle Mignon. Pas de câlinothérapie, mais pas de froideur non plus. Certaines propositions trop libérales ont été retoquées par le bureau politique de LR : les pro-Wauquiez qui y siègent veulent laisser les coudées franches à leur champion, candidat « déterminé » mais non déclaré à la prochaine présidentielle.

Œuvrant à titre bénévole, la cheffe de chantier partage son temps entre Paris et Bruxelles, où elle installe la nouvelle antenne d'August Debouzy. La double casquette fait douter les cadres du parti quant à la capacité d'Emmanuelle Mignon à les représenter aux européennes de juin 2024. Son nom circule avec insistance pour la deuxième place sur la liste. Cette tambouille, la « magicienne » s'en tient à l'écart, tout en travaillant sur le programme de campagne... et sur ce que LR proposera en 2027, derrière - en théorie - le visage de Laurent Wauquiez. Lequel n'a pas échangé avec Emmanuelle Mignon depuis qu'elle a été nommée. À voir si la magie opère.

Commentaire 1
à écrit le 10/12/2023 à 11:17
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Il est inapproprié de parler de "néo-gaulliste" à propos des LR, la présidence de Nicolas Sarkozy ayant justement marqué une rupture avec le gaullisme, d'où entre autre l'engagement militaire hasardeux en Libye...

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