Sarah El Haïry, la ministre qui assume sa PMA

Première Française membre d’un gouvernement à révéler son homosexualité, la vice-présidente du MoDem est enceinte de six mois. Elle et sa compagne ont bénéficié du texte sur la PMA pour toutes voté en 2021.
Vendredi à Paris, la secrétaire d’État à la Biodiversité, âgée de 34 ans.
Vendredi à Paris, la secrétaire d’État à la Biodiversité, âgée de 34 ans. (Crédits : Reuters)

Annoncer un heureux événement est parfois un acte militant. « Nous vivons un moment important, l'arrivée prochaine d'un enfant. Je veux le dire haut et fort, montrer que c'est possible pour deux femmes en couple. » La secrétaire d'État, chargée de la Jeunesse jusqu'en juillet et désormais de la Biodiversité, considère que cette prise de parole fait partie de son engagement républicain et universaliste, « de surcroît à une époque où les attaques homophobes demeurent violentes ». Elle même en a fait la dure expérience. Avril 2023, dans une interview au magazine Forbes, elle mentionne, au détour d'une phrase et, partager sa vie avec une femme. Cette confidence, inédite de la part d'une responsable politique, provoque des réactions auxquelles elle ne s'attendait pas.

La virulence des messages qu'elle reçoit sur les réseaux sociaux, un déferlement d'insultes et de menaces, l'effraie et la persuade que pour lutter il faut parler. Elle s'accroche aux nombreux remerciements envoyés par de jeunes lesbiennes, soulagées d'entendre ces mots rares dans la bouche d'une personnalité publique. « Si c'est encore un problème de dire "ma compagne" quand on est une femme, c'est qu'il reste un combat à mener », lance-t-elle ce 5 octobre quand nous la rencontrons.

Ouvrir la voie

Détendue et sûre de son choix, ventre arrondi et mine rayonnante, elle espère que médiatiser sa situation personnelle donnera de l'espoir et du courage aux jeunes homos encore trop souvent malmenés, au lycée, en famille ou dans le monde du travail. Donner de la voix pour ouvrir la voie, c'est l'idée. « On se souvient à quel point la haine fut forte en 2013 au moment de la loi sur le mariage pour tous », dit celle qui à l'époque milite au MoDem en Loire-Atlantique. « Depuis peu, grâce au président de la République, la loi a ouvert à toutes la procréation médicalement assistée [PMA]. Les couples lesbiens et les femmes seules n'ont plus à se rendre à l'étranger pour se faire aider. Il reste cependant des batailles à remporter dans notre société, pour l'acceptation de tous. » Pour les adolescents notamment, dont un quart des suicides entre 14 et 18 ans serait dû au rejet subi après l'annonce d'un coming out. Sarah El Haïry parle d'une « double conscience », l'avenir de la planète auquel elle essaie de contribuer dans son ministère, « et celui de la société que l'on va laisser à nos enfants, [qu'elle] souhaite apaisée, plus égalitaire ».

Elle se dit prête pour la tempête qu'elle risque de déclencher, rechigne à parler de courage, estime qu'il s'agit de sa responsabilité. Et détaille les étapes nombreuses de la PMA, un parcours de la combattante. En juillet 2022, lors d'un mariage d'amis, elle fait la connaissance du professeur Jean-Marc Ayoubi, gynécologue réputé, chef de service à l'hôpital Foch, à Suresnes, où la PMA est accessible à toutes, et prise en charge par la CPAM, depuis la promulgation de la loi de bioéthique votée un an auparavant. Sarah El Haïry et sa compagne, Pauline, commencent les démarches. Des examens médicaux sont nécessaires, une consultation chez un psychologue est obligatoire, à deux, toujours. Avant le début de la grossesse, un rendez-vous chez le notaire doit avoir lieu, afin d'établir un premier document qui atteste de la filiation de l'enfant à venir avec ses deux mères.

