Européennes : les vertiges de l’après-Glucksmann

La bonne campagne de l’essayiste donne de l’espoir aux socialistes pour construire l’après-9 juin et les trois prochaines années.
Raphaël Glucksmann au Zénith de Paris, le 30 mai.
Raphaël Glucksmann au Zénith de Paris, le 30 mai. (Crédits : © LTD / JULIEN DE ROSA/AFP)

C'est sur le tube de Stromae Alors on danse que Martine Aubry monte vendredi soir sur la scène du palais des sports de Lille. Mais, à quarante-huit heures du scrutin, la maire de la ville n'est pas là pour danser ni même pour savourer les applaudissements de la salle, qu'elle coupe par des « ne perdons pas de temps ». Raphaël Glucksmann est venu chez elle donner son tout dernier meeting de campagne. Pour la première fois depuis le décès de son père Jacques Delors en décembre dernier, la maire de Lille évoque l'ancien président de la Commission européenne. Et remercie Raphaël Glucksmann « d'avoir été le seul à parler d'Europe dans le fond ». L'auditoire applaudit, mais l'un des pans de la salle est resté vide. Seuls les militants socialistes, drapeau à la main, ont fait l'effort d'être là. Que cela dit-il de cette fin de campagne ? « On n'arrive plus à savoir », « on est dans le flou total », répondent conseillers et colistiers.

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Évidemment, les socialistes ont plus que jamais envie d'y croire. Cela fait tellement d'années qu'ils n'avaient plus eu autant d'espoir de voir renaître la gauche sociale-démocrate. Notre enquête Elabe publiée vendredi place Raphaël Glucksmann à 14,5%, contre 16 points pour la candidate macroniste, Valérie Hayer. « Nous sommes à 1% de la liste macroniste. Les amis, n'est-ce pas un moment à saisir ? » tance sur la scène lilloise le candidat. À longueur de meetings et de conférences de presse, il répète vouloir « tourner la page de ce faux duel » entre le Rassemblement national et Renaissance « qui fait suffoquer des millions de Françaises et de Français ».

Une grille de lecture balayée

Au fil des mois, le fondateur de Place publique a réussi à imprimer une ligne - une puissance écologique européenne, soucieuse des droits de l'homme et de la justice sociale, un soutien indéfectible à l'Ukraine - et une idée phare : taxer les ultra-riches au niveau européen. Cette mesure est devenue selon l'intéressé « un hit » dans ses meetings, où l'on vendait tee-shirts et tote bags barrés du slogan « taxer les riches ».

Dimanche soir, l'homme de 44 ans pourrait changer de rôle. « Un candidat qui fait 15% à une élection et qui ne développe pas d'autres ambitions, ça n'existe pas ; l'appétit vient en mangeant », tranche un proche du premier secrétaire du PS, Olivier Faure. Une grille de lecture balayée par l'un des plus proches conseillers de l'essayiste : « Raphaël est différent des autres. Il ne vit pas de la politique, mais pour la politique. Il n'en a pas besoin pour des raisons narcissiques ou financières. Il n'est pas là à se voir en président de la République. » Son envie serait plutôt de mener « un travail intellectuel et idéologique ».

L'essayiste a cet atout devenu rare de parler à tout le monde au PS. Il s'entend bien avec Olivier Faure, artisan de la Nupes, comme il est désormais chéri par cette gauche sociale-démocrate qui n'a jamais voulu entendre parler de l'alliance avec les Insoumis. Lui-même l'a toujours dit : il n'est pas soluble dans la Nupes, sa gauche n'est pas celle de Jean-Luc Mélenchon. Récemment, il est allé un peu plus loin en se posant comme « gardien » et « garant du cap qui a émergé à gauche », celui que plusieurs socialistes définissent comme « un arc "tout sauf Mélenchon" ». Une partie redoute qu'Olivier Faure ne veuille au contraire dissoudre le bon score de Raphaël Glucksmann dans un ensemble plus large qui ne fermerait pas la porte aux Insoumis. « Ce qu'on a à construire, c'est l'après-Mélenchon, l'après-Hollande, l'après-Macron », assène un responsable PS.

Cet après-9 juin, Jean-Luc Mélenchon l'imagine depuis des semaines, anticipant même « un appel risible au rassemblement de la gauche qui sera publié le 10 au matin dans Libération ». Mi-avril, le leader Insoumis pestait déjà : « Le rassemblement, aucun d'entre eux n'en veut, ou à des conditions qui ne sont pas celles de l'unité ; ils veulent la gauche sans Mélenchon. »

Raphaël est différent des autres. Il ne vit pas de la politique

Olivier Faure

Quand bien même Raphaël Glucksmann obtiendrait un score de 15%, il n'a échappé à personne que l'ensemble des forces de gauche ne représenterait que 30% des voix environ, soit le score que pourrait récolter le RN à lui seul. Un élu socialiste alerte : « Le sujet n'est pas seulement de savoir si on peut gagner en 2027, mais si on peut survivre. Si le storytelling des trois prochaines années c'est qui veut faire la peau à l'autre, on finira tous en lambeaux. »

Une fois qu'il avait été élu député européen en 2019, Raphaël Glucksmann s'était investi pendant les cinq années suivantes dans son mandat au Parlement européen, s'évaporant ainsi, comme c'est le lot de la majorité des eurodéputés, de la scène politique nationale. Cette fois, le candidat l'a promis : « Je ne disparaîtrai pas. » Cette phrase est restée dans toutes les têtes. Mais personne ne sait réellement ce qu'il faut mettre derrière.

Résultats, mode d'emploi

Score aux élections européennes de 2019 : 6,19%

Plus de 15%

Le pari sera plus que réussi. Son scénario rêvé serait de passer devant la liste macroniste.

Entre 12 et 14%

L'objectif sera atteint, il aura doublé la mise par rapport à 2019.

Moins de 12%

Ce serait une déception pour les socialistes, à relativiser toutefois par rapport au faible score obtenu cinq ans plus tôt.

Commentaires 4
à écrit le 09/06/2024 à 21:36
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Si tous les politiques en place arrêtaient de se regarder le nombril en se disant "les Français sont fous de voter extrême droite", ils perdraient moins de temps à chercher les solutions pour la santé et la sécurité de leurs concitoyens... Ça fait 50...

à écrit le 09/06/2024 à 8:10
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Bah, si le RN fait un bon score, c'est que les autres partis et leurs représentants ont déçu les électeurs, non ? 35 ans que les citoyens (ceux qui peuvent voter) ont mis leur destinée entre les mains de votes modérés. Force est de constater la décep...

à écrit le 09/06/2024 à 8:10
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Bah, si le RN fait un bon score, c'est que les autres partis et leurs représentants ont déçu les électeurs, non ? 35 ans que les citoyens (ceux qui peuvent voter) ont mis leur destinée entre les mains de votes modérés. Force est de constater la décep...

à écrit le 09/06/2024 à 8:08
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En effet un de nos leaders politiques qui fait des discours plus élaborés que les autres mais qui restent des discours, de beaux discours mais des discours.

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