L'alinéa est déjà écrit. Selon nos informations, Emmanuel Macron va déposer un projet de loi constitutionnel au Conseil d'État en début de semaine. Il s'agit d'inscrire l'interruption volontaire de grossesse dans le texte de 1958, comme il l'avait annoncé le 8 mars lors de l'hommage rendu à l'avocate Gisèle Halimi. À l'article 34 de la Constitution, il sera ajouté : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »
Sujet sensible
Une manière de sécuriser un droit qui, s'il n'est pas menacé en France, subit de sérieux coups de boutoir dans de nombreux pays. Le sujet semble à Emmanuel Macron assez mûr alors qu'une proposition de loi en ce sens a été votée à l'Assemblée en novembre 2022 et qu'un autre texte a également été voté au Sénat en février. C'est d'ailleurs cette digestion par les deux chambres, et en particulier par le Palais du Luxembourg, qui l'a convaincu d'avancer sur la question. Mais sans vouloir pour autant prendre le risque de laisser le processus parlementaire de révision constitutionnelle aller à son terme. Car si un tel texte était voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, cela déboucherait inéluctablement sur un référendum.
Pour ou contre l'inscription de l'IVG dans la Constitution ? Rien de mieux pour ressusciter un débat type « mariage pour tous » avec l'obligation de laisser, dans la France de 2023, au camp du « non » autant de temps de parole qu'au camp du « oui ». L'hypothèse a été écartée. En revanche, les sénatoriales passées, le champ semble libre. Le chef de l'État avait d'ailleurs annoncé son intention dans son discours de célébration du 65e anniversaire de la Constitution de la Ve République le 4 octobre. Il avait expliqué être favorable à ce que ce chantier aboutisse « dès que possible » en « rapprochant les points de vue » entre Assemblée et Sénat.
Niche parlementaire de LFI
À cela s'est ajouté un caractère d'urgence : la niche parlementaire de La France insoumise à l'Assemblée est programmée le 30 novembre. Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, envisageait d'y reprendre le texte du Sénat ; de quoi, en cas de vote conforme à l'Assemblée, ouvrir la porte à un référendum.
« Nous n'accepterons d'enlever le texte de notre niche parlementaire que si le gouvernement a déposé un texte ad hoc, réservé à cette question », a-t-elle fait valoir.
La menace a visiblement été entendue jusqu'au plus haut sommet de l'État. Ce sera bien une révision constitutionnelle spécifique. Des échanges ont déjà eu lieu à ce sujet avec de nombreux parlementaires de la majorité. Après avoir été présenté en Conseil des ministres, d'ici quelques semaines, le projet de loi devrait arriver devant le Congrès au printemps. La rédaction du nouvel alinéa a été soigneusement soupesée. Il met en avant la « liberté » des femmes alors que la gauche revendiquait un « droit ». Mais en ajoutant une « garantie » à l'accès à l'avortement, Emmanuel Macron espère visiblement réunir au moins trois parlementaires sur cinq et réviser la Constitution pour la première fois depuis 2017.
ALINÉA À L'ARTICLE 34 DE LA CONSTITUTION « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse »
Le droit des femmes à disposer de leur corps en 8 dates 1971 Le « manifeste des 343 salopes », appelant à une législation sur l'avortement, est publié dans « Le Nouvel Observateur ». 1975 Entrée en vigueur de la loi dépénalisant le recours à l'IVG, promise par Valéry Giscard d'Estaing et portée par la ministre de la Santé, Simone Veil. 1982 Adoption de la loi Roudy, qui prévoit le remboursement de l'IVG par l'Assurance maladie. 1993 La loi Neiertz crée le délit d'entrave à l'IVG. 2001 Allongement du délai légal pour avorter, qui passe de dix à douze semaines de grossesse. 2014 La loi Vallaud-Belkacem supprime la condition de détresse avérée qu'exigeait la loi Veil pour ouvrir un droit à l'IVG. 2016 Extension du délit d'entrave à l'IVG aux plateformes numériques. 2022 Le délai légal pour avorter passe de douze à quatorze semaines de grossesse.