L'été dernier, des adolescents parfois très jeunes - certains n'avaient même pas 13 ans ont saccagé, brûlé, pillé dans 553 villes françaises. Laissant une nation sous le choc et braquant le projecteur sur ceux qui laissaient vagabonder ces jeunes dans les rues à une heure avancée et qui ne venaient pas non plus les récupérer, malgré la succession des nuits de chaos. Relançant avec force et d'une nouvelle manière le débat sur l'autorité parentale. Un débat ancien ; on se souvient par exemple des « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement. Une partition réinterprétée par le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui en appelant les parents à « tenir leurs gosses » a résumé l'humeur d'une société perdue et exaspérée devant ses enfants. À tel point qu'elle accepte sans vraiment protester la sortie musclée d'Hugues Moutouh, alors préfet de l'Hérault, clamant sur les ondes : « C'est deux claques et au lit. C'est ce que faisaient nos grands-parents. »
L'autorité et la relation aux enfants ? « C'est l'un des grands sujets pour les Français », analyse Brice Teinturier, directeur général de l'institut Ipsos et l'un des meilleurs connaisseurs de l'opinion publique. Notre sondage exclusif est d'ailleurs éloquent : 81 % des Français pensent que les parents ont moins d'autorité qu'avant sur leurs enfants. « Ce chiffre balaie tout, il écrase tout, c'est massif pour tout le monde, c'est majoritaire même pour les sympathisants de La France insoumise, observe encore notre sondeur. C'est un credo fondamental de la société, un fait qui ne se discute pas pour les Français. » Dans le détail, c'est encore plus vrai pour les plus âgés et ceux qui n'ont pas d'enfants. « Ce sont surtout les plus de 60 ans et les sympathisants LR qui défendent la discipline et le respect de l'autorité », poursuit-il.
Pour nos sondés, les causes de cette baisse d'autorité sont avant tout externes et relèvent du rapport au monde. Pour près de la moitié d'entre eux, cela provient de la mauvaise influence des modèles - à la télévision, sur les réseaux sociaux et parmi leurs amis - qui peuvent inciter les enfants à défier leurs parents. Est aussi mise en cause une société « qui ne valoriserait pas assez l'autorité ». « Cela témoigne d'un rapport au monde où l'on se sent démuni et dépassé », pointe Brice Teinturier. Seul un sondé sur cinq y voit une conséquence du développement de la famille monoparentale. C'est pourtant l'une des catégories de population pointées du doigt cet été. Car les émeutiers de juin- juillet, s'ils étaient très jeunes (17 ans en moyenne) étaient aussi pour 60 % d'entre eux issus de familles monoparentales, selon les chiffres du ministère de la Justice.
En août, Emmanuel Macron avait dégagé quelques pistes de travail dans Le Figaro Magazine. « On doit accompagner ces familles, donner beaucoup plus de moyens, mieux les préparer, et en même temps les responsabiliser », avait-il exposé, assurant vouloir « remettre » de l'autorité parentale face au « délitement » de la famille. Le temps a passé... Le président de la République a prévu de faire des annonces sur la question avant les fêtes. Au sujet de l'impact des écrans (lire ci-contre), mais aussi sur la justice des mineurs. Juste avant de lancer son « tour de France de la parentalité », qui débute demain à Trélazé, près d'Angers, la nouvelle ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, livre les premières pistes du gouvernement à La Tribune Dimanche : des travaux d'intérêt général pour les parents défaillants, le paiement d'une contribution financière auprès d'une association de victimes pour les parents d'enfants coupables de dégradations, et enfin une amende pour ceux ne se présentant pas aux audiences qui concernent leurs enfants.
Des annonces à la tonalité très coercitive qui correspondent au climat du moment. Car selon notre sondage, une bonne majorité de Français (61 %) est favorable à une approche répressive pour ces parents considérés comme défaillants.
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Un enfant de moins de 6 ans consacre en moyenne 830 heures par an aux écrans, c'est-à-dire un nombre d'heures équivalent au temps passé en classe. Emmanuel Macron devrait bientôt s'exprimer sur le sujet tant il le juge crucial. « L'impact des écrans sur les enfants, cela fait plusieurs mois qu'il nous en parle », confirme-t-on dans son entourage. Avec une préoccupation majeure : l'enjeu civilisationnel des réseaux sociaux. « Pourquoi les Chinois ne mettent-ils par les mêmes contenus sur TikTok dans leur pays et à l'étranger ? Ils s'en servent pour éduquer la jeunesse, dans le même temps ils donnent des jeux aux petits étrangers », soupire l'un des interlocuteurs réguliers du chef de l'État. L'utilisation de Snapchat par les très jeunes émeutiers de l'été dernier pour se donner rendez-vous sur les lieux des saccages a achevé de le convaincre. Gabriel Attal, le ministre de l'Éducation nationale avait lui-même sonné l'alarme, expliquant à propos de l'usage des écrans à la maison que nous étions « proches d'une catastrophe sanitaire et éducative chez les enfants et les ados ».Haro sur les écrans