Élections à Taïwan : le statu quo avec la Chine au cœur du scrutin

Le 13 janvier, Taïwan élit son nouveau dirigeant. Le candidat du parti au pouvoir est favori.
Manifestation en Chine.
Manifestation en Chine. (Crédits : © The Yomiuri Shimbun)

La superficie de l'île ne dépasse pas celle de la Région Centre-Val de Loire, et pourtant le scrutin qui va s'y dérouler sera particulièrement observé par les grandes capitales du monde. Le 13 janvier, quelque 20 millions d'électeurs taïwanais doivent choisir les députés et le nouveau président d'un pays aujourd'hui source de tension entre la Chine et les États-Unis.

L'actuelle présidente, Tsai Ing-wen, en poste depuis janvier 2016, membre du Parti démocrate progressiste (DPP), qui défend une ligne pro-indépendance, ne peut plus être candidate, en vertu de la Constitution qui limite son exercice à deux mandats. C'est son vice-président et ancien Premier ministre, Lai Ching-te, qui représentera le parti.

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Selon un sondage effectué du 22 au 26 décembre, ce diplômé de Harvard reste favori du scrutin uninominal majoritaire à un tour, avec 38,7 % des intentions de vote, devant Hou Yu-ih (Guomindang - KMT), 29,7 %, et Ko Wen-je (Parti populaire), 16,6 %. Hou, ancien chef de la Police nationale, membre du KMT et partisan d'une entente, a les faveurs de Pékin. Ko, ancien maire de la capitale, Taipei, à la tête du Parti populaire taïwanais, propose une troisième voie entre un KMT qu'il juge influencé par Pékin et des Taïwanais prodémocratie qui sous-estiment, selon lui, le risque d'une guerre.

« Le mot indépendance est aujourd'hui banni des annonces officielles des candidats, qui préfèrent parler de statu quo », note Jacques Gravereau, fondateur de l'Institut HEC Eurasia, qui vient de publier Taïwan, une obsession chinoise (éditions Maisonneuve & Larose, 148 pages, 20 euros). Le statu quo établi durant la présidence de Tsai Ing-wen se caractérise par le développement de liens économiques et militaires avec les États-Unis et ses alliés, qui ont permis de renforcer la dissuasion face à Pékin. « Taïwan a vu comment s'est déroulé le processus à Hong Kong, et la marginalisation du camp prodémocratie par Pékin à partir de 2019 », rappelle l'expert.

Épée de Damoclès

Depuis les années 1980, à l'instar de la Corée du Sud, Taïwan a connu un boom économique qui a fait du pays une société prospère où le PIB par habitant est de 32 000 dollars en 2023 (à titre de comparaison, il est de 46 000 dollars en France). « Ce miracle économique a accouché d'une véritable démocratie », rappelle Jacques Gravereau. Dans le Democracy Index établi par The Economist, Taïwan se classe au 8e rang, la France au 22e.

Aujourd'hui, moins de 3 % des Taïwanais se considèrent comme des Chinois. Une particularité que conteste Pékin, pour qui l'île, située à moins de 200 kilomètres de ses côtes, est une province chinoise. Taïwan a fait sécession à la suite de la guerre civile en 1949 et de l'accession au pouvoir du parti communiste sous la direction de Mao. Le président chinois, Xi Jinping, a fait de la réunification une priorité, ce qu'il a réaffirmé lors de sa rencontre avec Joe Biden, le président des États-Unis, à San Francisco à la mi-novembre, la qualifiant d'« inévitable ». Même si Pékin a toujours affirmé vouloir un processus « pacifique ». L'intérêt des États-Unis pour cette zone ne se limite d'ailleurs pas qu'à Taïwan. L'Oncle Sam a signé des traités de défense mutuelle avec le Japon, la Corée du Sud ou encore les Philippines pour contenir la montée en puissance de la Chine.

De leur côté, les Taïwanais semblent s'accommoder de cette épée de Damoclès. Le marché boursier est en hausse, preuve que les investisseurs, toujours prompts à se retirer en cas de secousses géopolitiques, restent confiants dans la stabilité économique de l'île, dont 40 % des exportations sont destinées au continent chinois, parmi lesquelles les produits de TSMC, leader mondial des puces électroniques hautement sophistiquées. « Localement, la perception est différente de celle qu'ont les capitales occidentales, souligne Jacques Gravereau. Près de 1 million de Taïwanais vivent en Chine, où ils dirigent leurs sociétés, comme Foxconn, qui assemble les iPhone d'Apple et emploie sur le continent 1,2 million d'ouvriers chinois. Bref, les Chinois et les Taïwanais se parlent. »

De son côté, le DPP veut favoriser l'investissement étranger dans l'île, qui nécessite des garanties de paix, de stabilité et de respect de l'autonomie politique. Pékin est-il prêt à les accorder ? En attendant la réponse, le DPP gagne du temps.

Commentaire 1
à écrit le 01/01/2024 à 11:48
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