Elle doit avoir lieu cette semaine, mais personne ne sait quel jour. La commission d'investiture de Reconquête doit se réunir pour boucler les 20 premières places de la liste conduite par Marion Maréchal. Celles qui comptent, puisqu'au vu des derniers sondages le parti d'Éric Zemmour ne glanera pas plus de six ou sept sièges à l'Assemblée de Strasbourg. Et encore : dans les derniers « rollings » quotidiens de l'Ifop, la nièce de Marine Le Pen est donnée à 5,5 %. À peine au-dessus du seuil d'éligibilité.
La cote d'alerte est atteinte alors qu'en interne la Zemmourie prend des allures de « Fight Club ». Depuis la parution d'un article du Point détaillant les rapports glaciaux entre le candidat à la présidentielle de 2022 et Marion Maréchal, rien ne s'est arrangé. C'est même l'inverse, les fidèles du premier ne tolérant plus les choix stratégiques de la seconde, jugée trop coulante vis-à-vis de Jordan Bardella. Les « marionistes », eux, n'en démordent pas : l'électorat du RN et celui de Reconquête s'entremêlent, les deux camps seront amenés à travailler ensemble et il vaut mieux se concentrer sur le pillage des Républicains.
Marion Maréchal : « Ne te trompe pas d'ennemi, Jordan »
Sauf que depuis quelques semaines, le patron du RN ne s'embarrasse d'aucune précaution pour rudoyer sa concurrente d'extrême droite. Il accuse les zemmouristes d'avoir soutenu, dans le cadre du pacte sur la migration et l'asile débattu au Parlement européen, un volet facilitant l'accueil des migrants. À cette attaque mensongère, Marion Maréchal a répondu de manière mesurée dans une vidéo diffusée sur X : « Ne te trompe pas d'ennemi, Jordan. » Pour Éric Zemmour et ses proches, qui ont bâti leur notoriété en tapant comme des sourds sur Marine Le Pen et ses ouailles, la coupe est pleine. « Ça ne va pas du tout, s'est exaspéré récemment l'essayiste. Si on ne marque pas de différence avec Bardella, c'est lui qui va tout rafler. »
S'ajoute à cela la rumeur, alimentée par des échos dans la presse, que Marion Maréchal préparerait - si elle n'a aucun élu le 9 juin - son retour dans le giron frontiste. L'intéressée a beau faire fi de ces ragots peu crédibles, ceux d'en face bouillonnent. « Les militants ne comprennent pas que la spécificité de Reconquête soit diluée dans le quémandage d'une alliance avec le RN », cingle une huile du parti. Bilan des courses : le repas hebdomadaire des principaux cadres ne s'est pas tenu depuis début mars. Tout juste Éric Zemmour a-t-il croisé sa tête de liste au QG il y a une dizaine de jours, mais c'est tout. Chaque clan travaille dans son coin ou balance des scuds sur les boucles Telegram. « Si [...] tous les "mécontentements" mais aussi les coups fourrés étaient exposés sur cette conversation, on devrait y mettre 10 messages par jour », y a récemment écrit un zemmouriste historique.
Des proches du chef accusent le conseiller de Marion Maréchal, Philippe Vardon, ex-militant identitaire passé par le RN, de l'avoir isolée afin d'obtenir une place de choix sur la liste. « Marion mène une campagne courageuse dans une situation di icile à tous égards », rétorque le Niçois. Après avoir laissé sa candidate occuper l'essentiel du temps de parole médiatique du mouvement, Éric Zemmour envisage une mise au point drastique sur la ligne à suivre. Sa plume et compagne, Sarah Knafo, qui hésite toujours à briguer un siège éligible, prévient : « Quoi qu'il arrive, il faut qu'on fasse mieux qu'en 2022. » Soit 7 %. Ou comment hisser une haie déjà difficile à franchir...