L’Arménie et l’Azerbaïdjan prêts à négocier

Un mois après la chute du Haut-Karabakh, les deux pays évoquent un processus de paix qui favoriserait un développement économique.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

L'Arménie s'apprête-t-elle à tourner une page de sa douloureuse histoire ? Malgré l'exil forcé, dans l'indifférence internationale, des 100 000 habitants de la République indépendante du Haut-Karabakh, enclave peuplée d'Arméniens située au centre de l'Azerbaïdjan et conquise en septembre par les forces azéries, les deux pays évoquent un processus de paix.

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La ministre allemande des Affaires étrangères s'est rendue à Erevan et à Bakou vendredi et hier pour parler négociations. Le 26 octobre, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, avait annoncé travailler sur un accord de paix, espérant que « ce processus se terminera[it] avec succès dans les prochains mois ». De son côté, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, envisageait même une signature avant la fin de l'année. « Avec la chute du Haut-Karabakh, un contentieux a disparu mais le dossier reste très compliqué », modère Dorothée Schmid, chercheuse à l'Ifri. Des négociations d'autant plus complexes qu'elles concernent des acteurs dont les positions ont bougé sur l'échiquier régional. « Les pourparlers de paix peuvent aboutir, explique Bayram Balci, chercheur au CNRS et professeur à Sciences-Po. Nikol Pachinian est pragmatique et réaliste. Il veut une normalisation des relations avec l'Azerbaïdjan et la Turquie, et sortir de la tutelle de la Russie. » La passivité de Moscou dans le Haut-Karabakh et le manque de soutien de Téhéran, pourtant alliés traditionnels de l'Arménie, ont poussé Erevan à se rapprocher de l'UE et des États-Unis pour son avenir.

La France a passé un accord militaire avec Erevan et fera de 2024 une année culturelle consacrée à l'Arménie.

« Nikol Pachinian a compris qu'il fallait miser sur le développement économique. Le pays est enclavé et n'a pas le choix », explique Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques, chercheur en relations euro-arabes associé au Cecid (université libre de Bruxelles). « Les deux parties vont devoir discuter du tracé des frontières et de la continuité territoriale de l'Azerbaïdjan pour relier la région azérie du Nakhitchevan, qui n'a de frontières qu'avec l'Iran et l'Arménie », souligne le chercheur. Pour Bakou, la continuité territoriale de l'Azerbaïdjan est un enjeu majeur car elle relierait le pays à la Turquie, son principal allié. Le projet de corridor entre l'Azerbaïdjan et le Nakhitchevan, avec des liaisons routières et ferroviaires, offrira des débouchés économiques à Ankara. À condition que la Russie et l'Iran, qui craint que cette initiative ne l'isole, l'acceptent. « Il faut en effet compter avec les autres pays qui peuvent freiner le processus de paix », pointe Dorothée Schmid. Outre la Turquie, l'Iran et la Russie, le processus dépendra aussi de l'implication des États-Unis, en bons termes avec l'Azerbaïdjan, et de l'Union européenne.

Si le président de l'UE, Charles Michel, soutient activement aujourd'hui le processus de paix, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, ménage Bakou, qui fournit aujourd'hui 3 % des importations de gaz naturel de l'UE. En juillet, elle a signé un accord pour doubler les livraisons d'ici à 2027. Quant à la France, elle a passé un accord militaire avec Erevan et fera de 2024 une année culturelle consacrée à l'Arménie.

Reste évidemment le soutien des Arméniens, notamment de la diaspora, au processus. Oublier le climat de haine ne se fera pas en quelques mois. Ilham Aliev, à la tête d'un pouvoir autoritaire depuis vingt ans, s'est régulièrement distingué par une rhétorique guerrière à l'égard des Arméniens.

Robert Jules
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