Olivier Falorni : « La lettre d’Élisabeth Badinter me donne de la force pour le projet loi sur la fin de vie »

ENTRETIEN - Fort de la lettre que lui a adressé Elisabeth Badinter, le député MoDem s'apprête à lancer lundi les travaux de la commission spéciale sur le projet de loi sur la fin de vie dont il est le rapporteur général.
Le rapporteur de la commission spéciale du projet de loi est très investi sur le sujet.
Le rapporteur de la commission spéciale du projet de loi est très investi sur le sujet. (Crédits : © LTD / XOSE BOUZAS / HANS LUCAS)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Le projet de loi va-t-il assez loin aux yeux de quelqu'un comme vous qui est engagé sur ces questions depuis si longtemps ?

OLIVIER FALORNI - Ce texte a un peu tardé à arriver mais il est robuste et équilibré, et solidement arrimé à ses deux piliers. Le premier, ce sont les soins palliatifs, qui constituent la réponse principale, primordiale pour la très grande majorité des malades en fin de vie. Et le second pilier, c'est l'aide à mourir. Je suis de ceux qui considèrent que les deux sont nécessaires, qu'ils ne s'opposent pas et même qu'ils sont complémentaires. Pour moi, les soins palliatifs sont une réponse et l'aide à mourir est un recours. C'est au Parlement désormais d'enrichir ce champ des possibles pour prendre « la clé des champs », comme l'écrivait Montaigne. Cette clé des champs qui permet de mourir comme on a voulu vivre. Librement et sereinement. S'engager sur la fin de vie, c'est d'abord s'engager pour la vie, c'est s'engager pour la qualité de la vie jusqu'à sa fin. Mais c'est aussi regarder la mort, lucidement. C'est ne pas accepter que des êtres humains condamnés par la maladie soient aussi condamnés à l'agonie. Et c'est aussi pour moi convoquer les valeurs de la république. C'est vouloir la liberté, celle de disposer de sa mort à l'image de celle de disposer de son corps, que nous venons de constitutionnaliser. C'est vouloir l'égalité, celle qui permet de ne pas devoir s'en remettre à la clandestinité ou à l'exil forcé, à condition d'en avoir les moyens, en Belgique, en Suisse et dans tant d'autres pays désormais. C'est vouloir la fraternité, celle d'une fin de vie qui serait solidaire et pas solitaire. C'est vouloir la laïcité, dans laquelle la foi ne fait pas la loi.

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Le débat sur la fin de vie déchaîne les passions. La société française d'aujourd'hui vous paraît-elle mûre pour l'aborder de façon constructive ?

Ce débat nécessitera selon moi trois choses : humilité, gravité et respect de toutes les convictions. À titre personnel, durant toutes ces années, j'ai écouté, j'ai échangé, j'ai réfléchi, j'ai affirmé, j'ai évolué, je me suis même efforcé de penser contre moi-même, ce qui n'est pas toujours facile. Aujourd'hui, j'ai des convictions mais pas de certitudes. Sur un sujet aussi complexe, personne ne peut prétendre avoir la vérité. Je n'ai donc pas la vérité mais j'ai au moins la volonté. Celle de tenter de faire plus et mieux, pour les malades et leurs proches. Et ce dont en revanche je suis certain, c'est que les Français attendent de leurs députés qu'ils soient à la hauteur de l'importance de ce texte. Celles et ceux qui préféreront l'outrance aux arguments, le pugilat au débat, seront très sévèrement jugés par l'opinion publique. J'exercerai ma fonction de rapporteur général avec le souci de la responsabilité et de la dignité de nos échanges au sein de l'hémicycle. C'est là aussi, à mes yeux, une exigence républicaine.

