C'est une bonne nouvelle pour l'Allemagne, durement mise à l'épreuve par la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine. Alors que le pays tente par tous les moyens d'économiser du gaz afin d'éviter d'en manquer l'hiver prochain, il peut néanmoins se réjouir, ce jeudi, de voir son produit intérieur brut (PIB) progresser de 0,1% au deuxième trimestre.
Si ce chiffre semble faible, il reste supérieur aux prévisions qui s'attendaient à une croissance nulle après + 0,8% pour les trois premiers mois de l'année. Le PIB de première économie de la zone euro a ainsi augmenté de 1,7% sur un an et a atteint le niveau d'avant la crise sanitaire, a précisé jeudi l'Office fédéral des statistiques (Destatis) dans un communiqué.
Si avec ces résultats, l'Allemagne signe l'une des pires performances de la zone euro au deuxième trimestre, elle voit, pour l'instant, s'éloigner le spectre d'une récession qui menace son économie sur fond d'inflation record. Cette dernière a poursuivi sa baisse en juillet, s'établissant à 7,5% en juillet, très légèrement inférieure aux 7,6% enregistrés en juin. « L'économie a été surtout portée par les dépenses de consommation privée et publique », explique Destatis, les consommateurs « profitant de la fin des restrictions sanitaires » pour voyager ou dépenser davantage « malgré la hausse des prix ».
Les indicateurs économiques se dégradent
L'économie s'est donc mieux portée qu'attendue, sans pour autant masquer la dégradation de la plupart des indicateurs. L'indice Ifo du moral des entrepreneurs a reculé pour la troisième fois d'affilée, à 88,5 points en août contre 88,7 le mois précédent. « L'ambiance est mauvaise », « l'incertitude reste élevée » et « l'économie devrait se contracter au troisième trimestre », a prévenu Destatis, ce jeudi.
Par ailleurs, l'activité économique du secteur privé, mesurée par l'indicateur PMI composite de S&P Global s'est contractée en août dans la zone euro - et l'Allemagne a connu son plus fort recul depuis plus de deux ans, en raison d'une baisse de la production et d'une contraction accélérée du secteur des services. Au deuxième trimestre, la composante industrielle du PIB a reculé, plombée notamment par un ralentissement de la production dans la chimie ou la fabrication de métal.
Le patron de la banque centrale allemande, Joachim Nagel, s'est d'ailleurs montré pessimiste dans un récent entretien déclarant que « l'économie allemande a encore bien fonctionné au premier semestre dans des conditions difficiles. Mais si de nouveaux problèmes d'approvisionnement s'ajoutent, (...) les perspectives économiques pour le second semestre s'assombriront encore ». « Si la crise énergétique s'aggrave, une récession semble probable pour l'hiver prochain », a ainsi estimé le chef de la Bundesbank.
Vers une pénurie de gaz
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Allemagne est en effet plongée dans une crise de l'énergie qui fait planer le risque d'une pénurie à l'hiver prochain. Berlin souffre de la baisse des livraisons de gaz venues de Russie dont le pays était dépendant à plus de 50% avant la guerre avant de redescendre à 35% actuellement. Cette chute de l'approvisionnement empêche Berlin de remplir au maximum ses réserves, comme l'a admis, mi-août, le chancelier allemand, Olaf Scholz. Si l'Allemagne était parvenue à remplir son premier objectif de stockage, avec un remplissage de 75% des réserves nationales (contre 10 points de moins début juillet), la cible finale, c'est-à-dire parvenir à un taux 95% d'ici au 1er novembre, paraît désormais hors de portée. « Dans tous nos scénarios, nous ne parviendrons pas à [l']atteindre », a déclaré le chef du régulateur allemand de l'énergie, Klaus Müller. « Nous n'y parviendrons pas, car certains sites de stockage sont partis d'un niveau de remplissage très bas », a-t-il ajouté. Quant à l'objectif intermédiaire de 85% d'ici à octobre, il n'est selon lui « pas impossible, mais très ambitieux ».
D'autant que l'Allemagne pourra difficilement compter sur les livraisons de gaz naturel en provenance du Canada, sixième producteur au monde de gaz naturel liquéfié (GNL). « Nous étudions les options afin de voir s'il est logique d'exporter du GNL et s'il est rentable de l'exporter directement vers l'Europe », a assuré le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, minimisant ainsi la probabilité d'une telle livraison de GNL. En revanche, le Canada et l'Allemagne ont annoncé mardi la création d'une « alliance pour l'hydrogène » ouvrant la voie à une « chaîne d'approvisionnement transatlantique ».