« TU AS DES NOMS ? » C'est une question que pose beaucoup Emmanuel Macron à ses interlocuteurs ces derniers jours. Le locataire de l'Élysée cherche la tête de liste de son camp pour les élections européennes du 9 juin. Avec la nomination au ministère des Affaires étrangères de Stéphane Séjourné, le patron de Renew au Parlement européen, la majorité a perdu son candidat naturel.
Alors que le scrutin s'annonce compliqué face à la dynamique Bardella et, en cas de contre-performance, les conséquences lourdes pour la fin du quinquennat, l'Élysée conçoit la campagne autour d'un trio. Il y aura d'abord le chef de l'État, qui, dès ses vœux du 31 décembre dernier, a montré qu'il allait lourdement s'engager. Il y a ensuite le Premier ministre en tant que chef de la majorité. Si le président a choisi Gabriel Attal, c'est notamment pour mettre sa popularité au service de ce rendez-vous électoral. Il y aura enfin la tête de liste. Pour trouver le profil idéal, tout l'écosystème macroniste s'est mis au travail. Pour l'instant, cela n'a rien donné.
D'abord, il y a ce qui est acquis. Depuis le remaniement, plusieurs hypothèses qui circulaient ont d'ores et déjà été rejetées. Ce ne sera pas Olivier Véran. L'Élysée ne veut pas de l'ancien porte-parole du gouvernement Borne, qui de toute façon n'était pas intéressé. Ce ne pourra pas être Pascal Canfin.
Le mouvement de colère grandissant des agriculteurs rend impossible le choix du président de la commission environnement au Parlement européen. « Il n'est pas très "écologie à la française" », acte un proche du président. Ce ne sera pas non plus Thierry Breton, même si le commissaire européen a donné le sentiment aux sénateurs qui le recevaient mercredi d'être prêt au combat. Quant à Clément Beaune, spécialiste de la question, il n'est plus suffisamment en cour pour décrocher une telle place. Le chef de l'État reproche au ministre délégué aux Transports d'avoir trop fait connaître son malaise lors de l'adoption de la loi immigration en décembre.
Alors qui ? Sur le papier, l'Élysée trouve pour ce combat beaucoup de qualités à Julien Denormandie. Les européennes sont une élection où le premier enjeu est de mobiliser son noyau dur électoral (en l'occurrence, celui du premier tour de la présidentielle de 2022) ; c'est un macroniste historique. Les paysans grondent ; c'est un ex-ministre de l'Agriculture, qui a su se faire apprécier d'eux. Seul hic : Julien Denormandie, pour l'instant, dit non. De son côté, lors de l'entretien qu'il a eu avec lui le 8 janvier, avant de choisir définitivement Gabriel Attal pour Matignon, le chef de l'État a noté que l'ancien ministre, qui travaille désormais dans le privé, était un peu déconnecté de certaines réalités politiques.
À ses interlocuteurs, Emmanuel Macron dit que la question de l'âge est un critère secondaire, maintenant que Gabriel Attal coche cette case en réponse à Jordan Bardella. « Il aimerait une femme », assure un pilier de la majorité. Valérie Hayer, députée européenne sortante, est poussée par l'appareil de Renaissance, mais elle est absolument inconnue. Certains trouvent des qualités à Maud Bregeon. La députée des Hauts-de-Seine, 32 ans, est une habituée des plateaux télé. Le président réfléchit également au-delà de la première place et cherche quelques noms qui sur la liste parleront à l'opinion. En 2019, le journaliste Bernard Guetta était ainsi en huitième position. Pourrait-il également y avoir un LR ? Il y a quelques mois, Jordan Bardella était venu trouver Stéphane Séjourné et lui avait glissé : « On en prend un. Vous en prenez un. Et on l'annonce, coup sur coup ! »