S'engager sur la fin de vie [...] c'est vouloir l'égalité, celle qui permet de ne pas devoir s'en remettre à la clandestinité ou à l'exil forcé

En 2021, vous aviez déposé une proposition de loi pour une fin de vie libre et choisie. Vos opposants avaient alors convoqué la mémoire de Robert Badinter et cette phrase prononcée en 2008 : « La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie... »

Après l'examen de ma proposition de loi en 2021, j'ai décidé de solliciter un entretien auprès de Robert Badinter pour savoir réellement ce qu'il en pensait, car certains opposants à l'aide à mourir (qui l'avaient d'ailleurs parfois très violemment attaqué quand il était ministre de la Justice) se revendiquaient de lui pour la combattre. Il m'a fait l'honneur de me recevoir à son domicile en novembre 2021. Je n'oublierai jamais cet entretien d'une heure et demie avec cet homme que j'admirais tant. Comme je n'oublierai pas le moment où j'ai reçu, il y a quelques jours, la lettre qu'Élisabeth Badinter m'a fait l'honneur de m'adresser. Je vous invite à la lire. Vous aurez votre réponse. Elle est d'une clarté absolue et d'une force incroyable. Cette lettre m'accompagnera durant tout le débat parlementaire. Je vous avoue qu'elle me donne encore plus de forme et de détermination à porter une grande et belle loi républicaine de progrès et d'humanité.

La lettre d'Élisabeth Badinter adressée à Olivier Falorni

Paris, le 17 avril 2024

Monsieur le Député,

Le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie débute son parcours parlementaire. Vous en êtes le rapporteur général. 
Depuis de nombreux mois et plus encore récemment, j'ai pu constater que la parole de mon mari était utilisée, pour ne pas dire instrumentalisée, par des opposants à toute évolution législative sur ce sujet. 
J'ai ainsi pu lire, dans une interview au journal La Tribune Dimanche, le président de la conférence des évêques de France déclarer que « Robert Badinter avait toujours dit son opposition à toute idée d'aide active à mourir ».
De même, dans une tribune au Figaro, la psychologue Marie de Hennezel affirmait que le refus de la légalisation de l'euthanasie avait été son « dernier combat ».
Ces déclarations péremptoires et tant d'autres utilisent principalement des citations extraites de l'audition de mon mari en septembre 2008 pour la mission d'évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie.
Mon mari y avait en effet développé sa réflexion, ses souhaits et ses réserves.
C'était en 2008, il y a maintenant seize ans. 
La caractéristique d'une pensée humaine, c'est de pouvoir s'interroger, c'est de vouloir cheminer, c'est de savoir évoluer. C'est souvent la différence entre un Homme et un dogme.
Robert Badinter était de ces Hommes qui refusaient de s'enfermer dans des certitudes, a fortiori sur une question aussi complexe et sensible que celle de la fin de vie.
Il vous l'avait d'ailleurs personnellement dit lorsqu'il vous avait reçu le 10 novembre 2021, à la suite de l'examen de votre proposition de loi en avril de la même année. Il vous avait affirmé son soutien à votre texte qui instaurait un droit à une aide active à mourir. 
Il avait redit sa position en ma présence à la ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé en septembre 2023. 
Alors que le débat parlementaire sur la fin de vie est désormais lancé, je tiens à l'affirmer fortement. 
Mon mari n'a jamais assimilé aide à mourir et peine de mort.
Mon mari s'est forgé au fil des ans la conviction qu'une évolution vers une aide active à mourir était acceptable et même souhaitable dans certaines circonstances et selon des conditions précisément définies par la loi. 
Je tiens donc à affirmer que, s'il avait été parlementaire, Robert Badinter aurait soutenu ce texte. Prétendre le contraire serait une trahison de sa pensée et de sa mémoire.
Connaissant votre engagement de longue date pour cette cause, et ayant  désormais la mission de rapporteur général de cette loi, je tenais à vous adresser aujourd'hui ce message afin que vous puissiez le faire publiquement connaître si vous le jugiez nécessaire. 
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Député, l'expression de mes meilleures salutations.

Élisabeth Badinter

Commentaire 1
à écrit le 22/04/2024 à 8:40
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Vous en faites des caisses les gars, au lieu d'essayer de nous faire chialer arrêter de jeter l'argent des français par les fenêtres, merci.

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