Présidentielle 2017 : les candidats au carrefour de l'économie circulaire

Obsolescence programmée, recyclage, incinération... seuls six des candidats à la présidentielle se positionnent face à l'enjeu de la gestion des déchets. Les mesures proposées reflètent des visions différentes de la transition écologique.
Giulietta Gamberini
Selon une étude publiée récemment par l'éco-organisme Ecofolio, neuf Français sur dix y voient désormais dans l'économie circulaire un outil de création de richesse.

D'une part, 345 millions de tonnes de déchets à gérer chaque année, pour un coût collectif de plusieurs dizaines de milliards d'euros (16,7 milliards pour les seuls déchets ménagers et assimilés en 2013). De l'autre, une perception accrue du potentiel de l'économie circulaire puisque, selon une étude publiée par l'éco-organisme Ecofolio le 7 mars, neuf Français sur dix y voient un outil de création de richesse. Les stratégies de transformation des ordures en ressources paraissent désormais comme un enjeu incontournable de la transition écologique française, et donc de l'évaluation des candidats à la présidentielle. Pourtant, les déchets et l'économie circulaire sont complètement absentes des programmes de cinq des onze compétiteurs, observe l'association Zero Waste France. Les autres cinq affichent "des ambitions très variables", dans le cadre de visions diverses de l'économie circulaire, relève l'ONG, qui a passé en revue leurs programmes.

François Fillon parie sur la fiscalité

Afin d'évaluer le programme de François Fillon en matière d'économie circulaire, Zero Waste se réfère au document publié par le candidat de Les Républicains au moment des primaires, les mesures en matière d'environnement, énergie et transports publiées sur son site de campagne mentionnant seulement un encouragement générique des filières du recyclage. François Fillon y affiche sa volonté de "faire des déchets une ressource", en remédiant au retard de la France en matière de recyclage "par rapport à ses voisins". A cette fin, il mise sur l'incitation et la dissuasion fiscale: il propose d'une part d'"appliquer un taux de TVA réduit sur les produits intégrant plus de 50 % de matériaux recyclés dans leur composition", de l'autre d'"augmenter significativement (...) la taxe de mise en décharge, payée par les entreprises ou les communes, comme l'ont fait l'Allemagne et la Grande Bretagne , en la fixant à plus de 100 euros la tonne, contre 25 euros en France actuellement".

Le candidat de droite entend également "étendre l'obligation de récupération de leurs propres produits en fin de vie par les industriels" et "permettre aux particuliers de revendre leur matériel électronique obsolète à des organismes spécialisés dans la récupération". Il va jusqu'à vouloir "interdire la mise en décharge des produits intégrant des composants valorisables" et à souhaiter, "à terme, un bannissement des décharges".

Emmanuel Macron : l'économie circulaire comme outil de compétitivité

Le candidat d'En Marche affiche explicitement la volonté de faire d'une économie "100% circulaire" un "nouveau modèle économique" compétitif. Emmanuel Macron insiste particulièrement sur l'objectif de diviser par deux les déchets ménagers mis en décharge d'ici à 2025 (objectif d'ores et déjà fixé par la loi de transition énergétique), et d'atteindre à la même échéance "100% de plastique recyclé sur tout le territoire", "grâce à la modernisation des centres de tri", mais aussi grâce à des indications simplifiées sur les emballages. En matière de bio-déchets, il propose de renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire en s'appuyant sur la concertation avec les fédérations professionnelles concernées.

Dans une logique de conciliation entre croissance économique et écologie, Emmanuel Macron insiste aussi sur le potentiel d'innovation et de création d'emplois de l'économie circulaire. Il souhaite notamment développer l'éco-conception, notamment par une extension du système de bonus-malus sur les éco-contributions payées par les fabricants, et soutient un affichage renforcé de la durée de vie des produits. En rappelant que le secteur des éco-activités représente aujourd'hui près de "86 milliards d'euros de production dont près de la moitié pour le traitement de l'eau et des déchets", et 900.000 emplois directs et indirects en France, Macron rappelle enfin la nécessité que l'Etat encourage les initiatives existantes et de nouvelles solutions industrielles, en entrant par exemple au capital de certains projets.

Hamon et Mélenchon évoquent radicalement le "zéro déchet"

Les deux candidats de la gauche se rejoignent dans le choix d'un lexique tranchant pour la présentation de leurs programmes en matière d'économie circulaire : celui du "zéro déchet, évoqué par le premier comme objet d'un "grand plan" national, par le deuxième comme l'objet d'une loi.

