Gabriel Attal sous pression avant son discours de politique générale

Confronté à la colère des agriculteurs, le Premier ministre prononcera mardi son discours de politique générale dans un contexte bien plus tendu qu'il ne l'avait imaginé.
Ludovic Vigogne
Le 26 janvier, sur le barrage de l’A64, près de Carbonne (Haute-Garonne). Le Premier ministre, Gabriel Attal, aux côtés de Jérôme Bayle, figure de proue du mouvement des agriculteurs.
Le 26 janvier, sur le barrage de l’A64, près de Carbonne (Haute-Garonne). Le Premier ministre, Gabriel Attal, aux côtés de Jérôme Bayle, figure de proue du mouvement des agriculteurs. (Crédits : © Miguel MEDINA/AFP)

Dans l'avion qui le ramène de Haute-Garonne, il règne un réconfortant sentiment de satisfaction. En se rendant là où, cet hiver, la révolte paysanne a commencé, Gabriel Attal a pris un risque. Les mots qu'il a prononcés (« On a décidé de mettre l'agriculture au-dessus de tout »), les mesures concrètes qu'il a égrenées, le contact qu'il a réussi à tisser avec le leader local du mouvement, Jérôme Bayle, ont abouti à la levée du barrage de l'autoroute A64. Dans la soirée, il recevra un message de félicitations du chef de l'État.

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Tout est pourtant très loin d'être réglé. Quelques minutes avant de décoller, le Premier ministre a entendu Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, annoncer la poursuite du mouvement. Avec Marc Fesneau, il discute de la stratégie à adopter vis-à-vis du céréalier, que le ministre de l'Agriculture connaît bien. Sur TF1, le leader syndical a dit être prêt à venir à Matignon discuter dès le lendemain. Gabriel Attal a peu apprécié cette manière de faire. Il juge que lui demander ainsi un rendez-vous sur un plateau télé, sans le prévenir au préalable, est déplacé. Il le fera patienter un peu. Ce n'est que le lendemain en fin de matinée qu'un contact sera repris avec le patron de la FNSEA par la Rue de Varenne et qu'une réunion y aura lieu entre bras droits l'aprèsmidi. Un peu plus tôt dans la journée déjà, en amont de son déplacement en Occitanie, l'échange qu'il avait eu avec Arnaud Rousseau à propos des premières mesures qu'il allait dévoiler ne s'était pas très bien passé. Le Premier ministre avait eu le sentiment que le syndicaliste était dans le tout ou rien, notamment sur la question des phytosanitaires, un point sur lequel, d'entrée de jeu, le gouvernement a dit qu'il ne bougerait pas. Cela l'incitera encore plus à mettre en scène, en Haute-Garonne, son pas de deux avec Jérôme Bayle.

« Notre abaya à Matignon »

La colère a-t-elle atteint son acmé ? Si le nombre de barrages et de départements concernés a sensiblement baissé hier, la situation reste confuse. La perspective du Salon de l'agriculture, à la fin du mois de février, le soutien massif des Français au mouvement peuvent inciter la base à rester mobilisée. Si Gabriel Attal a plongé au cœur du brasier, les feux sont-ils mal éteints à la veille de son discours de politique générale à l'Assemblée nationale mardi ? Par définition, ce rendez-vous est toujours une heure de vérité pour un locataire de Matignon. Mais pour le trentenaire, il sera encore plus décisif. Si sa promotion a été plutôt bien accueillie par l'opinion, le contexte explosif a tout chamboulé.

Depuis quinze jours déjà, le Premier ministre travaille activement à son intervention avec sa garde rapprochée (Maxime Cordier, son conseiller spécial, et Raphaël Charpentier, sa plume, sont à la manœuvre). Mardi, lors du déjeuner qu'il a eu avec Emmanuel Macron, les grands axes en ont été définitivement arrêtés. Jeudi, il a dîné avec Bruno Le Maire pour en discuter... « Il faut qu'on trouve notre abaya à Matignon », s'est fixé comme objectif, dès le départ, un de ses proches. Lors de son arrivée au ministère de l'Éducation, l'annonce de l'interdiction de cette tenue religieuse dans les établissements scolaires et son application immédiate avaient eu un lourd impact dans l'opinion. Cela avait illustré sa stratégie de la parole performative, qui avait été sa marque de fabrique.

