« La Russie de Vladimir Poutine est devenue un acteur méthodique de la déstabilisation du monde qui n'hésite pas à menacer son environnement mais aussi plus directement, nos intérêts ». L'accusation du président français a donné le ton de la conférence de presse tenue vendredi soir après la signature d'un accord bilatéral par Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky.
Comme le Royaume-Uni en janvier la France et l'Allemagne viennent de concrétiser les promesses d'aide tenues lors du sommet du G7 à Vilnius en juillet dernier. Ces accords permettront à l'Ukraine de recevoir immédiatement une tranche de 1,1 milliard d'euros de Berlin, sur les 7,7 milliards d'euros prévus pour cette année. La France s'engage de son côté pour les dix prochaines années, « aussi bien dans le domaine militaire que civil », avec notamment le renforcement de la coalition artillerie lancée en janvier, coordonnée et dirigée par Paris. Les uns après les autres, les pays européens vont directement produire des armes et des munitions pour alimenter l'armée ukrainienne.
Avdiïvka tombe
Il y a urgence. Épuisée par deux ans de guerre, l'armée ukrainienne a besoin d'hommes, d'armes et de munitions. « Nos actions ne sont limitées que par la quantité et la portée de l'éventail de nos forces, ce qui ne dépend pas de nous », a répété Volodymyr Zelensky samedi lors de son intervention à la Conférence de Munich (Allemagne) sur la sécurité. Dans la nuit, ses troupes ont dû abandonner la ville d'Avdiïvka, dans l'est du pays, qu'elles ont tenue durant des mois face aux assauts des troupes russes. Un nouveau symbole de la résistance ukrainienne qui tombe, comme à Bakhmout. De plus Moscou intensifie sa guerre sur plusieurs fronts, notamment avec la prolifération de fake news.
« Ce constat, la France n'est pas la seule à le faire, l'Allemagne, la Finlande, la Pologne, les pays Baltes s'inquiètent du changement de posture de la Russie, qui devient une menace non seulement pour l'Ukraine mais pour toute l'Europe », indique une source diplomatique française.
Lundi dernier, Paris a mis au jour un réseau appelé « Portal Kombat ». À travers 193 sites, celui-ci publie massivement des contenus favorables à la Russie, sur les réseaux sociaux, dans les pays qui soutiennent l'Ukraine. Une vidéo générée par IA a circulé suggérant que l'Ukraine voulait assassiner le président Macron pendant sa visite dans le pays. Autre stratégie, Moscou a lancé mardi un avis de recherche contre la Première ministre estonienne, Kaja Kallas, qu'elle accuse d'être hostile à la Russie. Il y a plus grave. Le Kremlin est soupçonné de préparer le déploiement d'armes nucléaires dans l'espace pour détruire les satellites de communication, a indiqué Emmanuel Macron.
Présidentielle en vue en Russie
Avec l'élection présidentielle russe du 15 au 17 mars, Vladimir Poutine intensifie sa lutte contre son opposition intérieure. La mort d'Alexeï Navalny, dans sa prison en Arctique, vient s'ajouter à la longue liste des opposants morts dans des circonstances jamais élucidées. La semaine dernière, sous un prétexte futile, la commission électorale a annulé la candidature de Boris Nadejdine, candidat libéral et pacifiste à l'élection présidentielle soutenu par toute l'opposition russe. Sans concurrent, Vladimir Poutine vise un plébiscite. Reste à savoir si les Européens sont conscients du danger. Comme le montre notre sondage, les Français sont de plus en plus réticents à aider l'Ukraine. 32% veulent augmenter les livraisons de matériel humanitaire à l'Ukraine et 21% celles d'armes contre respectivement 46% et 31% en juin 2023.
La Russie résiste
Les sanctions occidentales contre Moscou n'ont pas eu l'effet immédiat escompté. en mode économie de guerre, la Russe résiste, grâce notamment aux revenus de la vente de pétrole et de gaz à la Chine et à l'Inde. Pire, la dépendance européenne aux hydrocarbures russes a contribué à la hausse des prix de l'énergie, alimentant depuis 2022 une inflation qui pèse sur le pouvoir d'achat des ménages et la croissance des économies européennes. Les manifestations des agriculteurs ont également pointé les effets de la concurrence des produits agricoles ukrainiens, dont les débouchés sur le Vieux Continent ont été favorisés pour aider Kiev. Conséquence, les partis populistes, comme le RN en France ou l'AfD en Allemagne, essaient de capitaliser sur ces inquiétudes pour les convertir en suffrages lors des élections européennes de juin, ce que verrait d'un bon œil Vladimir Poutine en espérant l'élection de Donald Trump aux États-Unis en novembre.