Dans son plan zéro déchets, Benoît Hamon compte notamment sur les métropoles, auxquelles il veut imposer une obligation de recycler au moins 50% de leurs déchets d'ici à 2022 : un seuil toutefois moins ambitieux que celui fixé par la loi de transition énergétique (55% en 2020 et 65% en 2025) et plus récemment par le Parlement européen dans le cadre du paquet Economie circulaire (70% de déchets recyclés d'ici à 2030 et 80% pour les emballages), note Zero Waste. Le candidat socialiste promet aussi de lutter contre le gaspillage et l'obsolescence programmée, ainsi que de soutenir l'éco-conception, conformément à l'accord conclu entre le PS et Europe Ecologie Les Verts (EELV), qui prévoit une modulation de la TVA en fonction de la durée de vie des produits et de leur potentiel de revalorisation et de réparation.

Jean-Luc Mélenchon insiste pour sa part sur la fin de "l'ère du tout jetable", qu'il présente comme "le pain des actionnaires". A cette fin, il propose notamment l'inscription dans la Constitution d'une "règle verte", imposant de "ne pas consommer davantage de ressources naturelles que ce que la Terre fournit". Le candidat de la France insoumise prône l'adoption d'une loi fixant deux objectifs: "Division par deux de la production de déchets et '100 % recyclable' pour les déchets restants", grâce à une panoplie de mesures: une meilleure information des consommateurs, des incitations fiscales et financières au recyclage, à la réparation voire à la location, l'allongement de la garantie légale des produits mais aussi, plus radicalement, l'interdiction du suremballage et des emballages non recyclables et l'obligation de tri pour tous les producteurs de déchets. Jean-Luc Mélenchon insiste enfin sur la nécessité de financer la recherche et la formation en matière d'économie circulaire,et de réformer la responsabilité élargie du producteur.

Marine Le Pen : la lutte contre l'obsolescence programmée au nom du pouvoir d'achat

Pour la candidate du Front National, l'écologie entre en jeu à partir du moment où elle est "patriote". Si dans son programme elle n'évoque pas directement la gestion des déchets, les "21 propositions pour une écologie patriote du XXIe siècle" élaborées par le Collectif Nouvelle Écologie du FN, se penchent sur le problème de l'obsolescence programmée "afin de défendre les consommateurs", note Zero Waste. L'affichage obligatoire de la durée de vie des appareils électroménagers, une intervention législative pour rendre les pièces détachées abordables et une éventuelle augmentation de la durée de garantie des produits chers sont ainsi autant d'instruments pour restituer du pouvoir d'achat aux Français aux yeux du FN. Les mentions de la production d'éco-matériaux, le compostage et le recyclage ne sont en revanche assorties d'aucune proposition concrète.

Nicolas Dupont-Aignan: les déchets réinscrits dans la "proximité"

Lui aussi engagé contre l'obsolescence programmée, via des contrôles accrus, Nicolas Dupont-Aignan insiste toutefois pour sa part surtout sur une "écologie de proximité" dont les héros seraient les collectivités locales. La réutilisation et le recyclage seraient ainsi quelques-unes de leurs prérogatives, grâce à des financements ad hoc.

L'incinération, véritable clé de voûte des programmes?

Face à ces positions hétérogènes des candidats, une ligne distinctive semble néanmoins émerger des programmes, exprimant une approche plus ou moins rigoureuse de la notion d'économie circulaire. Elle tourne autour de la question de la "valorisation énergétique", à savoir de la combustion des déchets, dont le caractère polluant et l'intérêt économique font débat. Seul Benoît Hamon promet la sortie de l'incinération, alors qu'Emmanuel Macron s'engage à la décourager par un augmentation progressive de la taxe générale sur les activités polluantes, concernant l'incinération comme l'enfouissement, souligne Zero Waste.

François Fillon en revanche, qui pourtant veut augmenter la taxe de mise en décharge, ne précise rien concernant l'incinération, note l'association, alors que Nicolas Dupont-Aignan affiche explicitement sa volonté d'augmenter les performances des incinérateurs voire l'utilisation de combustibles solides de récupération (CSR). Quant à Jean-Luc Mélenchon, il se limite à prévoir une remise en cause des projets d'installations qui font aujourd'hui débat (comme l'incinérateur d'Ivry-Paris XIII) et une obligation de valorisation énergétique pour toutes les installations, sans s'engager sur une sortie de l'incinération.

Giulietta Gamberini
Commentaires 2
à écrit le 19/04/2017 à 10:14
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Le modèle Fillon repose exclusivement sur l'externalisation des missions de service public : santé, sécurité, traitement des déchets...Economie d'impôt à court terme, mais en trompe l'oeuil, puisqu'accompagnée inéluctablement d'une baisse générale du...

à écrit le 13/04/2017 à 8:51
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Bref nos politiciens de droite aiment les déchets et ceux qui se disent de gauche rêvent étant donné que sans s’attaquer à l'oligarchie on ne pourra jamais régler ce problème.. EN attendant, alors que l'on nous demande de trier de plus en plus no...

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