Au vu des résultats d'analyses, le docteur Ayoubi a préconisé une fécondation in vitro, méthode plus invasive que l'insémination. « Mais on ne s'est pas découragées, poursuit El Haïry. Ces déconvenues n'ont fait que renforcer notre engagement et notre désir d'enfant. » La loi française rend anonyme le don de sperme, mais cet anonymat peut être levé quand l'enfant dont il est issu atteint sa majorité et souhaite connaître l'identité de son géniteur. Un comité scientifique se réunit et choisit le donneur, en suivant les indications des biologistes. El Haïry tient à préciser : « Nous avons eu de la chance car en région parisienne il n'y a pas de pénurie de gamètes, ce qui n'est pas le cas partout en France, malheureusement. » En effet, le don de sperme - geste non lucratif - n'est pas encore fait à égalité partout sur le territoire et certaines Régions en manquent. Vient ensuite un moment fort.

La secrétaire d'État et sa compagne se rendent à l'hôpital Tenon, où se trouve le Cecos, service de biologie de la reproduction, pour récupérer les gamètes, congelés, qui leur sont destinés. « On nous a confié une grande bouteille d'azote dans laquelle ils se trouvaient, se souvient-elle. On les a transportés jusqu'à Foch, en voiture. On n'a jamais roulé si lentement ! » Déception douloureuse, la première FIV est infructueuse, mais la seconde une réussite. Trois mois après le test de grossesse positif, c'est à Brigitte Macron, dont elle est proche, que la future maman annonce en premier la bonne nouvelle.

« Ça ne se voit pas ! »

Le président de la République et la Première ministre sont prévenus juste après. François Bayrou, dont elle est la vice-présidente au MoDem, également. «Il est très heureux pour nous», indique la secrétaire d'État. Parmi ses collègues du gouvernement et au Parlement, les réactions sont bonnes aussi. Certains glissent maladroitement : « Ça ne se voit pas que tu es homo ! » « Je ne dois pas correspondre à ce qu'ils s'imaginent d'une lesbienne, réagit la concernée. Ça m'a plutôt fait rire ! »

C'est à ses 18 ans qu'elle commence à parler de son homosexualité au sein de sa famille. Née dans le Loir-et-Cher de parents marocains naturalisés français, elle passe ses années de lycée à Casablanca. Des origines qui lui valent régulièrement des commentaires racistes. « C'est à mon retour en France, après le bac, que j'ai fait mon coming out, dit-elle. Un moment compliqué. L'acceptation, même par ses proches, prend du temps. » Avec Pauline, déjà mère de deux enfants issus d'une précédente union, c'est une famille recomposée qu'elle s'apprête à former. « Comme des milliers de Français, avec les mêmes peines, les mêmes joies, et une particularité, le regard des autres, parfois blessant. » Dans ses yeux à elle, on ne lit que fierté. Leur petite fille doit arriver à la fin de l'année, elles ont décidé qu'elle portera leurs deux noms. La hargne homophobe qui suivra sans doute cette annonce ? Elle prévoit de l'ignorer. « Je penserai d'abord à celles pour qui c'est une bonne nouvelle. »

Commentaires 5
à écrit le 15/01/2024 à 10:39
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Il faut arrêter avec le qualificatif simpliste et insultant "d'homophobe" pour qualifier les personnes qui sont en désaccord avec ces pratiques. La France est un pays libre, chacun doit pouvoir avoir un point de vue sans être qualifié de "phobe", vér...

à écrit le 09/10/2023 à 8:59
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La vie privé des politiques ne nous regarde pas, bien sûr derrière il y a des demandes idéologiques porté par des militants qui en font de la propagande.

à écrit le 08/10/2023 à 17:13
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Elle fait se quelle veut perso cela me regarde pas, et je ne juge pas.

à écrit le 08/10/2023 à 10:32
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"Je veux le dire haut et fort, montrer que c'est possible pour deux femmes en couple. " Un pipette suffit aujourd'hui ,plus besoin de bonhomme sauf pour alimenter la banque du sperme.

à écrit le 08/10/2023 à 8:32
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Et moi et moi et moi... je ne sais pas si cette peopolisation de la classe politique française va remonter la côté des politiciens français car pendant que Bambi et Peter Pan vont se marier au fabuleux pays imaginaire Gargamelle bouffe tout le monde.

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