Dans son propos, le chef du gouvernement va s'employer à apporter des réponses très concrètes aux problèmes quotidiens des Français, de la santé au logement. Les classes moyennes en seront le fil rouge. Depuis janvier 2023, c'est devenu son créneau. Alors ministre des Comptes publics, bien décidé à monter en première ligne lors de la réforme des retraites qui se profilait, il avait décidé de faire de cet électorat, qui serait la clé de 2027, le cœur de sa montée en puissance. Depuis qu'il est à Matignon, Gabriel Attal n'a pas changé de cible. À maintes reprises, il a déjà assuré que sa priorité était de mener une politique pour les classes moyennes. Trouvera-t-il les mesures symboliques qui leur parleront, alors que les hausses des franchises médicales et du prix de l'électricité annoncées ces jours derniers ont été perçues par celles-ci comme de mauvais coups ? Ses opposants ont bien vu la faille. Dès le 19 janvier, alors reçu à Matignon dans le cadre des consultations des forces politiques menées par son locataire, Jordan Bardella a ainsi demandé à son hôte s'il allait fragiliser « la France du travail qu'il prétendait défendre » en actant la hausse des tarifs de l'électricité (ce que Bruno Le Maire annoncerait quarante-huit heures plus tard).

Démonstration d'autorité

À Matignon, on espère que le Premier ministre décrochera des applaudissements bien au-delà de la Macronie, entravée au quotidien au Palais-Bourbon par son absence de majorité absolue. Mardi, la sensibilité globale du discours devrait pencher d'abord à droite. Le mérite sera la valeur mise en avant. La réaffirmation de l'autorité sera un axe majeur. La simplification sera largement évoquée. Au ministère de l'Éducation, Gabriel Attal était régulièrement encensé par les responsables LR. Premier ministre, pourra-t-il y parvenir ?

Le locataire de la Rue de Varenne aura aussi besoin de cette démonstration de force pour s'affirmer en interne. Au sein de son gouvernement, il entend bien parvenir à se faire respecter davantage qu'Élisabeth Borne par Gérald Darmanin et Bruno Le Maire. Dans la majorité, l'ambiance n'est pas simple après les changements opérés cet hiver par Emmanuel Macron. Si la nomination de Gabriel Attal a été appréciée par les députés de base, la composition de son équipe a davantage décontenancé. L'aile gauche s'est sentie piétinée. Le MoDem, particulièrement, et Horizons se sont estimés maltraités. Lundi, le Premier ministre a dîné avec Édouard Philippe. Les deux hommes n'ont pas eu grand-chose à se dire. L'ajout de ministres délégués et de secrétaires d'État attendu pour la fin de semaine devrait rééquilibrer les choses. « On va voir comment Gabriel Attal joue sur le terrain politique. On sait qu'il est bon sur le terrain médiatique, mais celui-ci ? » interroge un poids lourd du gouvernement. « Le président cherche un super porte-parole du gouvernement et un super ministre des Relations avec le Parlement. Dans sa tête, le Premier ministre, c'est Emmanuel Moulin [le directeur de cabinet du Premier ministre] », affirme un visiteur du chef de l'État. Pour Gabriel Attal, le discours de mardi sera également un enjeu par rapport à Emmanuel Macron.

Ludovic Vigogne
Commentaires 8
à écrit le 30/01/2024 à 9:39
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In fine, les politiques pris au piège de leur interventionnisme débridé: leurs inefficacités, et pire, l’inefficacité de leurs administrations, éclatent au grand jour; elles sont LE problème français!

à écrit le 30/01/2024 à 5:52
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La nlle génération est identique à l'ancienne M.Attal n'a pas apprécié " l'invitation" de la FNSEA. En fait la France et en l'occurrence le monde agricole il s'en moque Gouverner avec ces égos démesurés voir M.Macron est montre le peu de respect à ce...

à écrit le 29/01/2024 à 19:54
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Attal n'est absolument pas sous pression. Son.a chef.fe et lui.le sont là pour détruire l'agriculture , et plus globalement la France, conformément à la feuille de route reçue de Davos, via Berlin. Et ils s'y emploient à merveille, poursuivant en c...

à écrit le 28/01/2024 à 11:55
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Pour Monsieur Attal je vois, je vois, maoi je vois une personnalité pleine avec du peur

le 28/01/2024 à 20:37
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Vous pouviez cosationner la France...

à écrit le 28/01/2024 à 10:47
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"L'agriculture au dessus de tout", c'est effectivement le choix qu'a fait la France en financiarisant le marché agroalimentaire. L'or du futur sera la nourriture que la spéculation va accaparer pour en tirer le maximum de profit. Ce sera aussi un moy...

le 29/01/2024 à 12:05
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c'est déja le cas ! les intermédiaires en prennent jusqu'a plus soif ! et la déshumanisation actuel est juste l'idéologie qu'il faut !

à écrit le 28/01/2024 à 8:47
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Les services de communication sont devenus staliniens, il faut communiquer en force ! Pour notre bien à tous ! Alors qu'en effet en ce moment la retenue serait de mise pendant cette manifestation. Mais c'est son grand oral il peut pas le rater ! Et s...

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