Allemagne : la Sarre donnera le ton pour Martin Schulz

Le petit Land de Sarre vote dimanche pour renouveler son parlement régional. Si Die Linke et la SPD parviennent à s'entendre, elles pourraient entamer un changement de coalition au niveau fédéral sous la bénédiction d'Oskar Lafontaine.
Oskar Lafontaine, "patriarche" de la Sarre pourrait donner le ton aux prochaines négociations de coalition en Allemagne.

C'est le premier acte d'une année électorale chargée en Allemagne qui culminera le 24 septembre prochain avec les élections fédérales. Dimanche 26 mars, les électeurs du Land de Sarre, Etat frontalier avec la France, sont invités à renouveler leur assemblée, le Landtag. La Sarre, réunie en 1955 à la République fédérale, est le plus petit et le moins peuplé des Länder non citadins avec ses 998.000 habitants. C'est bien moins que les 17 millions de la Rhénanie du Nord Westphalie qui votent le 14 mai. Mais cette élection, et surtout les négociations de coalition qui vont suivre, pourrait donner le ton d'un changement de gouvernement outre-Rhin à l'automne.

La Sarre minière et industrielle a très longtemps été un Land social-démocrate. C'était le fief d'Oskar Lafontaine, originaire de Sarrelouis, qui en a été ministre-président de 1985 à 1998 et qui pouvait alors s'appuyer sur une majorité absolue au Landtag. En 1999, au moment de la démission de ce dernier du ministère fédéral des Finances, la Sarre a cependant basculé dans l'escarcelle de la CDU qui le gouverne depuis lors. En 2012, une « grande coalition » a été bâtie entre CDU et SPD, dirigée par la Chrétienne-démocrate Annegret Kramp-Karrenbauer qui briguera ce dimanche sa propre reconduction. Elle aura, du reste, devant elle, sa ministre de l'Économie, Anke Rehlinger pour la SPD.

Une gauche sarroise irréconciliable et en lambeaux

Depuis 1999, la gauche sarroise a été divisée et irréconciliable. Une grande partie des électeurs sociaux-démocrates du Land ont protesté au début des années 2000 contre les « réformes » menées par le gouvernement de Gerhard Schröder, en se réfugiant dans l'abstention. En 2004, la SPD a perdu 13 points à 30,8 % des voix alors que l'abstention passait de 32 % à 45 % des inscrits... En 2009, Oskar Lafontaine reprend du service sous la bannière de Die Linke et obtient 21,3 % des voix, talonnant une SPD réduite à 24,5 % des voix. Les Sociaux-démocrates sont remontés à 30,6 % en 2012, Die Linke étant concurrencé par l'irruption temporaire des Pirates. En 2009, comme en 2012, une majorité de gauche aurait été possible, mais elle a toujours été refusée tant par la SPD que par Die Linke.

Ce que disent les sondages

Mais en 2017, les choses pourraient changer. Oskar Lafontaine, remis d'un cancer et malgré ses 73 ans, a repris la tête de la liste Die Linke qui n'est plus donnée par les sondages qu'à 12 ou 13 % des intentions de vote. Quant à la SPD, elle devrait profiter d'un petit « effet Schulz » malgré une ministre-présidente CDU très populaire. Les dernières enquêtes donnent entre 34% et 37% à la CDU (35,2 % en 2012) et entre 32% et 34% à la SPD. Derrière, comme au niveau fédéral, les Verts sont les premières victimes de la remontée de la SPD et pourraient ne pas entrer au parlement régional, tout comme les Libéraux. En revanche, AfD, le parti xénophobe et eurosceptique, grignotera l'électorat de Die Linke et devrait rentrer au Landtag avec 6 à 7% des intentions de vote.

Changement de disposition

Dans une telle disposition, la logique politique traditionnelle allemande devrait mener sans discuter à une reconduite de la « grande coalition ». Mais le contexte fédéral a changé. Martin Schulz veut devenir chancelier et, pour cela, il peut avoir besoin du soutien de Die Linke et des Verts au Bundestag. Un soutien difficile à faire accepter au sein des trois formations. Aussi la Sarre apparaît-elle comme un laboratoire. Si une alliance SPD-Die Linke est majoritaire au Landtag, un gouvernement régional « rouge-rouge » pourrait voir le jour. Certes, ce type de gouvernement existe déjà au Brandebourg, dans l'est du pays, mais dans un contexte complètement différent. Ici, le signal serait très particulier : il supposerait l'accord du « patriarche » Oskar Lafontaine.

La fin de la guerre des gauches ?

Cet accord serait une forme de « réunification » de la SPD après la rupture de 1999. Ce serait une tentative d'oubli des effets désastreux de l'agenda de Gerhard Schröder sur la gauche allemande et les Sociaux-démocrates. Tentative qui concorde avec la volonté de Martin Schulz de revoir certains points centraux des réformes Hartz, à commencer par la durée de l'indemnisation chômage. Après treize ans d'opposition et de subordination, la gauche allemande prendrait conscience que son retour au pouvoir passe par son unité et que cette dernière n'est possible que par un bilan critique de la gestion Schröder.

Si Oskar Lafontaine bénit une coalition avec la SPD en Sarre, Die Linke n'aura guère de raison de rejeter une alliance avec Martin Schulz. La femme du « patriarche », Sarah Wagenknecht, est la candidate du parti pour la chancellerie et la principale force d'opposition à l'alliance vient des fédérations occidentales de Die Linke, tenues par Oskar Lafontaine.

Une alliance possible ?

Cette alliance sera-t-elle possible ? Plusieurs facteurs devront le décider. D'abord, il faudra une majorité parlementaire SPD-Die Linke ou SPD-Die Linke-Verts. Elle n'est pas encore acquise, selon les sondages. Si elle ne l'est pas, la « grande coalition » reprendra évidemment ses droits. Ensuite, il faudra le feu vert d'Oskar Lafontaine. Ceci semble plus probable. L'ancien ministre-président ne tarit pas d'éloges sur Anke Rehlinger. Il semble prêt à la réconciliation, conscient de son impact sur les discussions de cet automne au niveau fédéral. Il faudra donc observer de près ce scrutin plus important que la taille de la Sarre ne pourrait le laisser penser.

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