
De nouveau, aucune image n'a immortalisé le moment, les portables sont restés à l'entrée et aucun conseiller n'a été autorisé. Encore une fois, chacun a levé la main avant de prendre la parole et Emmanuel Macron a noirci son carnet de notes. Vendredi, la seconde édition des rencontres de Saint-Denis a duré neuf heures. Comme pour la première, le 30 août, cette journée organisée par le locataire de l'Élysée avec les chefs de parti et les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental afin de « dépasser les clivages dans l'intérêt du pays » s'est tenue à la maison d'éducation de la Légion d'honneur de Saint-Denis.
Il y a eu néanmoins une différence de taille. Il n'y avait plus que huit chefs de parti. Éric Ciotti, le patron des Républicains, Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, et Manuel Bompard, le coordinateur de La France insoumise, n'avaient pas refait le voyage, déstabilisant l'initiative présidentielle. Fin août, le choix d'Emmanuel Macron de commencer par les questions internationales une réunion qui avait alors duré douze heures s'était révélé tactiquement habile. Il avait tout de suite installé une certaine gravité et permis d'éviter les postures. Vendredi, le président a recommencé et longuement évoqué le conflit israélo-palestinien, la situation en Ukraine et celle en Arménie...
Interpellé par Jordan Bardella, le chef de l'État doit s'expliquer sur son choix de ne pas participer à la marche contre l'antisémitisme. Il précise qu'un hommage aux victimes françaises de l'attaque du 7 octobre ne sera rendu qu'une fois nos otages libérés. Il informe aussi les présents que de nouvelles mesures pour lutter contre le terrorisme seront prochainement annoncées afin de tirer les conséquences de l'attentat d'Arras.
« Tout ça pour ça »
Devine qui vient déjeuner ? Éric Woerth a été récemment chargé par Emmanuel Macron de réfléchir à « la simplification de l'organisation territoriale ». Le chef de l'État lui a demandé d'y participer pour présenter sa mission. Le député de l'Oise stipule d'emblée qu'il n'est pas là pour supprimer un échelon et qu'il sera très pragmatique. Gérard Larcher est le premier à s'exprimer. Le Sénat est la chambre des territoires ; Celui-ci a déjà beaucoup travaillé sur le sujet. Le sénateur des Yvelines estime que le semestre laissé à Éric Woerth est un temps beaucoup trop long et qu'on pourrait agir bien plus vite. Emmanuel Macron lui répond qu'un point d'étape sera fait. De son côté, Élisabeth Borne ajoute travailler sur des mesures de déconcentration. Certains réclament également un assouplissement de la loi interdisant le cumul des mandats (Marine Tondelier, la secrétaire nationale d'Europe Écologie-Les Verts, se dit contre). D'autres abordent l'évolution de la loi électorale à Paris, Lyon et Marseille.
Jordan Bardella se prononce contre une autonomie de la Corse alors qu'un consensus se dégage sur la question
La troisième partie est consacrée aux institutions. C'est le plat de résistance de la journée. L'organisation d'un référendum sur l'immigration est une des principales revendications des Républicains depuis ces derniers mois. En inscrivant à l'ordre du jour la révision de l'article 11 afin de permettre l'extension du champ référendaire à ce type de sujets, Emmanuel Macron avait donné un gage à Éric Ciotti. Mais vendredi, à l'issue des discussions, le référendum sur l'immigration est enterré.
Édouard Philippe, le patron d'Horizons, le communiste Fabien Roussel ou le centriste Hervé Marseille ont plaidé pour qu'un tel projet ne puisse voir le jour. Jordan Bardella, lui, l'a défendu. « J'ai été aujourd'hui à Saint-Denis le seul porte-parole de ceux qui veulent maîtriser l'immigration », se gargarisera le leader du RN à la sortie, trop content du champ libre que lui ont laissé Les Républicains. « Comme je l'avais prédit, les rencontres de Saint-Denis de ce jour n'ont abouti à rien, réagit Éric Ciotti dans un communiqué. Tout ça pour ça ! » Le chef de l'État est quant à lui satisfait de montrer que quelque chose de concret peut sortir des rencontres de Saint-Denis, même si c'est un enterrement.
On discute encore de l'abaissement des critères permettant l'organisation d'un référendum d'initiative partagée (RIP) ou de la limitation du pouvoir d'amendement du gouvernement. François Bayrou défend l'introduction d'une dose de proportionnelle aux législatives, son grand combat, et la mise en place d'une banque de la démocratie, une promesse abandonnée par Emmanuel Macron une fois élu en 2017. Jordan Bardella se prononce contre une autonomie de la Corse, alors qu'un consensus se dégage sur la question. On parle du statut de la Nouvelle-Calédonie. Au moment de la conclusion, le chef de l'État indique aux présents qu'il leur enverra, comme la dernière fois, un relevé de leurs échanges de la journée. C'est dans ce courrier qu'il devrait leur préciser la suite des rencontres de Saint-Denis. L.V.
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