Loi sur la fin de vie : le testament de Robert Badinter

EXCLUSIF - Dans une lettre que nous publions, adressée au député Olivier Falorni, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi sur la fin de vie, Élisabeth Badinter, l’épouse de l’ancien garde des Sceaux, l’assure : son mari aurait voté le texte du gouvernement.
Anna Cabana
Le couple Badinter lors d’une conférence de presse à Bruxelles, le vendredi 20 septembre 2013.
Le couple Badinter lors d’une conférence de presse à Bruxelles, le vendredi 20 septembre 2013. (Crédits : © LTD / ABACAPRESS.COM)

Ce lundi démarrent les travaux de la commission spéciale qui a la mission, périlleuse, de préparer l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale - à compter du 27 mai - du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.

Si la présidence à été confiée à Agnès Firmin-Le Bodo, artisane du projet de loi en tant que ministre - redevenue, depuis, députée Horizons du Havre -, c'est Olivier Falorni, le député (MoDem et Indépendants) de la Charente-Maritime, très investi sur ces sujets, qui a été désigné au poste clé de rapporteur général.

Lire aussiOlivier Falorni : « La lettre d'Élisabeth Badinter me donne de la force pour le projet loi sur la fin de vie »

« Mon mari n'a jamais assimilé aide à mourir et peine de mort... »

Cette commission a été installée dans la foulée de la présentation, le 10 avril en Conseil des ministres, de ce qui pourrait bien être la grande réforme sociale de l'ère Macron. Parce qu'il sait le sujet sensible et hautement inflammable, le chef de l'État, dont c'était une promesse de campagne en 2016, a pris son temps. Chacun de ses mots est pesé au trébuchet : il parle désormais d'« aide à mourir » qui doit permettre à certains patients, selon des « conditions strictes », de recevoir une « substance létale ».

Les opposants en appellent souvent à Robert Badinter, et plus exactement à cette phrase que l'ancien garde des Sceaux prononça le 16 septembre 2008 devant une mission sur la fin de vie à l'Assemblée nationale :  « La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie ». La lettre d'Élisabeth Badinter que nous publions vient leur ôter l'argument. « J'ai pu constater que la parole de mon mari était instrumentalisée », y lit-on. La philosophe ajoute : « Mon mari n'a jamais assimilé aide à mourir et peine de mort [...] S'il avait été parlementaire, Robert Badinter aurait soutenu ce texte ».

La lettre d'Élisabeth Badinter adressée à Olivier Falorni

Paris, le 17 avril 2024

Monsieur le Député,

Le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie débute son parcours parlementaire. Vous en êtes le rapporteur général. 
Depuis de nombreux mois et plus encore récemment, j'ai pu constater que la parole de mon mari était utilisée, pour ne pas dire instrumentalisée, par des opposants à toute évolution législative sur ce sujet. 
J'ai ainsi pu lire, dans une interview au journal La Tribune Dimanche, le président de la conférence des évêques de France déclarer que « Robert Badinter avait toujours dit son opposition à toute idée d'aide active à mourir ».

De même, dans une tribune au Figaro, la psychologue Marie de Hennezel affirmait que le refus de la légalisation de l'euthanasie avait été son « dernier combat ».
Ces déclarations péremptoires et tant d'autres utilisent principalement des citations extraites de l'audition de mon mari en septembre 2008 pour la mission d'évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Mon mari y avait en effet développé sa réflexion, ses souhaits et ses réserves.
C'était en 2008, il y a maintenant seize ans. 
La caractéristique d'une pensée humaine, c'est de pouvoir s'interroger, c'est de vouloir cheminer, c'est de savoir évoluer. C'est souvent la différence entre un Homme et un dogme.
Robert Badinter était de ces Hommes qui refusaient de s'enfermer dans des certitudes, a fortiori sur une question aussi complexe et sensible que celle de la fin de vie.
Il vous l'avait d'ailleurs personnellement dit lorsqu'il vous avait reçu le 10 novembre 2021, à la suite de l'examen de votre proposition de loi en avril de la même année. Il vous avait affirmé son soutien à votre texte qui instaurait un droit à une aide active à mourir. 
Il avait redit sa position en ma présence à la ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé en septembre 2023.

Alors que le débat parlementaire sur la fin de vie est désormais lancé, je tiens à l'affirmer fortement.
Mon mari n'a jamais assimilé aide à mourir et peine de mort.
Mon mari s'est forgé au fil des ans la conviction qu'une évolution vers une aide active à mourir était acceptable et même souhaitable dans certaines circonstances et selon des conditions précisément définies par la loi. 
Je tiens donc à affirmer que, s'il avait été parlementaire, Robert Badinter aurait soutenu ce texte. Prétendre le contraire serait une trahison de sa pensée et de sa mémoire.
Connaissant votre engagement de longue date pour cette cause, et ayant  désormais la mission de rapporteur général de cette loi, je tenais à vous adresser aujourd'hui ce message afin que vous puissiez le faire publiquement connaître si vous le jugiez nécessaire. 
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Député, l'expression de mes meilleures salutations.

Élisabeth Badinter

Anna Cabana
Commentaires 11
à écrit le 21/04/2024 à 13:17
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"Le suicide, cette puissante consolation qui permet de passer plus d'une mauvaise nuit" Nietzsche

le 21/04/2024 à 18:16
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Les ponts et les trains ne devraient jamais servir à cela, vous n'avez jamais vécu en train un certain retard d'environ 3 heures..

le 22/04/2024 à 8:28
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Pourtant c'est bien pratique si on veut une fin sans souffrir ! Au sein des ravagés du bulbe que osnt nos dirigeants il vaut mieux toujours avoir l'option de le faire soi-même.

le 22/04/2024 à 9:11
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Puis la disparition d'une vie humaine vaut bien quelques heures de "retard". Retard sur quoi au fait ?

à écrit le 21/04/2024 à 12:49
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🤮 Opération de communication détestable menée par les gauchistes dans leur guerre de l'information contre la Démocratie ‼️ A Fuera ‼️ 🔥

à écrit le 21/04/2024 à 9:33
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Que l'on cesse d'écouter ces dieux, la démocratie c'est le peuple donc place au référendum.

le 21/04/2024 à 11:20
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complètement d'accord l'avis de Robert Badinter n'est pas plus important que celui de chacun d'entre nous. personnellement je milite pour un droit de choisir ma mort beaucoup plus étendu et dont je serai maitre.

à écrit le 21/04/2024 à 8:29
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Voila qu'on va faire voter les personnes dcd maintenant. Avec l'abolition de la peine de mort, ce n'était pas vraiment une bonne chose. On n'a surtout pas besoin de son avis aujourd'hui

à écrit le 21/04/2024 à 3:30
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Mme Badinter fait parler son époux DCD mais comment savoir vraiment puisqu il n est plus sur cette terre, La loi Leonetti est suffisante ...

le 21/04/2024 à 7:13
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Son mari n'a pas défendu l'euthanasie car il était farouchement à la peine de mort. Voilà ce qu'il a dit : "La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie". Cette femme est instrumentalisée par des doctrines eugénistes qui n'ont jamais é...

à écrit le 21/04/2024 à 0:33
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"Loi sur la fin de vie : le testament de Robert Badinter" A l'évidence le véritable testament de Robert Badinter c'est n'est pas une loi autorisant le meutre par procuration illégitime de français fragilisés par la vieillesse et l'indifférence f...

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